La fête de l'Europe et la vision de Robert Schuman

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Construire la paix avec ce qui a servi à faire la guerre

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Construire patiemment la paix mondiale, après avoir imposé au monde la guerre: on pourrait résumer ainsi la vision de Robert Schuman en cet anniversaire de la Déclaration du 9 mai 1950, fondatrice d’une Europe unie, date désormais de la fête de l’Europe.

Construire la paix avec ce qui a servi à faire la guerre, une guerre européenne (1870) et deux guerres mondiales (1914 et 1939), des dizaines de millions de morts, à savoir le charbon et l’acier: avec cette proposition réaliste du ministre français des Affaires étrangères, Robert Schuman, les Européens se lançaient sur un chemin de réconciliation, de paix et de prospérité. Ils choisissent de partager ce chemin nouveau au monde entier, après avoir entraîné le monde dans leurs conflits, dont les cicatrices les plus visibles sont ces immenses cimetières sur leur territoire, et les moins visibles, une forme de culture de la mort. 

Et c’est lors du Conseil européen de Milan en 1985, que les chefs d’État et de gouvernement européens ont décidé d’instaurer le 9 mai comme « Journée de l’Europe », célébrée chaque année depuis 1986.

La paix sociale et économique

Aujourd’hui, au processus de renoncement à la violence entre Nations entrevu par Schuman doit correspondre aussi le renoncement à la violence sous toutes ses formes aussi à l’intérieur des sociétés. En cela, la Déclaration de Robert Schuman n’a pas fini d’inspirer les artisans de paix: elle garde toute son actualité.

Cette déclaration du 9 mai 1950 annonçait en effet la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Il entrevoyait un processus historique inédit: «La mise en commun des productions de charbon et d’acier (…) changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes».

Il déclare: «La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent.» Il s’agissait de rendre la guerre non seulement « impensable » mais aussi « matériellement impossible ». Schuman tirait son énergie et sa vision de sa foi.

Dans les années 90, la guerre en Bosnie sera d’autant plus ressentie comme une honte et un échec pour ce bloc de nations en construction, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, non par la conquête guerrière mais par la paix laborieuse, une volonté de paix incarnée dans la recherche du bien commun.

Car il s’agissait aussi de stimuler l’économie et la solidarité de cette nouvelle zone de paix, comme le dit l’article 2 du Traité de Paris du 18 avril 1951: « contribuer à l’expansion de l’économie, le développement de l’emploi et l’amélioration du niveau de vie moyen » des citoyens. En temps de crise et de chômage et idéal a d’autant plus de sens.

Le traité allait entrer en vigueur, le 23 juillet 1951, avec la création, pour 50 ans, de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, avec pour membres fondateurs la France, l’Allemagne de l’Ouest, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. C’était la première des institutions qui donneront naissance à «l’Union européenne». La CECA n’existe plus depuis le 22 juillet 2002. Mais la vision de Robert Schuman, elle, n’a rien perdu de sa force inspiratrice.

Une solidarité de fait

Le pivot de sa vision, c’était la solidarité: «L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait». Des paroles toujours aptes à inspirer une Europe – un monde – en crise, éthique.

Lorrain, né à Luxembourg, Allemand du fait de l’annexion de la Lorraine par l’Allemagne, prisonnier pendant sept mois sous l’Occupation nazie, il fut, après la guerre député de Lorraine, ministre des finances en 1946, président du Conseil en 1947-1948, puis Affaires étrangères entre juillet 1948 et décembre 1952, et Garde des Sceaux (de février à décembre 1955) et président du mouvement Européen (1955 à 1961). Enfin, de 1958 à 1960, il fut président du Parlement européen. Au terme de son mandat, le Parlement européen lui décernera, ainsi qu’à Jean Monnet, Commissaire au plan en 1950, le titre extraordinaire de « Père de l’Europe ».

Il voyait que pour construire l’Europe il faut que les nations se lient par des obligations, en vue du bien commun, et se dotent d’institutions, à commencer par la « Haute Autorité commune » de la CECA.

La paix du monde

Mais pas seulement. L’horizon de son action, c’est la construction, patiente – la déclaration le dit d’emblée -, de la « paix mondiale ». La CECA c’est un premier pas, décisif. La déclaration liminaire le dit clairement: « Il n’est plus question de vaines paroles, mais d’un acte, d’un acte hardi, d’un acte constructif ».  Il en faudra beaucoup d’autres pour atteindre le but, avec les défis nouveau qui surgissent à chaque génération. L’objectif demeure.

On peut lire la Déclaration du 9 mai 1950 sur ce site:

http://www.robert-schuman.com/fr/pg-europe/9mai50.htm

On pourra lire: « Robert Schuman, un Père pour l’Europe », par Réné Lejeune, avec une préface du cardinal Jean-Louis Tauran (Editions de l’Emmanuel)

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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