Jean-Paul II et le grand rabbin Toaff, DR

Jean-Paul II et le grand rabbin Toaff, DR

Journée du judaïsme : «Prendre au sérieux l’enseignement de S. Jean-Paul II», par le p. Jean Stern m.s.

Et discours de Jean-Paul II à la grande synagogue de Rome

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Le père Jean Stern, théologien, missionnaire de La Salette encourage à « prendre au sérieux l’enseignement du saint pape Jean-Paul II « concernant Israël », car il est, insiste-t-il, « capital ».

L’unité des chrétiens aussi

C’est ce que le p. Stern confie à Zenit, à l’occasion de la « Journée du judaïsme », célébrée par plusieurs conférences épiscopales à la veille de la grande semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier).

Le p. Stern rappelle justement que  » demain commence la semaine de prière pour l’Unité entre les chrétiens »: « Selon saint Jean-Paul II, le dialogue avec le judaïsme est d’une « importance fondamentale »  (ce sont ses mots) pour le dépassement des divisions entre les Eglises », comme il le dit plus loin.

Il est notamment l’auteur de « Jean-Paul II et le mystère d’Israël » (Parole et Silence, 2015), avec une préface du regretté théologien de la Maison pontificale, le cardinal Georges-Marie Cottier O.P.

On se souvient notamment de la visite historique du pape polonais à la grande synagogue de Rome, où il a été accueilli par le grand rabbin Elio Toaff, le 13 avril 1986 : nous re-publions ci-dessous son discours. Mais aussi de ses visites à Auschwitz, le 7 juin 1979, et à Jérusalem, notamment au Mur des Lamentations, le 26 mars 2000. Sans compter ses nombreux écrits évoquant les victimes de la Shoah.

Un lien intrinsèque

Le p. Stern propose « deux textes du saint [pape Jean-Paul II], qui méritent d’être mis en application » : on entend bien, pas seulement d’être « lus »…

Le premier à propos de la Déclaration conciliaire « Nostra aetate »: « L’ouverture universelle de Nostra aetate, cependant, s’enracine et puise son orientation dans un sens aigu de l’absolue singularité du choix que Dieu a fait d’un peuple particulier, « son » peuple, Israël selon la chair, déjà appelé « Église de Dieu » (Lumen gentium, 9; cf. Ne 13, 1; Nb 20, 4; Dt 23, 1 et s.). Ainsi, la réflexion de l’Église sur sa mission et sa nature même est intrinsèquement liée à sa réflexion sur la lignée d’Abraham et la nature du peuple juif (cf. Nostra aetate, 4). L’Église a pleinement conscience que la Sainte Écriture porte témoignage que le peuple juif, cette communauté de foi qui est la gardienne d’une tradition plurimillénaire, fait intimement partie du « mystère+ de la Révélation et du salut. ». Jean-Paul II, pour le XXVe anniversaire de la déclaration conciliaire Nostra aetate, 6 décembre 1990).

L’Eglise en Europe 

Le second vient de l’exhortation apostolique de Jean-Paul II sur l’Eglise en Europe : « Il s’agit plutôt de prendre une plus vive conscience du rapport qui lie l’Église au peuple juif et du rôle singulier d’Israël dans l’histoire du salut. Comme il Était déjà apparu lors de la première assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Évêques et comme l’a rappelé Également le dernier Synode, il faut reconnaître les racines communes qui existent entre le christianisme et le peuple juif, appelé par Dieu à une alliance qui reste irrévocable (cf. Rm 11, 29), puisqu’elle est parvenue à sa plénitude définitive dans le Christ. Il est donc nécessaire de favoriser le dialogue avec le judaïsme, sachant qu’il est d’une importance fondamentale pour la conscience chrétienne de soi et pour le dépassement des divisions entre les Églises, et aussi d’oeuvrer pour que fleurisse un nouveau printemps dans les relations mutuelles. Cela implique que chaque communauté ecclésiale ait à pratiquer, chaque fois que les circonstances le permettront, le dialogue et la collaboration avec les croyants de la religion juive… ». (Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa du 28 juin 2003, n. 56)

Egalement auteur d’un livre récent intitulé « Le lien entre le catholicisme et Israël d’après le cardinal Henri de Lubac » (L’Harmattan, 2019), le p. Stern insiste aussi sur l’héritage théologique du cardinal de Lubac: « Il a réfléchi énormément sur la Tradition, son développement. Il a montré que le christianisme n’est pas affaire d’éloignement d’Israël. »

Continuité du lien

On pourra lire à ce propos, l’article du p. Jean Stern m.s. : « Marcionisme, néo-marcionisme et la Tradition de l’Eglise », in Revue Thomiste, août 2005 (vol. 105 – N°3 [2005], 473-506). Le théologien y explique notamment : « Le livre du cardinal Lustiger, La Promesse, a étonné par son enseignement sur le rapport entre christianisme et Israël. Déjà la parole de Jean-Paul II sur l’alliance entre Dieu et Israël, jamais dénoncée, avait étonné. La présente étude montre qu’en réalité ces enseignements sont enracinés dans la Tradition profonde de l’Église, une Tradition attaquée à partir du second siècle par le marcionisme. Lorsque ce dernier réussit à s’imposer, la Rédemption opérée par le Christ prend l’apparence d’une absurdité. »

Le p. Stern rappelle aussi cette remarque du regretté cardinal Roger Etchegaray, qui fut notamment coordinateur du Grand Jubilé de l’An 2000 et que le théologien juge « elle aussi capitale »: « Il nous faut rechercher une relation qui ne soit pas seulement une loyale amitié, mais de parenté réelle » (Pour une relance du dialogue judéo-chrétien. Conférence du cardinal Etchegaray à l’Amitié judéo-chrétienne, Marseille, 24.5.1981 (DC 78 [n° 1812, 29.7.1981], p. 691).

Enfin, pour le p. Stern, « en ce qui concerne la continuation du lien avec Israël, il faut noter la dernière parole du Christ rapportée dans le dernier chapitre du dernier livre du Nouveau Testament: « Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous apporter ce témoignage au sujet des Eglises. Je suis le rejeton et la lignée de David, l’étoile brillante du matin. »  (Apocalypse (TOB) 22, 16) Les paroles en gras impliquent que l’identité juive du Christ persiste. »

Propos recueillis par AB

Discours de Jean-Paul II à la Grande synagogue de Rome (13 avril 1986)

Monsieur le Grand Rabbin de la communauté israélite de Rome,
Madame la Présidente de l’Union des communautés israélites italiennes,
Monsieur le Président des communautés de Rome,
Messieurs les rabbins,
Chers amis et frères juifs et chrétiens qui prenez part à cette célébration historique :

  1. Je voudrais avant toute chose, avec vous, remercier et louer le Seigneur qui a « planté les cieux et fondé la terre » (cf. Is 51, 16) et qui a choisi Abraham pour en faire le père d’une multitude de fils, nombreuse « comme les étoiles dans le ciel » et « comme le sable qui est sur le rivage de la mer » (Gn 22, 17 ; cf. 15, 5), parce qu’il a voulu, dans le mystère de sa Providence, que, ce soir, se rencontrent en ce « Grand Temple » qui est le vôtre la communauté juive qui vit dans cette ville depuis le temps des anciens Romains et l’Évêque de Rome et Pasteur universel de l’Église catholique.

Je ressens ensuite le devoir de remercier M. le Grand Rabbin, le professeur Elio Toaff, qui a accueilli avec joie, dès le premier moment, le projet de cette visite et qui me reçoit maintenant avec une grande ouverture de cœur et un vif sens de l’hospitalité ; et, avec lui, je remercie tous ceux qui, dans la communauté juive romaine, ont rendu possible cette rencontre et se sont, de tant de manières, efforcés de faire qu’elle soit en même temps une réalité et un symbole. Merci, donc, à vous tous.

Toda rabba (merci beaucoup).

Dans le sillage des Papes précédents

  1. A la lumière de la Parole de Dieu qui a été proclamée et qui « vit éternellement » (cf. la 30, 8), je voudrais que nous réfléchissions ensemble, en présence du Saint, béni soit-il ! (comme on le dit dans votre liturgie), sur le fait et sur la signification de cette rencontre entre l’Évêque de Rome, le Pape, et la communauté juive qui habite et travaille en cette ville, qui vous est et qui m’est si chère.

Voici déjà quelque temps que je pensais à cette visite. En vérité, le Grand Rabbin a eu la gentillesse de venir me rencontrer, en février 1981, quand je me suis rendu en visite pastorale à la paroisse voisine de San Carlo ai Catinari. En outre, certains d’entre vous sont venus plus d’une fois au Vatican, soit à l’occasion des nombreuses audiences que j’ai pu avoir avec des représentants du judaïsme italien et mondial, soit encore avant, du temps de mes prédécesseurs Paul VI, Jean XXIII et Pie XII. Je sais également que le Grand Rabbin, dans la nuit qui a précédé la mort du Pape Jean XXIII, n’a pas hésité à aller place Saint-Pierre, accompagné d’un groupe de fidèles juifs, pour prier et veiller, mêlé à la foule des catholiques et des autres chrétiens, comme pour rendre témoignage, de manière silencieuse mais efficace, à la grandeur d’âme de ce Pontife, ouvert à tous sans distinction, et en particulier aux frères juifs.

L’héritage que je voudrais recueillir en ce moment est précisément celui du Pape Jean qui, une fois, passant par ici — comme vient de le rappeler le Grand Rabbin — fit arrêter sa voiture pour bénir la foule des juifs qui sortaient de ce même Temple. Et je voudrais en recueillir l’héritage en ce moment, non plus en me trouvant à l’extérieur mais bien, grâce à votre généreuse hospitalité, à l’intérieur de la Synagogue de Rome.

L’horreur du génocide

  1. Cette rencontre conclut, d’une certaine manière, après le pontificat de Jean XXIII et le Concile Vatican II, une longue période sur laquelle il ne faut pas cesser de réfléchir pour en tirer les enseignements opportuns. Certes, on ne peut pas, et on ne doit pas, oublier que les circonstances historiques du passé furent bien différentes de celles qui ont fini par mûrir difficilement au cours des siècles. Nous sommes parvenus avec de grandes difficultés à la commune acceptation d’une légitime pluralité sur le plan social, civil et religieux. La prise en considération des conditionnements culturels séculaires ne doit pas toutefois empêcher de reconnaître que les actes de discrimination, de limitation injustifiée de la liberté civile, à l’égard des juifs, ont été objectivement des manifestations gravement déplorables. Oui, encore une fois, par mon intermédiaire, l’Église, avec les paroles du Décret bien connu Nostra ætate (n. 4) « déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d’antisémitisme qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les juifs » ; je répète : « quels que soient leurs auteurs ».

Je voudrais encore une fois exprimer mon horreur pour le génocide décrété au cours de la dernière guerre contre le peuple juif, qui a mené à l’holocauste de millions de victimes innocentes. En visitant le 7 juin 1979 le camp de concentration d’Auschwitz et en me recueillant dans la prière pour les si nombreuses victimes de diverses nations, je me suis arrêté en particulier devant la pierre qui porte l’inscription en langue hébraïque, manifestant ainsi les sentiments de mon esprit : « Cette inscription nous fait nous souvenir du Peuple dont les fils et les filles étaient destinés à l’extermination totale. Ce Peuple tire son origine d’Abraham, qui est le père de notre foi, comme l’a dit Paul de Tarse. Et c’est précisément ce Peuple qui a reçu de Dieu le commandement « Tu ne tueras pas », qui a éprouvé en lui-même d’une manière particulière ce que veut dire tuer. Devant cette pierre, il n’est permis à personne de passer avec indifférence. » (Insegnamenti 1979, p. 1484.)

La communauté juive de Rome a payé elle aussi un lourd tribut de sang.

Et ce fut certainement un geste significatif que, dans les années sombres de la persécution raciale, les portes de nos couvents, de nos églises, du séminaire romain, d’édifices du Saint-Siège et même de la Cité du Vatican, se soient ouvertes toutes grandes pour offrir refuge et salut à tant de juifs de Rome, traqués par les persécuteurs.

Trois points essentiels de « Nostra ætate »

  1. Ma visite aujourd’hui veut être une contribution décisive à la consolidation des bons rapports entre nos deux communautés, dans le sillage des exemples offerts par tant d’hommes et de femmes qui se sont efforcés et s’efforcent encore, d’un côté comme de l’autre, de faire en sorte que soient surmontés les vieux préjugés et que l’on fasse place à la reconnaissance toujours plus profonde de ce « lien » et de ce « patrimoine commun » qui existent entre juifs et chrétiens.

C’est déjà le souhait qu’exprimait le paragraphe 4, que je viens de rappeler, de la Déclaration conciliaire Nostra ætate sur les rapports entre l’Église et les religions non chrétiennes. Avec ce bref mais lapidaire paragraphe, c’est un tournant décisif qui s’est produit dans les rapports entre l’Église catholique et le judaïsme, et tous les juifs pris individuellement.

Nous sommes tous conscients que, parmi les multiples richesses de ce numéro 4 de Nostra ætate, trois points sont spécialement significatifs. Je voudrais les souligner ici, devant vous, en cette circonstance vraiment unique.

Le premier est que l’Église du Christ découvre son « lien » avec le judaïsme « en scrutant son propre mystère » (cf. Nostra ætate, ibid.). La religion juive ne nous est pas « extrinsèque » mais, d’une certaine manière, elle est « intrinsèque » à notre religion. Nous avons donc envers elle des rapports que nous n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés.

Le second point relevé par le Concile est que, aux juifs en tant que Peuple, on ne peut imputer aucune faute ancestrale ou collective pour « ce qui a été accompli durant la Passion de Jésus » (cf. Nostra ætate, ibid.). Ni indistinctement aux juifs de ce temps-là, ni à ceux qui sont venus ensuite, ni à ceux de maintenant. Est donc dépourvue de tout fondement toute prétendue justification théologique de mesures discriminatoires, ou pire encore, de persécution. Le Seigneur jugera chacun « selon ses œuvres », les juifs comme les chrétiens (cf. Rm 2, 6).

Le troisième point que je voudrais souligner dans la Déclaration conciliaire est la conséquence du second : il n’est pas permis de dire, malgré la conscience que l’Église a de son identité propre, que les juifs sont « réprouvés ou maudits », comme si cela était enseigné ou pouvait être déduit des Écritures saintes (cf. Nostra ætate, ibid.) de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Et au contraire, dans ce même passage de Nostra ætate mais aussi dans la Constitution dogmatique Lumen gentium (n. 6), le Concile avait déjà dit, en citant saint Paul dans la Lettre aux Romains (11, 28) que les juifs « demeurent très chers à Dieu » qui les a appelés d’une « vocation irrévocable ».

Les rapports entre juifs et catholiques

  1. C’est sur ces convictions que s’appuient nos rapports actuels.
    A l’occasion de cette visite en votre Synagogue, je veux les réaffirmer et proclamer leur valeur permanente.

Car telle est bien la signification que l’on doit attribuer à ma visite parmi vous, juifs de Rome.

Ce n’est certes pas parce que les différences entre nous sont désormais dépassées que je suis venu chez vous. Nous savons bien qu’il n’en est pas ainsi.

Avant tout, chacune de nos religions, dans la pleine conscience des nombreux liens qui l’unissent à l’autre, et en premier lieu de ce « lien » dont parle le Concile, veut être reconnue et respectée dans son identité propre, au-delà de tout syncrétisme et de toute appropriation équivoque.

En outre, il faut dire que la route que nous avons commencée n’est encore qu’à ses débuts et que, donc, il faudra encore pas mal de temps, malgré les grands efforts déjà faits d’un côté et de l’autre, pour supprimer toute forme, même inconsciente, de préjugé, pour nous exprimer de manière adéquate et donc pour présenter, toujours et partout, à nous-mêmes et aux autres, le vrai visage des juifs et du judaïsme, comme aussi des chrétiens et du christianisme, et ceci à tout niveau de mentalité, d’enseignement et de communication.

A cet égard, je voudrais rappeler à mes frères et mes sœurs de l’Église catholique, de Rome aussi, le fait que les instruments d’application du Concile en ce domaine précis sont déjà à la disposition de tous, dans les deux documents publiés respectivement en 1974 et en 1985 par la Commission du Saint-Siège pour les rapports religieux avec le judaïsme. Il s’agit seulement de les étudier avec attention, de s’identifier avec leur enseignement et de les mettre en pratique.

Peut-être reste-t-il encore entre nous des difficultés d’ordre pratique qui attendent d’être surmontées sur le plan des relations fraternelles : elles sont le fruit soit de siècles d’incompréhension mutuelle, soit également de positions différentes et d’attitudes où l’on ne peut pas facilement composer dans des matières complexes et importantes.

Il n’échappe à personne que la divergence fondamentale depuis les origines est notre adhésion, à nous chrétiens, à la personne et à l’enseignement de Jésus de Nazareth, fils de votre Peuple, dont sont issus aussi la Vierge Marie, les apôtres, « fondement et colonnes de l’Église » et la majorité des membres de la première communauté chrétienne. Mais cette adhésion se pose dans l’ordre de la foi, c’est-à-dire dans l’assentiment libre de l’intelligence et du cœur guidés par l’Esprit, et ne peut jamais être l’objet d’une pression extérieure, dans un sens ou dans un autre ; c’est le motif pour lequel nous sommes disposés à approfondir le dialogue dans la loyauté et l’amitié, dans le respect des convictions intimes des uns et des autres, en prenant comme base fondamentale les éléments de la Révélation que nous avons en commun, comme « un grand patrimoine spirituel » (cf. Nostra ætate, n. 4).

Les domaines de collaboration au service de la société

  1. Il faut dire, ensuite, que les voies ouvertes à notre collaboration, à la lumière de l’héritage commun tiré de la Loi et des prophètes, sont diverses et importantes. Nous voulons rappeler avant tout une collaboration en faveur de l’homme, de sa vie depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle, de sa dignité, de sa liberté, de ses droits, de son développement dans une société non pas hostile mais amicale et favorable, où règne la justice et où, dans cette nation, dans les divers continents et dans le monde, ce soit la paix qui règne, ce shalom souhaité par les législateurs, par les prophètes et par les Sages d’Israël.

Il y a, plus généralement, le problème moral, le grand domaine de l’éthique individuelle et sociale. Nous sommes tous conscients de l’acuité de la crise sur ce point à l’époque où nous vivons. Dans une société souvent égarée dans l’agnosticisme et dans l’individualisme, et qui souffre des amères conséquences de l’égoïsme et de la violence, juifs et chrétiens sont les dépositaires et les témoins d’une éthique marquée par les dix commandements, dans l’observance desquels l’homme trouve sa vérité et sa liberté. Promouvoir une réflexion commune et une collaboration sur ce point est un des grands devoirs de l’homme.

Et, finalement, je voudrais tourner ma pensée vers cette ville où vivent ensemble la communauté des catholiques avec son évêque, la communauté des juifs avec ses autorités et son Grand Rabbin.

Que notre « vivre ensemble » ne soit pas seulement une coexistence, presque une juxtaposition, ponctuée de rencontres limitées et occasionnelles, mais qu’il soit animé par l’amour fraternel.

  1. Les problèmes de Rome sont si nombreux ! Vous le savez bien. Chacun de nous, à la lumière de cet héritage béni auquel j’ai fait allusion auparavant, sait qu’il est tenu de collaborer, au moins en une certaine mesure, à leur solution. Cherchons, autant que possible, à le faire ensemble. De ma visite, et de la concorde et de la sérénité auxquelles nous sommes arrivés, que naisse, comme le fleuve qu’Ézéchiel a vu sortir de la porte orientale du Temple de Jérusalem, une source fraîche et bienfaisante qui aide à guérir les plaies dont souffre Rome.

En faisant cela, je me permets de le dire, nous serons fidèles à nos engagements respectifs les plus sacrés mais aussi à ce qui nous unit et nous rassemble le plus profondément : la foi en un seul Dieu qui « aime l’étranger » et « rend justice à l’orphelin et à la veuve » (cf. Dt 10, 18), nous efforçant nous aussi de les aimer et de les secourir (cf. ibid. et Lv 19, 18-34). Les chrétiens ont appris cette volonté du Seigneur de la Torah, que vous vénérez ici, et de Jésus qui a porté jusqu’à ses extrêmes conséquences l’amour demandé par la Torah.

  1. Il ne me reste plus maintenant, comme au commencement de mon allocution, qu’à tourner mes yeux et mon cœur vers le Seigneur, pour le remercier et le louer de cette heureuse rencontre, et pour les biens qui en découlent déjà, pour notre fraternité retrouvée et pour l’entente nouvelle et plus profonde entre nous, ici à Rome, et partout entre l’Église et le judaïsme, en tout pays, pour le bénéfice de tous.

Aussi, je voudrais dire avec le Psalmiste, dans sa langue originelle qui est aussi celle dont vous êtes les héritiers : « Hodu la Adonai ki tob, ki le olam hasdo, yomar-na Yisrael, ki le olam hasdo, yomeru-na yir’è Adonai, ki le olam hasdo. » (Ps 118, 1-2, 4.)

« Célébrez le Seigneur, parce qu’il est bon, parce qu’éternelle est sa miséricorde. Que le dise Israël : il est bon, éternelle est sa miséricorde. Que le dise qui craint Dieu : éternelle est sa miséricorde. Amen. »

Copyright du discours, Librairie éditrice du Vatican

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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