« L’histoire de François d’Assise continue de fasciner aujourd’hui encore, presque 8 siècles après sa mort », affirme Mgr Becciu, substitut de la Secrétairerie d’État. De la vie du saint d’Assise, « guidée (…) par l’Évangile vécu dans sa radicalité » a découlé « une révolution dans l’Église et dans la société dont les effets perdurent encore ». François ne s’est pas rebellé « en s’opposant à une loi ou à une autorité constituée » mais il a réformé « pour donner un ordre nouveau, une forme meilleure, pour transformer une situation, une société, mais par l’exemple ».
À l’occasion du cinquième anniversaire de l’élection du pape François, a été présenté ce mardi 13 mars 2018, à l’Institut Luigi Sturzo, le livre « Francesco il Ribelle » (François le rebelle), du père Enzo Fortunato. Mgr Angelo Becciu, substitut de la Secrétairerie d’État, est intervenu au cours de la présentation.
Cette nouvelle biographie du saint d’Assise, par le directeur de la salle de presse du Sacré Couvent d’Assise, est préfacée par le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin.
Le livre du p. Fortunato veut aussi « faire entrevoir l’actualité de la pensée et de l’action du pape François qui est lié de manière tout à fait particulière au ‘Poverello’ d’Assise », précise Mgr Becciu. « Sa manière de se référer souvent à saint François, de se souvenir des pauvres, des faibles et des malades dans toutes les circonstances de son ministère (…), de jeter des ponts à tous les hommes de bonne volonté, croyants ou non, pour un dialogue constructif afin d’édifier la paix, montrent que sa vie et son magistère s’inspirent des enseignements du Poverello ».
Voici notre traduction de l’intervention de Mgr Angelo Becciu.
HG
Intervention de Mgr Angelo Becciu
J’ai accepté de bon gré de présenter le livre « Francesco il Ribelle », du p. Enzo Fortunato, pour deux raisons : la première, parce qu’on ne peut rester indifférent devant la figure de saint François d’Assise. Même si l’on a lu d’autres biographies, on reste toujours curieux de connaître de nouveaux détails sur sa vie. En effet, l’histoire de François d’Assise continue de fasciner aujourd’hui encore, presque 8 siècles après sa mort (1226), parce que c’est une histoire captivante non seulement pour ceux qui sont avancés en âge et qui sont dans la situation de mieux comprendre le vécu humain, mais aussi et surtout pour tous les jeunes qui perçoivent en François un exemple de liberté intérieure à laquelle ils aspirent et aussi un modèle auquel se référer pour vivre sa propre expérience religieuse.
En second lieu, parce qu’avec la présentation faite aujourd’hui, on a voulu rendre hommage au pape François le jour de l’anniversaire de son élection sur le Siège pontifical. En effet, avec son livre, le p. Fortunato a aussi voulu faire entrevoir l’actualité de la pensée et de l’action du pape François qui est lié de manière tout à fait particulière au « Poverello » d’Assise. Il en rend continuellement témoignage par ses paroles et par ses œuvres, depuis le premier moment de son élection, quand à la surprise générale il a pris le nom de François. Ensuite, le Saint-Père a très souvent cité saint François d’Assise : dans ses discours, dans ses homélies, dans ses messages, dans les documents, dans les interviews, dans les rencontres, les audiences et à l’angelus du dimanche. Sa manière de se référer souvent à saint François, de se souvenir des pauvres, des faibles et des malades dans toutes les circonstances de son ministère, en toute situation, événement, voyage, de jeter des ponts à tous les hommes de bonne volonté, croyants ou non, pour un dialogue constructif afin d’édifier la paix, montrent que sa vie et son magistère s’inspirent des enseignements du « Poverello ».
Pour en venir au livre, j’aimerais remercier son auteur, le p. Enzo Fortunato que je connaissais comme dynamique frère conventuel, créateur d’initiatives diverses et d’événements médiatiques réussis, ayant toujours pour arrière-plan la figure de son maître et du couvent d’Assise, mais c’est la première fois que je tombe sur un de ses écrits d’une particulière importance, comme cette publication. Je dois admettre, et je l’en félicite, que son style fluide, captivant, attrayant, aide à aimer le personnage qu’il décrit. Il est vrai que saint François, comme je le disais au début, s’impose de lui-même, mais le désir de mieux le connaître est soutenu par la facilité de lecture du récit de notre auteur.
En voulant me plonger dans les pages du livre, il me semble que le désir du lecteur est de trouver des preuves qui confirment ce qui est annoncé par le titre de l’ouvrage : François le rebelle. Quel sens a eu et a aujourd’hui cette appellation appliquée à saint François ? Selon les catégories communes, le rebelle est éternellement en colère contre tout et tout le monde, disposé souvent à détruire violemment ce et ceux qui s’opposent à ses plans. Hélas ! L’histoire est constellée de tels exemples de scélérats.
La rébellion de François est d’une tout autre dimension. Elle a été tellement « sui generis » qu’à la différence d’autres rébellions, elle demeure encore et devient un modèle de vie pour des milliers de ses disciples répandus à tous les coins de la terre. L’anticonformisme de François ne peut s’expliquer si l’on ne va pas au moment crucial de sa vie, quand il rejette son passé et que, défiant les bien-pensants de l’époque (compagnons de vie, autorités civiles, ecclésiastiques et sa propre famille), il se lance dans l’aventure qui le conduira à vivre l’Évangile « sine glossa ». François fait l’expérience de la beauté de l’Évangile qui, vécu « sans si et sans mais » transforme la vie et, par contamination, aussi celle des autres. Éloquente, la page où le p. Fortunato indique le passage du conflit intérieur qui tourmentait depuis longtemps le jeune François, habitué aux amusements en tout genre, à la paix de l’âme éprouvée en embrassant les lépreux. La parole évangélique qui l’avait inspiré à accomplir un tel geste était : « Tout ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Désormais sa vie ne sera guidée que par l’Évangile vécu dans sa radicalité. Il en découlera une révolution dans l’Église et dans la société dont les effets perdurent encore. Pour François, le doigt n’est plus pointé vers les autres, mais vers soi-même.
Comme l’écrit le p. Fortunato, il se montre « rebelle contre son temps qui se tourne vers la victoire de l’individualisme et de la « société de l’avoir », et non pas rebelle contre l’Église et encore moins contre la hiérarchie » (p. 10). François ne « relance la guerre » contre personne, il ne se rebelle jamais en s’opposant à une loi ou à une autorité constituée. Mais il réforme pour donner un ordre nouveau, une forme meilleure, pour transformer une situation, une société, mais par l’exemple. C’est de son vécu que lui viennent autorité et vénération. Désormais, les dés sont jetés, il franchit le Rubicon qui l’attachait au passé et vit une vie remplie uniquement de Dieu. Avec Dieu, choisi comme son unique idéal et comme son unique richesse, il devient pour lui logique de contester l’opulence des riches, en embrassant la pauvreté, de surmonter les barrières discriminatoires en étendant son amour envers tous, de se distinguer des contestataires de son époque en s’inclinant devant les dispositions de l’autorité ecclésiastique vues comme l’expression de la volonté de Dieu. Véritable restaurateur, son désir est de ramener à son état originel l’image et la ressemblance divine dans ceux qu’il rencontre et considère comme des frères, pour remettre en vie les esprits accablés, rétablir les valeurs, restaurer autour de soi un monde meilleur.
Aujourd’hui encore saint François nous provoque et nous enseigne à faire comme lui : ne pas imaginer la beauté de l’Évangile, mais vivre ses pages avec radicalité.
Je conclus volontiers avec les paroles que le cardinal Parolin écrit dans la préface du livre : « Assise est un sanctuaire spécial parce que normalement, dans les sanctuaires, on va demander une grâce, un miracle. À Assise, non, à Assise, on y va pour rencontrer François… un homme qui a vécu l’Évangile. Je dirais qu’on y va pour rencontrer l’Évangile même, « sine glossa ».
Merci, père Fortunato, de nous avoir donné l’occasion de nous tourner à nouveau vers Assise pour y puiser l’eau toujours fraîche du grand saint !
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat