Vie de famille © ZENIT - photo HSM

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END : "Nous sommes une école du sourire"

Méditation de Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça

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« Au lieu de grandir en sévérité, en intransigeance, en indifférence, en sarcasme, en médisance, en lamentation… grandissons en simplicité, en gratitude, en altruisme et en confiance ». C’est l’invitation de Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça, archiviste et bibliothécaire de la Sainte Église romaine, aux Equipes Notre-Dame réunies à Fatima (Portugal) pour leur 12e rassemblement international. Et de lancer : « Bénies soient les familles qui disent d’elles-mêmes : ‘nous sommes un laboratoire de joie’ ; ‘nous sommes une école du sourire' ».
Le poète portugais, qui a prêché la dernière retraite de carême pour la Curie romaine, donnait les méditations quotidiennes de ce rassemblement. Nous publions ci-dessous la cinquième, du 21 juillet 2018, sur le thème « Mon fils était mort et il est revenu à la vie ».
Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça fait observer que « le pire qui puisse nous arriver est de nous investir dans une vie accélérée, hautement productive, mais qui a perdu la capacité d’émerveillement, la possibilité du délice, l’occasion du rire et de la jubilation. Nous devons nous demander s’il n’y a pas un déficit de fête dans nos familles ».
AK
Méditation de Mgr José Tolentino Calaça de Mendonça
Parmi tout ce que nous assumons habituellement comme un devoir, la joie est rarement explicite. Nous ressentons la joie comme un désir qui parfois s’accomplit plutôt que comme un devoir qui chaque jour nous engage. Mais le pire qui puisse nous arriver est de nous investir dans une vie accélérée, hautement productive, mais qui a perdu la capacité d’émerveillement, la possibilité du délice, l’occasion du rire et de la jubilation. Nous devons nous demander s’il n’y a pas un déficit de fête dans nos familles.
L’écrivain russe Léon Tolstoï commence son célèbre roman Anna Karénine en disant que « toutes les familles heureuses se ressemblent. Seules les familles malheureuses sont malheureuses à leur manière ». Ce n’est pas tout à fait vrai. Si la façon de pleurer est très personnelle, la manière de célébrer et de construire la joie ensemble l’est aussi. Jésus nous dit dans l’Évangile de saint Jean : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Et encore : « Nul ne pourra vous ravir votre joie » (Jn 16,22). Il y a donc une joie qui constitue l’horizon de notre vie. Il est essentiel que la famille ressente que c’est à la joie qu’elle est appelée. Elle l’est pour le cercle des élus. En effet, nous sommes traversés, nous sommes conduits, nous sommes menés par la main d’une promesse, et cette promesse c’est la joie. La joie ne se réduit pas à une sorte de bien-être ou de confort émotionnel, bien qu’elle puisse se traduire aussi de cette manière. La joie est, fondamentalement, une expression profonde de l’être : en bonté, en vérité, en beauté. La joie ne vient pas à nous quand nous interrompons nos vies : la joie naît lorsque nous prenons un de ses fils, quel qu’il soit, et que nous sommes capables de le porter avec créativité à son moment culminant.
Au lieu de grandir en sévérité, en intransigeance, en indifférence, en sarcasme, en médisance, en lamentation, marchons avec espoir dans la direction opposée.
Grandissons en simplicité, en gratitude, en altruisme et en confiance. Bénies soient les familles qui disent d’elles-mêmes : « nous sommes un laboratoire de joie » ; « nous sommes une école du sourire » ; « nous sommes un atelier d’espoir » ; « nous sommes une usine pour l’étreinte et pour la fête ».
Revenons à la parabole du fils prodigue. Le père explique à son aîné réticent l’accueil en fête qu’il a fait au plus jeune : « Il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé » (Lc 15,32). « Il fallait festoyer ». Il n’était pas nécessaire de  festoyer, mais il y a un devoir que la miséricorde nous fait découvrir : « Il fallait festoyer ». C’est ça la miséricorde. Ce devoir auquel personne ne nous oblige, mais qui est un devoir qui naît du fond de l’espérance, qui jaillit du désir de relancer la vie, qui pousse de la volonté d’affirmer qu’elle est le bien le plus précieux.
Il arrive parfois qu’au fur et à mesure que les enfants grandissent, la boîte de jouets disparaît des familles. Les maisons deviennent (un peu) plus ordonnées, elles adhèrent à une routine parfaite qu’elles n’ont pas eu pendant des années, elles reprennent une respectabilité selon les normes. Puis il y a une trêve, sans les surprises qui désespéraient : les jouets éparpillés partout, les poupées qui surgissent de n’importe où et ainsi de suite. D’abord, on pousse un soupir de soulagement. Mais ensuite plus tellement, car le moment viendra où l’on se rendra compte de l’absence de la boîte à jouets. C’est dans cette boîte que se trouvent les symboles, les jeux, les rires, les vacances en famille, les anniversaires, les jeux interminables autour de la table avec les plus âgés et les plus jeunes, tous envahis du même enthousiasme, la contemplation affectueuse sans aucun but. C’est dans cette boîte que se trouvent les histoires folles et sages que
nous racontons la vie durant. C’est là que nous gardons les odeurs, les registres, les paroles d’une chanson que nous chantions souvent et oubliées depuis, le premier vélo, les livres avant que nous sachions lire, les stickers, le silence de l’intimité, le voyage au village, les causeries devant la fenêtre faisant face à la nuit. Dans cette boîte se trouve l’art de faire du temps, de le perdre pour qu’il devienne plus à nous, tout en permettant l’imagination, le sens ludique, la joie. La boîte de jouets qui ne sert plus à rien, nous donne des raisons de vivre.
Je me rappelle une histoire qu’une amie m’a racontée. Son père était juge. Un homme exigeant, sans temps à perdre, sans grand enthousiasme pour les petits détails des enfants. Elle a grandi, a obtenu des diplômes et, pendant les premières années, a travaillé comme secrétaire de son père. Cette proximité n’a rien changé à l’image qu’elle connaissait : ils continuaient comme deux étrangers, avec une relation formelle, et un monde submergé de choses à faire. Elle raconte qu’un jour ils ont fait un voyage d’affaires dans l’une des îles grecques. Ils étaient en bateau, et nous pouvons imaginer les longues heures de traversée. À l’aube, cependant, effrayée, elle se rend compte que son père est dans sa cabine en train de la réveiller. Elle le regarde sans comprendre ce qui se passe. Et il lui dit : « Viens voir le soleil qui se lève. Il est énorme, énorme. Dépêche-toi. Tu aimeras ça. Viens ». Plusieurs années plus tard, le père étant mort, mon amie me disait : « S’il avait fait une telle chose au moins une fois de plus, au moins une de plus, je lui aurais tout pardonné ». Prions pour que nos familles deviennent des communautés de rencontre, de pardon et de fête.

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Rédaction

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