“Ce qui me frappe le plus dans l’Eglise : sa sainteté féconde, ordinaire”: le pape François cite implicitement Malègue et explicitement Millet. On perçoit aussi un docteur de l’Eglise… Thérèse de Lisieux, dans son livre entretien avec le chercheur français Dominique Wolton.
“Politique et société” (Ed. de L’Observatoire) sort en librairie en France le 6 septembre et le Le Figaro Magazine (pp. 37-42) publie des extraits ce 1er septembre 2017, avec une présentation de Jean-Marie Guénois.
Sur un ton qui rappellerait aussi le « Ce qui m’étonne, dit Dieu » de Péguy, le pape témoigne : « Il y a tellement de sainteté. C’est un mot que je veux utiliser dans l’Eglise aujourd’hui, mais au sens de la sainteté quotidienne, dans les familles… Et ça, c’est une expérience personnelle. Quand je parle de la sainteté ordinaire, que j’ai appelée autrefois la « classe moyenne » de la sainteté… vous savez ce que cela m’évoque ? L’Angélus de Millet. C’est cela qui me vient à l’esprit. La simplicité de ces deux paysans qui prient. »
« Un peuple qui prie, un peuple qui pèche, et puis se repent de ses péchés », ajoute le pape du Jubilé de la Miséricorde.
Et le pape de la « tolérance zéro » pour les péchés les plus graves des clercs perçoit de façon aiguë un socle de sainteté cachée et réelle: « Il y a une forme de sainteté cachée dans l’Eglise. Il y a des héros qui partent en mission. Vous, les Français, vous avez fait beaucoup, certains ont sacrifié leur vie. Ce qui me frappe le plus dans l’Eglise : sa sainteté féconde, ordinaire. Cette capacité de devenir un saint sans se faire remarquer. »
Le pape invoque l’ecclésiologie du Concile Vatican II, ancrée dans le baptême, le sacerdoce « commun » de tous les baptisés, que sert le sacerdoce ministériel. On se souvient que le Code de droit canon de 1983 a opéré un renversement de l’ordre des chapitres par rapport à 1917 en plaçant en premier le Peuple de Dieu : le pape lui-même répète : « L’Eglise, c’est le peuple ».
Il s’explique : « Il y a les péchés des dirigeants de l’Eglise, qui manquent d’intelligence ou se laissent manipuler. Mais l’Eglise, ce ne sont pas les évêques, les papes et les prêtres. L’Eglise, c’est le peuple. Et Vatican II a dit : « Le peuple de Dieu, dans son ensemble, ne se trompe pas. » Si vous voulez connaître l’Eglise, allez dans un village où se vit la vie de l’Eglise. Allez dans un hôpital où il y a tant de chrétiens qui viennent aider, des laïcs, des sœurs… »
Et il confie son admiration pour la « révolution » des missionnaires, avec ce maître mot du pape jésuite « servir »: « Allez en Afrique où l’on trouve tant de missionnaires. Ils brûlent leur vie là-bas. Et ils font de vraies révolutions. Pas pour convertir, c’est à une autre époque que l’on parlait de conversion, mais pour servir. »
Jean-François Millet, L'Angélus (1857-1859), Musée d'Orsay (wikimedia commons)
Cette étonnante sainteté quotidienne du peuple de Dieu: le pape témoigne
Entretiens avec D. Wolton (6)