L’Évangile a été « la source » de l’« inspiration » et de l’« audace » du pape François lorsqu’il a écrit l’exhortation apostolique Amoris Lætitia, affirme Anne-Marie Pelletier, agrégée de Lettres modernes, docteur en Sciences des religions, bibliste et lauréate du Prix Ratzinger en 2014.
Elle répond à la polémique autour de ce texte du pape François issu du double synode sur la famille en précisant que c’est « une bonne occasion » « de prendre conscience combien la parole du pape est ici une fameuse « leçon d’Évangile ». Les réflexions de la bibliste ont été publiées le 12 décembre 2016 dans l’hebdomadaire La Vie et sont intégralement reprises par L’Osservatore Romano en italien du 22 décembre 2016.
En rappelant que « la pierre de touche » dans le débat soulevé par Amoris Laetitia, est la question des divorcés-remariés, Anne-Marie Pelletier affirme que « c’est en témoin de la puissance de l’Évangile » que le pape François « considère les vies déchirées, les amours détruits, les relèvements, parfois bien claudicants, d’hommes et de femmes qui n’ont pas su ou pu garder la fidélité promise ».
« Ouvrons les Évangiles », invite-t-elle. « En compagnie de qui trouve-t-on Jésus ? De qui se fait-il proche, ami ? Qui accueille-t-il avec prédilection ? On sait que les réponses à ces questions réservent des surprises. » Des publicains, une samaritaine, une femme adultère : « Jésus a beaucoup de mauvaises fréquentations », note la bibliste et résume : « À l’évidence, il ne voit pas notre monde comme les « justes » qui sont autour de lui le voient. »
C’est « l’Évangile en main que le pape regarde notre monde », affirme Anne-Marie Pelletier. C’est pourquoi il demande « de ne pas s’en tenir aux abstractions d’une loi pour évaluer la fidélité ou l’infidélité des couples ».
« Il est faux d’affirmer qu’en appelant ainsi au discernement et à l’intégration, le pape brade la vérité, édulcore la foi, rende flou l’appel à la sainteté, taille sur mesure une pastorale complaisante, souligne la bibliste. La vérité est qu’il parle en faisant lui-même ce qu’il invite ses lecteurs à faire : prendre la parole de Dieu pour « compagne de voyage ».
« Le grand souffle de vie de l’Évangile, poursuit Anne-Marie Pelletier, renverse les tables de ceux qui sont occupés à faire des poids et des mesures, à objecter un règlement aux pécheurs qui se présentent, comme à un poste de douane. Ainsi la clarté, que réclament les critiques d’Amoris Lætitia, ne peut être le tracé d’une frontière délimitant ce qui est conforme et qui est fautif. »
En confirmant que « la vocation de l’Église » est « de désigner les bons aiguillages de la vie », Anne-Marie Pelletier rappelle que l’Église est aussi appelée à témoigner que « nulle situation ne peut exclure de la miséricorde ».
« Seule l’arrogance de celui qui se justifie dans une situation problématique fait obstacle à celle-ci, précise-t-elle, alors que la pauvreté reconnue réintègre dans la communion avec Dieu et avec les frères. »
La bibliste reconnaît que « tout cela complique la tâche des pasteurs ». « Mais n’y a-t-il pas quelque indécence à s’en plaindre ? demande-t-elle. Comme si accueillir les autres au nom du Christ, avec leurs blessures et leurs peines, pouvait se faire comme un acte quasiment administratif, tranchant dans le vif de vies souvent compliquées, en se référant simplement à un article de loi. »
« Finalement, estime Anne-Marie Pelletier, il ne s’agit de rien de moins que de discerner les situations en portant sur elles le regard même du Christ. C’est dire que la première conversion nécessaire est celle des pasteurs en charge de cette tâche ! C’est donc dans une grande circulation de conversion et de grâce que la parole du pape François invite toute l’Église à entrer. »
Anne-Marie Pelletier, courtoisie de eglise.catholique.fr
Amoris Lætitia: l’Évangile est «la source» de l’«inspiration» et de l’«audace» du pape
La lecture d’Anne-Marie Pelletier, lauréate du Prix Ratzinger 2014