Le discours du pape François devant le Parlement européen, à Strasbourg, ce mardi 25 novembre 2014, a été salué non seulement par des applaudissements finaux nourris de plusieurs minutes, mais aussi par 14 interruptions qui ont ponctué la réception de cette sorte de « charte » pour l’avenir de l’Europe et de plus de 500 millions d’habitants des 28 pays membres de l’Union.
Son discours devant le Conseil de l’Europe, qui rassemble 47 Etats membres soit environ 900 millions d’Européens, a été comme le second volet de cette grande charte fondée sur le respect de la « dignité » de toute personne humaine: « dignité », un mot « clef », dit le pape. Un discours de quelque 35 minutes.
La dignité humaine, le travail (1)
Le travail et la dignité humaine ont été le thème de la première intervention du pape très applaudie par l’assemblée plénière solennelle du Parlement européen: « Quelle dignité existe vraiment, quand manque la possibilité d’exprimer librement sa pensée ou e professer ans contrainte sa foi religieuse ? Quelle dignité est possible, sans un cadre juridique clair, qui limite le domaine de la force et qui fasse prévaloir la loi sur la tyrannie du pouvoir ? Quelle dignité peut jamais avoir un homme ou une femme qui fait l’objet de toute sorte de discriminations ? Quelle dignité pourra jamais avoir une personne qui n’a pas de nourriture ou le minimum nécessaire pour vivre et, pire encore, de travail qui l’oint de dignité ? »
L’opulence insoutenable (2)
« Les grands idéaux qui ont inspiré l’Europe semblent avoir perdu leur force attractive, en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions. A cela s’ajoutent des styles de vie un peu égoïstes, caractérisés par une opulence désormais insoutenable et souvent indifférente au monde environnant, surtout aux plus pauvres »: le pape a été applaudi pour la deuxième fois par les députés européens.
Les enfants tués avant de naître (3)
Le pape a plaidé pour le respect de toute personne humaine, dénonçant aussi toutes les fois où les sociétés choisissent plutôt l’abandon et la mort: « L’être humain risque d’être réduit à un simple engrenage d’un mécanisme qui le traite à la manière d’un bien de consommation à utiliser, de sorte que – nous le remarquons malheureusement souvent – lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître. »
L’oubli de Dieu engendre la violence (4)
Le pape a souligné l’importance des « racines religieuses » de l’Europe: « De même, je suis convaincu qu’une Europe capable de mettre à profit ses propres racines religieuses, sachant en recueillir la richesse et les potentialités, peut être plus facilement immunisée contre les nombreux extrémismes qui déferlent dans le monde d’aujourd’hui, et aussi contre le grand vide d’idées auquel nous assistons en Occident, parce que « c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence ». »
Le silence complice de violences inouïes (5)
Le silence pendant le massacre de populations entière a été dénoncé par le pape et son propos applaudi: « Des communautés et des personnes sont l’objet de violences barbares : chassées de leurs maisons et de leurs patries ; vendues comme esclaves ; tuées, décapitées, crucifiées et brûlées vives, sous le silence honteux et complice de beaucoup. »
Le défi de la démocratie (6)
Le pape a défendu une certaine idée de la démocratie: « Maintenir vivante la réalité des démocraties est un défi de ce moment historique, en évitant que leur force réelle – force politique expressive des peuples – soit écartée face à la pression d’intérêts multinationaux non universels, qui les fragilisent et les transforment en systèmes uniformisés de pouvoir financier au service d’empires inconnus. C’est un défi qu’aujourd’hui l’histoire vous lance. »
Une famille unie et la chaleur d’un foyer (7)
Huitième salve d’applaudissement à propos de la famille: « Le premier domaine est surement celui de l’éducation, à partir de la famille, cellule fondamentale et élément précieux de toute société. La famille unie, féconde et indissoluble porte avec elle les éléments fondamentaux pour donner espérance à l’avenir. Sans cette solidité, on finit par construire sur le sable, avec de graves conséquences sociales. D’autre part, souligner l’importance de la famille non seulement aide à donner des perspectives et l’espérance aux nouvelles générations, mais aussi aux nombreuses personnes âgées, souvent contraintes à vivre dans des conditions de solitude et d’abandon parce qu’il n’y a plus la chaleur d’un foyer familial en mesure de les accompagner et de les soutenir. »
Les sources d’énergie alternatives (8)
Autre passage applaudi spontanément par les députés européens: « Les potentialités créatives de l’Europe dans divers domaines de la recherche scientifique, dont certains ne sont pas encore complètement explorés, sont nombreuses. Il suffit de penser par exemple aux sources alternatives d’énergie, dont le développement servirait beaucoup à la protection de l’environnement. »
La faim et le gâchis (9)
Le pape a communiqué son indignation au Parlement, comme en témoigne pour la 9e fois des applaudissements: « On ne peut tolérer que des millions de personnes dans le monde meurent de faim, tandis que des tonnes de denrées alimentaires sont jetées chaque jour de nos tables. »
Ecologie humaine (10)
L’écologie humaine a été également salué: « Respecter la nature, nous rappelle que l’homme lui-même en est une partie fondamentale. A côté d’une écologie environnementale, il faut donc une écologie humaine, faite du respect de la personne, que j’ai voulu rappeler aujourd’hui en m’adressant à vous. »
Politiques de l’emploi
« Le deuxième domaine dans lequel fleurissent les talents de la personne humaine, c’est le travail. Il est temps de favoriser les politiques de l’emploi, mais il est surtout nécessaire de redonner la dignité au travail, en garantissant aussi d’adéquates conditions pour sa réalisation », a incité le pape.
La méditerranée ne doit pas devenir un cimetière (11)
Les applaudissement ont également crépité lorsque le pape a dénoncé les naufrages de réfugiés en méditerranée: « Il est nécessaire d’affronter ensemble la question migratoire. On ne peut tolérer que la Mer Méditerranéenne devienne un grand cimetière ! »
Travailler sur les causes de l’immigration (12)
La douzième salve d’applaudissements a salué l’idée du pape de travailler ensemble aussi sur les causes de l’immigration: « L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en acte des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes – cause principale de ce phénomène – au lieu des politiques d’intérêt qui accroissent et alimentent ces conflits. Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets. »
L’Europe et le christianisme, un avenir (13)
On a entendu un embryon d’applaudissement lorsque le pape a cité un auteur anonyme
du IIème siècle qui dit: « les chrétiens représentent dans le monde ce qu’est l’âme dans le corps ».
Le pape a développé l’idée dans le sens du rapport entre l’Europe et le christianisme – encore « à écrire » – : « Le rôle de l’âme est de soutenir le corps, d’en être la conscience et la mémoire historique. Et une histoire bimillénaire lie l’Europe et le christianisme. Une histoire non exempte de conflits et d’erreurs, et même de péchés, mais toujours animée par le désir de construire pour le bien. Nous le voyons dans la beauté de nos villes, et plus encore dans celle des multiples œuvres de charité et d’édification commune qui parsèment le continent. Cette histoire, en grande partie, est encore à écrire. Elle est notre présent et aussi notre avenir. Elle est notre identité. Et l’Europe a fortement besoin de redécouvrir son visage pour grandir, selon l’esprit de ses Pères fondateurs, dans la paix et dans la concorde, puisqu’elle-même n’est pas encore à l’abri de conflits. »
Le caractère sacré de la personne humaine (14)
« Chers Eurodéputés, l’heure est venue de construire ensemble l’Europe qui tourne, non pas autour de l’économie, mais autour de la sacralité de la personne humaine, des valeurs inaliénables », a déclaré le pape, immédiatement applaudi.
N’ayez pas peur
Le pape avait commencé son discours en indiquant comment l’Europe pouvait conserver son esprit humaniste: « Une Europe qui n’a plus la capacité de s’ouvrir à la dimension transcendante de la vie est une Europe qui lentement risque de perdre son âme, ainsi que cet « esprit humaniste » qu’elle aime et défend cependant ».
Il a conclu par une exhortation qui rappelle le fameux « bayez pas peur » décliné par Jean-Paul II pendant tout son pontificat: « le moment est venu d’abandonner l’idée d’une Europe effrayée et repliée sur elle-même, pour susciter et promouvoir l’Europe protagoniste, porteuse de science, d’art, de musique, de valeurs humaines et aussi de foi ».
Vocation du député européen et définition de l’Europe
Le pape a indiqué aux parlementaire leur vocation: « Dans votre vocation de parlementaires, vous êtes aussi appelés à une grande mission, bien qu’elle puisse sembler inutile : prendre soin de la fragilité des peuples et des personnes. »
Aux législateurs, il a adressé cet appel: « À vous législateurs, revient le devoir de protéger et de faire grandir l’identité européenne, afin que les citoyens retrouvent confiance dans les institutions de l’Union et dans le projet de paix et d’amitié qui en est le fondement. »
Il a souligné l’importance du christianisme dont la contribution « n’est pas un danger pour la laïcité des États ni pour l’indépendance des institutions de l’Union, mais au contraire un enrichissement »: « les idéaux qui l’ont formée dès l’origine le montrent bien: la paix, la subsidiarité et la solidarité réciproque, un humanisme centré sur le respect de la dignité de la personne ».
Surtout le pape a donné la définition de l’Europe comme « famille des peuples »: « L’Europe est une famille des peuples, lesquels pourront sentir les institutions de l’Union proches dans la mesure où elles sauront sagement conjuguer l’idéal de l’unité à laquelle on aspire, à la diversité propre de chacun, valorisant les traditions particulières, prenant conscience de son histoire et de ses racines, se libérant de nombreuses manipulations et phobies. Mettre au centre la personne humaine signifie avant tout faire en sorte qu’elle exprime librement son visage et sa créativité, au niveau des individus comme au niveau des peuples. »