« Un monde libéré de la lèpre et de la marginalisation », c’est le vœu du préfet du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, dans son message à l’occasion de la 65e Journée mondiale de lutte contre la Lèpre (maladie de Hansen) célébrée le 28 janvier 2018.
« La stigmatisation sociale reste aujourd’hui le problème principal pour les personnes atteintes de la maladie d’Hansen, écrit le cardinal, et il est donc important… de lutter contre cette maladie, mais aussi contre les discriminations que celle-ci produit. Plus que les autres, les malades de la lèpre ont besoin de proximité humaine, de ce ‘touché’ qui dégage une énergie libératrice et bénéfique. »
Le cardinal Turkson appelle « à une action courageuse », à « sensibiliser et mobiliser les consciences en faveur des personnes atteintes de la maladie contre la stigmatisation et contre toutes les formes de discrimination à leur égard ».
« Affrontée avec une bonne approche, la lèpre peut être finalement éradiquée », affirme-t-il en conclusion de ce texte dont nous publions ci-dessous la traduction intégrale.
AK
Message du card. Peter Turkson
« Jamais plus d’injustices, de discriminations, de lèpre du monde »
Aux présidents des conférences épiscopales,
Aux évêques chargés de la pastorale pour la santé,
Aux religieux et religieuses,
Au personnel socio-sanitaire et agents pastoraux,
Aux bénévoles et à toutes les personnes de bonne volonté
Pour manifester la sollicitude de l’Eglise pour le monde, pendant le concile Vatican II, les pères conciliaires demandèrent que « Les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses des hommes d’aujourd’hui, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, soient aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ ». Il est donc inquiétant que, malgré l’énorme progrès accompli par l’humanité ces derniers temps, on ne parvienne pas encore à éliminer définitivement une ‘vieille ‘ maladie comme la lèpre qui continue de contaminer des milliers de personnes dans le monde entier. En effet, aujourd’hui encore, une personne est frappée par la maladie d’Hansen toutes les deux minutes. La lèpre reste un problème sanitaire important là où persistent les conditions socio-économiques précaires qui favorisent sa transmission. Il s’agit, comme souligne le pape François, d’une maladie « en régression mais encore parmi les plus craintes, qui frappe les plus pauvres et les marginalisés ».
Les chiffres publiés par l’Organisation Mondiale de la Santé en 2017 sur la situation de la lèpre dans le monde confirment la haute concentration de la maladie dans 14 pays qui, à eux seuls, représentent 95% des nouveaux cas. Toujours en tête, l’Inde avec 135.485 cas, suivie du Brésil avec 25.218 cas et l’Indonésie avec 16.826 cas. Voire même l’Europe où 32 nouveaux cas de contamination ont été enregistrés en 2016. En plus, dans certains pays, le nombre de malades atteints de lèpre, bien que n’étant pas considérable, représente un pourcentage très élevé par rapport à la population totale. Dans les pays où la maladie est endémique il s’avère que, parmi les personnes touchées, il y a beaucoup d’enfants mineurs. En effet, sur 100 personnes atteinte de la maladie d’Hansen, 9 ont moins de 15 ans.
Pour combattre de manière efficace et incisive la maladie d’Hansen, l’Organisation Mondiale de la Santé a défini une Stratégie Globale contre la Lèpre (2016-2020), dans laquelle la défense des droits fondamentaux de l’homme joue un rôle important, ainsi que la réduction de la stigmatisation et la promotion de l’intégration et de l’inclusion sociale, le rétablissement de la dignité des personnes frappées par la maladie et l’accès aux soins. Il est donc extrêmement urgent d’abroger, là où elles existent, les lois discriminatoires qui entravent les droits fondamentaux de l’homme. Il n’est plus possible de renvoyer à plus tard.
La stigmatisation sociale reste aujourd’hui le problème principal pour les personnes atteintes de la maladie d’Hansen et il est donc important, pour reprendre les paroles du pape François, de « lutter contre cette maladie, mais aussi contre les discriminations que celle-ci produit ». Plus que les autres, les malades de la lèpre ont besoin de proximité humaine, de ce « touché » qui dégage une énergie libératrice et bénéfique. Que de fois, dit le Saint-Père, « nous rencontrons un pauvre qui vient vers nous ! Nous pouvons être généreux, nous pouvons avoir de la compassion, mais d’habitude nous ne le touchons pas. Nous lui offrons une pièce de monnaie, nous la jetons là, mais évitons de lui toucher la main. Et nous oublions que c’est le corps du Christ ! Jésus nous enseigne à ne pas avoir peur de toucher le pauvre et l’exclus, car Il est en eux. Toucher le pauvre peut nous purifier de l’hypocrisie et nous rendre inquiets devant ses conditions ».
Servir avec amour et tendresse les personnes qui ont besoin d’aide est édifiant car c’est nous faire grandir en humanité. Et saint François d’Assise en témoigne, lui un jeune riche transformé totalement après avoir pris dans ses bras un lépreux qui lui a fait comprendre ce qui vaut vraiment dans la vie : pas les richesses, la force des armes, la gloire terrestre, mais l’humilité, la miséricorde, le pardon fruit de la rencontre avec Dieu.
Dans cette optique le thème de la Journée mondiale des malades réaffirme : « Jamais plus d’injustices, de discriminations, de lèpre du monde ! » Mais plus de charité et d’amour qui se traduisent en actes concrets d’accueil, de protection, d’inclusion, d’intégration. La célébration de cette Journée est un rappel non seulement à la solidarité mais également à une action courageuse en faveur de nos frères et sœurs atteints de la maladie d’Hansen et de leurs familles. C’est pourquoi j’exhorte tous les agents pastoraux, le personnel socio-sanitaire et tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à sensibiliser et mobiliser les consciences en faveur des personnes atteintes de la maladie contre la stigmatisation et contre toutes les formes de discrimination à leur égard.
Pour avoir un monde libéré de la lèpre et de la marginalisation, il faut unir les forces de toutes les Eglises, communautés religieuses, organisations internationales, gouvernements, grandes fondations, ONG et associations de personnes frappées par la maladie qui, jusqu’ici, ont contribué à la lutte contre cette maladie. Il faut en même temps renforcer les projets communs de coopération. Affrontée avec une bonne approche, la lèpre peut être finalement éradiquée.
Je remercie tous ceux qui, à divers titres, s’engagent en faveur des malades atteints de la maladie d’Hansen. Que le Bon Dieu vous assiste et vous protège par l’intercession de nombreux saints qui ont fait du service à ces malades la raison de leur vie.
Que la très sainte Vierge Marie notre Mère qui prend soin de ses enfants, spécialement des plus vulnérables, obtienne chaque bénédiction et grâce aux malades et ceux qui portent les signes de la lèpre dans leur corps.
Cardinal Peter K. A. Turkson
Préfet
Traduction d’Océane Le Gall
