"S'affranchir de la pauvreté par le travail", intervention du Saint-Siège

CITE DU VATICAN, Mardi 24 juin 2003 (ZENIT.org) – Voici le texte intégral du discours de Mgr Crepaldi à Genève le 16 juin (cf. article ci-dessus).

Share this Entry

Monsieur le Président,

Nous sommes réunis ici dans une enceinte internationale particulière et hautement représentative des sociétés, grâce à la structure tripartite de l’Organisation Internationale du Travail. Je me trouve donc spécialement à mon aise en y apportant le message de l’Eglise catholique qui est un message éthique et, par là, universel.

1. « S’affranchir de la pauvreté par le travail »: titre évocateur pour le Saint-Siège que celui sur lequel est centrée cette 91ème Conférence internationale du travail ! Et ceci pour trois raisons.

1.1 Déjà le verbe « affranchir » est un mot fort. Il signifie « rendre libre », rendre libre la personne humaine, dans le cas présent, de la pauvreté, un phénomène que l’on pourrait rapprocher de l’esclavage puisqu’il affecte l’homme en profondeur, dans sa propre dignité: l’être humain qui est privé du nécessaire pour vivre est un être humilié auquel sont niés ses droits économiques et sociaux, et dans le cas extrême, le droit à la vie. Mais la pauvreté n’est pas – ou n’est plus – une fatalité! C’est pourquoi en libérer l’homme est un impératif éthique « qui s’impose à la conscience de l’humanité » (Jean-Paul II, Message pour la Journée Mondiale de la Paix 1993) et l’Eglise catholique, dont la mission est essentiellement celle de « servir l’homme », tout l’homme, en se préoccupant aussi de ses exigences de la vie quotidienne (Mater et magistra, n° 2), se doit d’être en première ligne dans la lutte contre la pauvreté.

1.2 En outre, le verbe « affranchir » est employé ici dans sa forme pronominale. Cela signifie que les pauvres sont partie prenante dans ce procès d’affranchissement, ils sont censés participer à leur libération de la pauvreté. D’ailleurs: il faut « abandonner la mentalité qui considère les pauvres – personnes et peuples – presque comme un fardeau » (Centesimus annus n° 28).

1.3 Enfin, le Saint-Siège ne pourrait être plus d’accord sur l’existence d’un lien direct entre pauvreté et travail, et manque de travail. L’Eglise catholique, qui se veut l’Eglise des pauvres et qui a fait pour eux son « option préférentielle », sait bien que ceux-ci « apparaissent sous bien des aspects… (et) en de nombreux cas comme un résultat de la violation de la dignité du travail humain: soit parce que les possibilités du travail humain sont limitées – c’est la plaie du chômage -, soit parce qu’on mésestime la valeur du travail et les droits qui en proviennent, spécialement le droit au juste salaire, à la sécurité de la personne du travailleur et de sa famille » (Laborem exercens, n° 8).

2. Je voudrais maintenant attirer l’attention sur une valeur qui trouve écho dans la conscience de tous, celle qui, en des termes peut-être un peu désuets, s’exprime par le sens de l’honneur. Il faut tout mettre en oeuvre pour donner suite aux engagements pris. Dans le cas spécifique, la pensée va vers l’engagement pris par la communauté internationale de réduire de la moitié, d’ici l’an 2015, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté extrême.

2.1 Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix de cette année, le Pape Jean-Paul II évoquait précisément cette exigence de ne pas manquer à la parole donnée quand il écrivait: « Pacta sunt servanda, dit l’antique adage. Si tous les engagements doivent être respectés, on doit veiller particulièrement à respecter les engagements pris envers les pauvres. (…) Les souffrances causées par la pauvreté se trouvent dramatiquement augmentées par la perte de confiance. Le résultat final en est la disparition de toute espérance. » (n° 8).

2.2 Une catégorie qui a tout spécialement besoin de confiance, puisqu’elle a l’avenir devant elle, est celle des jeunes qui, dans les pays pauvres, constituent la grande majorité de la population. Il est donc nécessaire que les instances responsables de l’orientation de la politique du travail, aux niveaux national et international, portent avant tout leur attention sur le problème fondamental constitué par le chômage qui frappe les jeunes (cf . Laborem exercens, n° 18)

2.3 Il est bien évident que la difficulté de la tâche est énorme ! C’est pourquoi il est opportun de rappeler ici la nécessité de conjuguer la grandeur des objectifs avec le sens de la réalité. Une chance pour aller dans cette direction pourrait être offerte peut-être par les cadres stratégiques pour la réduction de la pauvreté. En effet, s’il est vrai que cequ’on attend des pays pauvres pour l’élaboration de ces cadres est d’une grande complexité, parce que présupposant l’existence d’instruments techniques dont ils ne disposent pas encore et d’institutions politiques dont la crédibilité n’est pas toujours acquise, il est tout aussi vrai que reconnaître la nécessité de la participation, si difficile soit-elle, est une façon d’ancrer le procès d’affranchissement de la pauvreté à la réalité locale. Le rôle que joue et doit continuer de jouer le BIT pour intégrer les objectifs de l’emploi et du travail décent dans les stratégies de réduction de la pauvreté est fondamental. L’Eglise catholique, pour sa part, a dans plusieurs cas mis son expérience au service des communautés locales dans le cadre de ce procès de participation des pauvres qui demandent toujours plus à exprimer leur personnalité créative de citoyens (cfr. Sollicitudo rei socialis, n.° 15).

[01008-03.02] [Texte original: Français]

Share this Entry

ZENIT Staff

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel