« Demandons au Seigneur » la grâce « de toujours voir les Lazare qui sont à notre porte, les Lazare qui frappent à notre cœur » et celle de « sortir généreusement de nous-mêmes, avec des attitudes de miséricorde, pour que la miséricorde puisse entrer dans notre cœur » : c’est la « grâce à demander » indiquée par le pape François qui a commenté l’Evangile du riche et de Lazare dans son homélie de la messe célébrée ce jeudi matin, 25 février ne la chapelle de la Maison Sainte-Marthe du Vatican. Car « ce Lazare, dit le pape, c’était le Seigneur qui frappait à la porte ».
Affecté par un peu de fièvre, le pape François a ensuite annulé les audiences sauf une.
Voici notre traduction de la synthèse de L’Osservatore Romano en italien du 26 février :
Sommes-nous ouverts aux autres et capables de miséricorde ou vivons-nous renfermés sur nous-mêmes, esclaves de notre égoïsme ? Le pape François, commentant la parabole évangélique de Lazare et de l’homme riche, proposée par la liturgie de la messe de ce jeudi 25 février, à Sainte-Marthe, a développé une réflexion sur la qualité de la vie chrétienne.
Rappelant l’antienne d’entrée tirée du psaume 139 (23-24), le pape a souligné l’importance de demander au Seigneur « la grâce de connaître » si nous sommes sur « une voie de mensonge » ou sur la voie « de la vie ». Nous poursuivons, a-t-il expliqué, notre réflexion des jours précédents à propos de la « religion du faire » et de la « religion du dire ».
Le pape est parti des deux personnages de l’Évangile : l’homme riche, décrit comme quelqu’un « vêtu de pourpre et de lin fin » et qui « faisait chaque jour des festins somptueux ». Une description un peu forcée qui veut nous montrer une personne qui « avait tout, toutes les possibilités ». En face de lui, il y avait « un pauvre nommé Lazare » qui gisait « devant son portail » et qui était « couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères ».
Analysant la description des personnages, le pape a souligné combien le riche – « cela se voit dans le dialogue final avec son père Abraham » – était « un homme de foi », qui « avait étudié la loi, connaissait les commandements et qui « allait certainement tous les samedis à la synagogue, et une fois par an au Temple » ; en somme, c’était « justement un homme qui avait une certaine religiosité ». En même temps, le récit évangélique laisse entendre combien il était aussi « un homme fermé, renfermé dans son petit monde, le monde des banquets, des vêtements, de la vanité, des amis ». Renfermé dans sa « bulle de vanité », il « n’avait pas la capacité de regarder au-delà » et il ne « s’apercevait pas de ce qui se passait en dehors de son monde fermé ». Par exemple, « il ne pensait pas aux nécessités de tant de personnes ou au besoin de compagnie des personnes malades » ; au contraire, il ne pensait qu’à lui, « à ses richesses, à sa bonne vie ; il s’adonnait à la bonne vie ». C’était, a conclu le pape, un homme « religieux, apparemment ». De fait, un parfait exemple « de la religion du dire ».
Le riche « ne connaissait aucune périphérie, il était entièrement renfermé en lui-même ». Et pourtant, la périphérie était « justement près de la porte de sa maison », mais lui, « il ne la connaissait pas ». Cette voie, a expliqué le pape, est celle « du mensonge » dont on demande au Seigneur de nous libérer, dans l’antienne.
Après cette description, le pape s’est lancé dans une analyse intérieure de l’homme riche, une personne qui « n’avait confiance qu’en elle-même, que dans ses affaires », et « n’avait pas confiance en Dieu » ; très loin de l’homme « heureux » qui « met sa foi dans le Seigneur », l’homme décrit dans le responsorial tiré du psaume 1. « Quel héritage, s’est alors demandé le pape, cet homme a-t-il laissé ? » Certainement, a-t-il répondu en reprenant le psaume, « il n’est pas comme un arbre planté près d’un ruisseau », mais « comme la paille balayée par le vent ».
Cet homme avait une famille, des frères : dans le récit évangélique, on lit qu’il demande au père Abraham de leur envoyer quelqu’un pour les prévenir : « Attention ! Cela n’est pas la voie ! » Mais lui, en mourant, a poursuivi le pape, « n’a pas laissé d’héritage, n’a pas laissé de vie, simplement parce qu’il était renfermé en lui-même ».
Cette vie aride, a insisté le pape, est soulignée par un détail : à propos de cet homme, l’Évangile « ne dit pas comment il s’appelait, il dit seulement que c’était un homme riche ». Ce détail est significatif, parce que « quand ton nom est seulement un adjectif, c’est parce que tu as perdu : tu as perdu ta substance, tu as perdu ta force ». Alors, on dit parfois de quelqu’un : « celui-ci est riche, il est puissant, il peut tout faire, celui-là est un prêtre carriériste, un évêque carriériste… ». Cela arrive souvent, a expliqué le pape, que nous soyons portés à « nommer les gens avec des adjectifs, et pas avec des noms, parce qu’ils n’ont pas de substance ». C’était la réalité du riche dans le récit de ce jour.
Puis le pape François s’est posé une question : « Dieu qui est Père n’a-t-il pas eu de miséricorde pour cet homme ? N’a-t-il pas frappé à son cœur pour le toucher ? » Et la réponse a été immédiate : « Mais si, il était à la porte, il était à la porte, dans la personne de Lazare ! » Lazare, oui, il avait un nom. « Ce Lazare, a ajouté le pape, avec ses besoins et ses misères, ses maladies, c’était précisément le Seigneur qui frappait à la porte, pour que cet homme ouvre son cœur et que la miséricorde puisse entrer. » Et au contraire, le riche « ne voyait pas », il « était fermé » et « pour lui, au-delà de la porte, il n’y avait rien ».
Ce passage d’Évangile, a commenté le pape, nous est utile à tous, à mi-chemin du carême, pour nous poser quelques questions : « Suis-je sur le chemin de la vie ou sur le chemin du mensonge ? Combien ai-je encore de fermetures dans mon cœur ? Où est ma joie : dans le faire ou dans le dire ? » et encore : ma joie est-elle « lorsque je sors de moi pour aller à la rencontre des autres, pour aider » ou bien « ma joie est quand tout est organisé, renfermé sur moi-même » ?
Et pendant que nous pensons à tout cela, a conclu le pape François, « demandons au Seigneur » la grâce « de toujours voir les Lazare qui sont à notre porte, les Lazare qui frappent à notre cœur » et celle de « sortir généreusement de nous-mêmes, avec des attitudes de miséricorde, pour que la miséricorde puisse entrer dans notre cœur ».
(c) Traduction de Zenit, Constance Roques
© OR - Sainte-Marthe
"Ce Lazare, c'était le Seigneur qui frappait à la porte"
Homélie à Sainte-Marthe