ROME, Mercredi 7 novembre 2007 (ZENIT.org) – « Toutes ces luttes en faveur de la vie, de la santé, de la dignité humaine constituent un témoignage nécessaire exprimant un visage du Dieu de Jésus Christ », écrit le père Edouard Brzostowski dans son dernier ouvrage « Evangéliser au Japon ? », publié aux éditions L’Harmattan, après plus de 40 ans de vie missionnaire au Japon.
Depuis 1971, le père Brzostowski est responsable de la paroisse d’Asada, dans l’immense zone industrielle de Kawasaki, où il a participé à diverses luttes contre les injustices sociales, pour la reconnaissance des maladies du travail, contre la discrimination raciale et pour la paix.
Considéré comme un témoin précieux de l’histoire sociale du Japon, il offre à ZENIT son témoignage, retraçant son parcours de prêtre, ses espérances, ses difficultés, ses angoisses. Nous publions ci-dessous la première partie de cet entretien.
Zenit – Père Brzostowski , parlez-nous de votre arrivée au Japon
P. Brzostowski – Je suis né en 1932 à Sens (Yonne) de parents polonais arrivés en France après la Première guerre. Dès l’âge de 7 ans, j’ai désiré devenir prêtre. Après mes études au grand séminaire de Sens, je fus ordonné prêtre (1955) et envoyé au Prado, près de Lyon pour une année de formation. Après 4 ans de travail pastoral dans mon diocèse, je réponds à une invitation de Mgr Arai, évêque de Yokohama, et après deux années de formation à Rome, j’arrive au Japon en 1963.
Depuis 1971, je suis responsable de la paroisse d’Asada, dans l’immense zone industrielle de Kawasaki. Là, j’ai collaboré à la création d’une équipe d’ACO (j’en suis toujours l’aumônier) et je suis devenu membre actif de la commission « justice et paix », pour répondre aux appels des petits et des pauvres. Je participe ainsi à diverses luttes : contre la pollution atmosphérique (de 1971 à 1999), contre des licenciements injustes et des fermetures arbitraires d’usines, pour la reconnaissance de maladies du travail, contre la discrimination raciale, pour la paix…
Zenit – Si vous deviez résumer votre expérience de prêtre vivant en monde ouvrier a Kawasaki depuis 1971, que diriez-vous ? Qu’est-ce qui a été le plus déterminant ?
P. Brzostowski – Il est bien difficile de voir des résultats concrets de ma présence au Japon, car le nombre de baptêmes est bien petit. Mais ce qui m’a toujours préoccupé, c’est de répondre à l’appel du Christ nous disant : « Allez dans le monde entier annoncer la Bonne Nouvelle ! Soyez mes témoins ! ». C’est pourquoi, tout en tenant compte des orientations exprimées par l’épiscopat local, j’ai essayé d’être attentif à la situation des ouvriers travaillant dans cette immense zone industrielle (40.000 entreprises environ !).
D’où mon désir de voir naître et grandir des jeunes et des adultes du monde ouvrier, en tant que témoins du Christ, ce qui explique l’intérêt que j’ai porté à la naissance de la JOC, de l’ACO dans notre diocèse de Yokohama, ainsi que ma disponibilité pour être le traducteur des délégués japonais aux Assemblées générales du MMTC (Mouvement mondial des travailleurs chrétiens).
Ce service n’a pas été toujours très facile. J’ai dû affronter une lutte qui m’a rendu malade. Je me suis sérieusement demandé si je ne devais pas quitter le Japon pour aller travailler ailleurs (aux Philippines, par exemple). Une année sabbatique m’a permis de rester ici, mais avec un cœur tout neuf !
Quand je suis arrivé au Japon en janvier1963, j’ai découvert une Eglise bien éloignée des problèmes concrets du peuple. Deux assemblées, dites NICE (National Incentive Convention for Evangelization), composée d’évêques, prêtres, religieuses, laïcs, eurent lieu en novembre 1987 et en 1993. Elles voulaient créer un dynamisme pour remédier aux problèmes selon la mission de l’Eglise et souligner la nécessité d’une formation permanente des fidèles, axée sur la dimension sociale.
Depuis que Dieu s’est fait homme en Jésus Christ, on ne peut plus séparer la cause de Dieu de celle de l’homme. « Ce que tu feras aux plus petits, c’est à moi que tu l’auras fait ». Et saint Jean nous dit : « Tout esprit qui divise Jésus n’est pas de Dieu »(I, Jn, 4-3). C’est donc dans ce contexte que j’ai essayé de vivre la mission reçue comme serviteur de l’Alliance entre Dieu et les hommes.