ROME, Vendredi 26 septembre 2008 (ZENIT.org) – Journaliste, envoyé spécial dans l’ancien Bloc soviétique, Denis Lensel a publié un livre sur l’effort de rapprochement de Jean-Paul II vis-à-vis du monde orthodoxe et post-soviétique : « Nous lui devons la liberté ! La main tendue de Jean-Paul II à l’Est » (Editions Salvator). Voici le deuxième volet de notre entretien avec l’auteur (cf. Zenit du 25 septembre 2008 pour la première partie).
Zenit – Au cœur de l’ex-URSS, le « pape polonais » n’a-t-il pas semblé un intrus indésirable ?
Denis Lensel – En juin 2001 en Ukraine, malgré des divisions même entre orthodoxes, des journaux saluent Jean-Paul II comme un libérateur aussi pour les ex-Soviétiques. On rappelle que « l’Eglise de Rome a pris le chemin de l’œcuménisme en rejetant la haine sempiternelle parmi les gens de confession différente ». Un quotidien de Kiev publie ce titre : « Un mur est encore tombé »…Mais d’autres disent craindre une « croisade occidentale »…
Au Kazakhstan, la visite a lieu juste après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis… Le pape lance un appel à la paix devant 5000 catholiques, 600 orthodoxes, des protestants et 30.000 musulmans modérés…
La presse le définit comme « un envoyé du ciel », dit que « Les Kazakhs doivent remercier le pape pour… leur souveraineté ! », et le désigne comme « un défenseur du droit ».
Jean-Paul II prie devant un monument aux victimes des déportations de Staline, Russes, Ukrainiens, Allemands de la Volga déportés en 1941, Polonais, Kazakhs… Des jeunes chrétiens européens et asiatiques chantent « Christ est ressuscité ».
Aux étudiants, il signale qu’après « la violence mortelle de l’idéologie », arrive « la violence non moins destructrice du vide, négation de l’infini ».
Zenit – Dernière étape, la Bulgarie…
Denis Lensel – A la fin de la visite de Jean-Paul II à Sofia en 2002 – demandée par 80 intellectuels – le ministre juif des Affaires étrangères Solomon Passi déclare à l’issue de ce voyage dont le pape sort à bout de forces : « Cet homme nous a donné une leçon de courage et un témoignage de force d’âme. Sa présence a apporté un message libérateur et purificateur pour toute une génération ».
A l’issue d’un concert où liturgies byzantine et latine sont célébrées ensemble, 4000 intellectuels bulgares se lèvent et chantent pour le pape l’acclamation solennelle Mnogaïa Leta, Qu’il vive de longues années.
Le supérieur du sanctuaire national bulgare de Rila dit en latin à Jean-Paul II : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Tous deux s’étaient rencontrés à Rome au Concile Vatican II…
Zenit – Quel bilan pour toutes ces rencontres ?
Denis Lensel – Avant Benoît XVI, le pape Jean-Paul II a tracé en profondeur le sillon de la réconciliation entre catholiques et orthodoxes. Et il a rencontré l’approbation de plusieurs représentants éminents de l’orthodoxie, pour la liberté et l’unité des chrétiens, deux objectifs inséparables.
Malgré des souffrances physiques indicibles, Jean-Paul II a consacré ses dernières forces à la réconciliation de Rome et du monde orthodoxe, « les deux poumons de l’Eglise ».
Il avait puissamment contribué à la libération vis-à-vis du communisme. Ensuite, il a effectué une deuxième action libératrice, celle de la paix entre frères séparés, une unité sans laquelle l’Evangile, Vérité « qui rend libre », peut perdre du crédit.
« J’ai cherché l’unité de toutes mes forces, et je continuerai à me dépenser jusqu’à la fin pour qu’elle soit parmi les préoccupations prioritaires des Eglises », dit-il dès 1999 à Bucarest.
Jean-Paul II est très sensible à l’efficacité spirituelle de la persécution subie par toutes les Eglises, témoignage commun d’un sang versé par des frères en Jésus Christ.
En 1993, il avait rencontré à Rome un autre géant de l’Histoire, Soljénitsyne, grand témoin orthodoxe russe qui s’était exclamé dès 1978 : « Ce pape est un don de Dieu ».
Aujourd’hui, à l’heure de Benoît XVI, le dialogue entre l’Eglise catholique et le monde orthodoxe connaît à la fois des difficultés persistantes et des avancées prometteuses. Si la hiérarchie du Patriarcat de Moscou demeure sur la réserve, comme le montre son refus de signer l’accord œcuménique de Ravenne en octobre 2007 sur le principe – théorique – de la primauté de l’évêque de Rome, « Primus inter pares », premier parmi ses égaux.
Mais l’œuvre de réconciliation continue à progresser, du fait de l’action à la fois discrète et efficace de Benoît XVI du côté catholique, et de la poursuite de l’évolution du monde orthodoxe.
Propos recueillis par Anita S. Bourdin
Denis Lensel, « Nous lui devons la liberté ! La main tendue de Jean-Paul II à l’est », Editions Salvator, 214 pages, 19,90 euros.