CITE DU VATICAN, Vendredi 26 juillet 2002 (ZENIT.org) – « J’ai cherché dans ma Bible, à savoir quand et où le sel y était évoqué »: Mgr Dubost a transmis aux jeunes de Toronto ce qu’il avait trouvé dans sa Bible, tout en leur transmettant ainsi une vraie méthode pour ouvrir sa Bible de façon simple et fructueuse. Une catéchèse et des travaux pratiques!
Voici le texte intégral de la catéchèse de Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry (cf. http://www.jmjdirect.org). Mgr Dubost agrémente sa catéchèse de l’humour de cet évêque africain, plutôt rassurant devant la tâche apostolique à accomplir: « Il ne faut pas un kilo de sel pour cuire un kilo de riz! »
Thème : Vous êtes le sel de la terre
Mercredi 24 juillet 2002
Savez-vous ce que vous êtes ?
Vous connaissez-vous vraiment ?
Ma mission, ce matin, est de vous dire au nom du Christ : vous êtes le sel de la terre !
Vous avez de la personnalité. Vous avez du goût. Vous avez de la saveur.
C’est le Christ qui vous le dit.
Il ne met aucune condition à vous trouver savoureux.
Il ne dit pas : Vous serez le sel de la terre si vous réussissez, si vous évangélisez, si vous êtes de bons enfants, de bons parents, de bons citoyens…
Il ne dit pas : Vous serez le sel de la terre quand vous aurez été généreux.
Il ne dit même pas : Vous êtes le sel de la terre si vous le désirez profondément.
Il vous met simplement en garde :
« Si le sel vient à s’affadir, les passants le piétineront… » Et comment ne pas témoigner de la vérité de cette prédiction ? Combien de fois les catholiques se sont senti meurtris, foulés au pied, méprisés dans leur propre pays.
Le sel s’est-il affadi ? Et comment faire pour qu’il ne s’affadisse pas ?
Souvent je médite ces mots en regardant une foule de chrétiens :
Ils sont le sel de la terre…
Et j’avoue que je trouve cela beau… mais que je m’interroge parfois sur ce que le Christ a bien voulu dire…
Vous êtes le sel de la terre…
Comme souvent dans ce cas-là, j’ai repris ma Bible.. . et j’ai essayé de regarder de près.
Ma Bible m’a fait faire trois remarques :
– Pour celui qui fait attention au vocabulaire, il y a une opposition – très biblique – entre la terre : vous êtes le sel de la terre, et le monde : vous êtes la lumière du monde. Il faudrait, à mon avis, traduire ici : vous êtes le sel du Pays d’Israël…. Le mot employé ici, que l’on traduit par terre, signifie aussi le pays d’Israël, voire la terre promise.
Le Christ invite ceux qui l’écoutent – ceux d’hier qui écoutaient son sermon sur la montagne – comme ceux d’aujourd’hui – vous et moi – à prendre conscience qu’ils sont le sel de la terre… j’allais traduire, le sel du Peuple de Dieu, en l’occurrence, pour nous, de l’Eglise Catholique.
Quelle est la place de l’Eglise dans votre vie ?
Quel rôle y jouez-vous ?
Quel rôle êtes-vous appelés à y jouer ?
Si vous n’y êtes pas, comment pouvez-vous en être le sel ?
J’ai souvent entendu des jeunes et des moins jeunes se plaindre de l’Eglise… Est-ce comme cela que l’on joue son rôle de sel ? J’ai souvent entendu des jeunes et des moins jeunes trouver que, pour faire quoique ce soit dans l’Eglise – participer – faire un groupe donner des idées – ils étaient trop peu nombreux.
Je me souviens, lorsque j’entends cela, de Mgr Sagna, l’évêque de Saint Louis du Sénégal à qui l’on demandait si ce n’était pas trop difficile d’être à la tête d’un diocèse où il y avait si peu de chrétiens ; il répondait "Il ne faut pas un kilo de sel pour cuire un kilo de riz » !
Le Christ sait que nous ne sommes pas nombreux.
Mais nous sommes le sel !
J’imagine que, lorsqu’il parlait, le Christ voulait donner aux Juifs qui étaient autour de lui, le sens de leur histoire et de leur dignité… Je traduirai volontiers son expression : Soyez fiers d’être les héritiers d’un Peuple que Dieu a libéré et qu’il libère sans cesse. Soyez fiers d’appartenir à un Peuple aimé de Dieu.
Et c’est encore ce qu’il nous dit aujourd’hui.
Prenez conscience que vous êtes membre de ce Peuple choisi de Dieu.
Prenez conscience de votre baptême !
Prenez conscience de son Alliance !
– Pour aller plus loin, j’ai cherché aussi dans ma Bible, à savoir quand et où le sel y était évoqué pour comprendre plus profondément l’expression « être le sel de la terre ». J’ai lu bien des hypothèses : il paraît que les potiers mettaient du sel dans la terre de leur four pour favoriser la cuisson et que, petit à petit, à force de cuisson, ce sel perdait ses qualités. C’est possible. Mais ce n’est pas dans la Bible. Par contre, dans le livre de Job, on parle de sel qui donne goût aux aliments…. Mais je pense que Jésus fait allusion à tout autre chose, au livre du Lévitique ou des Nombres. Ces deux livres sont peu connus, mais ils parlent de l’alliance.
Tu saleras toute oblation que tu offriras
Et tu ne cesseras de mettre sur ton oblation
Le sel de l’Alliance de ton Dieu
Lév. 2. 13 – cf. Nb. 18.19
Les juifs salaient les viandes offertes en sacrifice..
Evidemment ces pratiques sont d’un autre âge. Et il faut les transposer.
Le sacrifice, pour nous chrétiens, est le sacrifice du Christ se donnant librement à son Père… et il n’y en a pas d’autres.
Mais pour faire comprendre son sacrifice, le Christ fait allusion aux sacrifices anciens.
Pour les Juifs, le sel évoque l’amitié avec Dieu et la pureté des intentions dans le sacrifice que l’on offre.
Vous êtes le sel de la terre, vous chrétiens, parce que vous êtes capables d’offrir à Dieu une offrande pure en toute amitié.
Je ne suis pas en train de revenir subtilement sur ce que je vous disais tout à l’heure.
Le Christ ne nous dit pas : deviens capable de t’offrir totalement à Dieu, de le manifester par ta pureté de cœur, d’intention et de corps, par ta capacité à aimer.
Le Christ affirme, vous êtes le sel… dès maintenant, qui que vous soyez…. parce que vous êtes liés au Christ.
C’est lui qui est pur d’intention.
C’est lui qui est aimable.
C’est lui qui a la force de se donner totalement.
Oui, vous êtes le sel de la terre parce que vous êtes liés à lui. Parce que vous faites corps avec lui… Lui affirme : Je suis, pour faire entendre qu’il est Dieu … et il nous dit, vous êtes pour nous faire entendre que – malgré notre indignité – nous participons, par adoption, à sa divinité. Sans lui, vous ne pouvez plus saler. Savez-vous que la racine « moros » du verbe employé dans l’expression « Si le sel vient à perdre sa saveur »… pour dire perdre sa saveur, est la même que celle de l’adjectif employé par Matthieu dans la parabole des dix vierges pour désigner les cinq vierges « insensées » (Mt 25.2)
Sans lien avec le Christ nous n’avons pas de sens !
Notre lèpre, notre maladie, c’est l’amour qui dort inemployé en nous.
Saint Augustin disait que, jeune, il aimait aimer… Mais malgré cela – et c’est déjà bien – son amour était inemployé, inefficace, déplacé, parce qu’il n’avait pas découvert Jésus, le Père, parce que le cœur de chacun d’entre nous est fait pour Dieu et que par Jésus il nous faut le trouver.
Avec Jésus, tout prend sens !
Toute notre vie entre dans l’Alliance qui unifie les hommes et Dieu !
Sans lui, nous sommes bons à être jetés dehors !
Malgré nos bons sentiments, notre gentillesse, notre humanisme.
Jeté dehors !
Je vous entends déjà parler d’injustice.
A la limite, vous seriez prêts à croire qu’il faut être lié au Christ
Faire corps avec lui
S’offrir avec lui.
Mais vous n’acceptez pas que vos amis qui n’ont jamais entendu parler de Dieu soient jetés dehors.
Et vous avez raison.
Dieu ne serait pas raisonnable d’exclure ceux qui ne le connaissent pas.<
br> Mais ce n’est pas à eux que je m’adresse, c’est à vous.
Il est facile d’accuser Dieu…
Il est facile de dire « Pourquoi Dieu permet-il tant de mal dans le monde ? »
Il est facile de dire « Pourquoi Dieu exprime-il une préférence pour ceux qui croient en lui ?… »
C’est évidemment plus facile à dire que : « Pourquoi les hommes se permettent-ils autant de méchancetés » ….. Ou Pourquoi les chrétiens se taisent-ils ? Qu’est-ce qui fait leur honte ? Pourquoi ne veulent-ils plus saler ? » Comment se fait-il qu’autour des chrétiens, tant de gens ne connaissent pas Dieu ?
– Ma troisième remarque, toujours en feuilletant ma Bible, est de remarquer que le Christ déclare « Vous êtes le sel de la terre » à ceux qui viennent d’entendre les Béatitudes…
Vous aussi, vous avez entendu ce texte…
Vous le connaissez par cœur.
Vous connaissez ces béatitudes communes à Matthieu et à Luc
Le bonheur aux pauvres, aux affligés, aux affamés, aux persécutés.
Et celles qui sont propres à Matthieu.
Le bonheur aux doux, aux bons, aux purs, à ceux qui construisent la paix.
Beaucoup vous ont fait remarquer que les Béatitudes tracent comme un portrait de Jésus Christ. Devenir corps avec le Christ, c’est laisser l’Esprit nous façonner en homme et en femme des Béatitudes.
Etre doux, bon, pur, construire la paix : quel programme ! C’est ce que l’Esprit du Christ qui est en nous depuis notre baptême veut nous entraîner à vivre parce que c’est notre nature profonde !
Mais il faut aller plus loin. Quelle est la première qualité de l’homme des Béatitudes ? Il est heureux. Il connaît le bonheur.
Nous sommes une époque où beaucoup connaissent la maladie de la dépression nerveuse, de la déprime.
Et cette maladie est comme l’expression pathologique de l’air du temps : les gens sont malheureux.
Le Christ vient vous chanter « la ballade des gens heureux ».
Nous ne sommes pas heureux d’être pauvres, affligés, affamés, persécutés… nous sommes, comme le Christ, et au cœur de nos drames, surs d’être aimés de Dieu. Et ce bonheur, rien ne peut le tuer.
Surs de ne pas être seuls. Surs d’être aimés.
Nous pouvons quelquefois être tentés de douter de son absence.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » dit le Christ en croix. Mais les ultimes moments du Christ montrent qu’après cette ultime tentation, il a su poursuivre le Psaume 22 et être sûr « que son Père n’a pas méprisé la pauvreté du pauvre ni caché de lui sa face ».
Et c’est en toute paix qu’il lui a remis son esprit.
Etre sel de la terre
Vivre du bonheur du Christ.
Je n’y arriverai jamais !
Lui est tout
Moi je ne suis rien !
Lui a fait des grandes choses…
Et moi ?
Je vous entends me dire cela. C’est une des manières subtiles de refuser d’être le sel de la terre.
Je repense au Christ à la fin de sa vie.
Peut-être se souvenait-il de son programme initial.
« L’Esprit du Seigneur est sur moi…
Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres
Annoncer aux captifs la délivrance
Aux aveugles le retour à la vue
Rendre la liberté aux opprimés
Proclamer une année de grâce du Seigneur »…
Certes Jésus a beaucoup fait… mais à la fin de sa vie, il existait encore des aveugles, des captifs, des opprimés ; Jésus, Dieu, n’a pas tout réglé sur terre… et il est Dieu !
Il a seulement ( !)ouvert la porte de l’espérance.
Par son action quotidienne il a montré qu’il n’est pas possible de se résigner au mal.
Et que Dieu n’aime pas le malheur
Il a donné une manière d’agir en s’offrant librement
Pour que chacun se découvre être fait pour donner
Et capable de se libérer de tout ce qui entrave le don
Il a donné la force d’agir, lui qui est Dieu, en donnant son Esprit
Et par lui le goût du bonheur.
Il est le sel de la terre.
Vous êtes le sel de la terre.
24/07/2002
Mgr Dubost, Evêque d’Evry
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