Benoît XVI proclame cinq nouveaux saints (26 avril)

Texte intégral de l’homélie

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ROME, Mardi 28 avril 2009 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte intégral de l’homélie prononcée par le pape Benoît XVI lors de la messe de canonisation de cinq bienheureux (Arcangelo Tadini, Bernardo Tolomei, Nuno de Santa Maria Alvares Pereira, Gertrude Comensoli et Catherine Volpicelli), dimanche 26 avril, sur la place saint-Pierre.

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Chers frères et sœurs,

En ce troisième dimanche du temps pascal, la liturgie place encore une fois au centre de notre attention le mystère du Christ ressuscité. Victorieux sur le mal et sur la mort, l’Auteur de la vie, qui s’est immolé en tant que victime d’expiation pour nos péchés, «continue  à s’offrir pour nous et intercède comme notre avocat; sacrifié sur la croix, il ne meurt plus et, avec les signes de la passion, il vit immortel» (cf. Préface pascale 3). Laissons-nous intérieurement inonder par la lumière pascale qui émane de ce grand mystère, et avec le Psaume responsorial prions: «Que resplendisse sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage».

            La lumière du visage du Christ ressuscité resplendit aujourd’hui sur nous, en particulier à travers les traits évangéliques des cinq bienheureux qui sont inscrits dans l’album des saints au cours de cette célébration: Arcangelo Tadini, Bernardo Tolomei, Nuno de Santa Maria Alvares Pereira, Geltrude Comensoli et Caterina Volpicelli. Je m’unis volontiers à l’hommage que leur rendent les pèlerins, venus ici  de divers pays, à qui j’adresse un salut cordial avec une grande affection. Les différents itinéraires  humains et spirituels de ces nouveaux saints nous montrent le renouveau profond qu’accomplit dans le cœur de l’homme le mystère de la résurrection du Christ; un mystère fondamental qui oriente et guide toute l’histoire du salut.  C’est donc à juste titre que l’Eglise nous invite toujours, et encore davantage en ce temps pascal, à tourner nos regards vers le Christ ressuscité, réellement présent dans le Sacrement de l’Eucharistie.

            Dans la page évangélique, saint Luc rapporte l’une des apparitions de Jésus ressuscité (24, 35-48). Précisément au début du passage, l’évangéliste note que les deux disciples d’Emmaüs, revenus en hâte à Jérusalem, racontèrent aux Onze comment ils l’avaient reconnu «quand il avait rompu le pain» (v.35). Et pendant qu’ils racontaient l’expérience extraordinaire de leur rencontre avec le Seigneur, Celui-ci «lui-même était là au milieu d’eux» (v. 36). A cause de son apparition soudaine, les Apôtres furent frappés de stupeur et de crainte, au point que Jésus, pour les rassurer et vaincre toute réticence et doute, leur demande de le toucher – ce n’était pas un fantôme, mais un homme en chair et en os – et demanda ensuite quelque chose à manger. Encore une fois, comme cela avait eu lieu pour les deux pèlerins d’Emmaüs, c’est à table, alors qu’il mange avec les siens, que le Christ ressuscité se manifeste aux disciples, les aidant à comprendre l’Ecriture et à relire les événements du salut à la lumière de la Pâque. «Il fallait que s’accomplisse – dit-il – tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes» (v. 44). Et il les invite à regarder vers l’avenir: «la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations» (v.47).

            Chaque communauté revit cette même expérience dans la célébration eucharistique, en particulier la célébration dominicale. L’Eucharistie, le lieu privilégié où l’Eglise reconnaît «l’auteur de la vie» (cf. Ac 3, 15), est «la fraction du pain», comme elle est appelée dans les Actes des Apôtres. Dans celle-ci,  grâce à la foi, nous entrons en communion avec le Christ, qui est «autel, victime et prêtre» (cf. Préface pascale 5) et qui est parmi nous. Nous nous rassemblons autour de Lui pour faire mémoire de ses paroles et des événements contenus dans l’Ecriture; nous revivons sa passion, sa mort et sa résurrection. En célébrant l’Eucharistie, nous communiquons avec le Christ, victime d’expiation, et nous puisons en  Lui le pardon et la vie. Que serait notre vie de chrétiens sans l’Eucharistie? L’Eucharistie est l’héritage perpétuel et vivant que nous a laissé le Seigneur dans le Sacrement de son Corps et de son Sang, que nous devons constamment repenser et approfondir afin que, comme l’affirmait le vénéré Pape Paul VI, il puisse «imprimer son efficacité inépuisable sur tous les jours de notre vie mortelle» (Insegnamenti, v [1967], p. 779). Nourris par le pain eucharistique, les saints que nous vénérons aujourd’hui ont mené à bien leur mission d’amour évangélique dans les divers domaines où ils ont œuvré avec leurs charismes spécifiques.

            Saint Arcangelo Tadini passait de longues heures en prière devant l’Eucharistie, lui qui, ayant toujours à l’esprit dans son ministère pastoral la personne humaine dans sa totalité, aidait ses paroissiens à croître humainement et spirituellement. Ce saint prêtre, ce saint curé, un homme entièrement donné à Dieu, prêt en chaque circonstance à se laisser guider par l’Esprit Saint, était dans le même temps disponible à accueillir les urgences du moment et à y trouver un remède. C’est pourquoi il prit de nombreuses initiatives concrètes et courageuses, comme l’organisation de la «Société ouvrière catholique du secours mutuel», la construction  de la filature et de la maison d’accueil pour les ouvrières, ainsi que la fondation, en 1900, de la «Congrégation des Sœurs ouvrières de la Sainte Maison de Nazareth», dans le but d’évangéliser le monde du travail à travers le partage des fatigues, sur l’exemple de la Sainte Famille de Nazareth. Combien fut prophétique l’intuition de Don Tadini et combien son exemple reste actuel aujourd’hui aussi, à une époque de grave crise économique! Il nous rappelle que ce n’est qu’en cultivant une relation constante et profonde avec le Seigneur, en particulier dans le Sacrement de l’Eucharistie, que nous pouvons ensuite être en mesure d’apporter le ferment de l’Evangile dans les différentes activités de travail et dans chaque milieu de notre société.

            Chez saint Bernardo Tolomei, initiateur d’un mouvement monastique bénédictin,  ressort  également l’amour pour la prière et pour le travail manuel. Son existence fut une existence eucharistique, entièrement consacrée à la contemplation, qui se traduisait en un humble service du prochain. En raison de son esprit d’humilité et d’accueil fraternel particulier, il fut réélu abbé par les moines vingt-sept années de suite, jusqu’à sa mort. En outre, pour assurer l’avenir de son œuvre, il obtint de Clément VI, le 21 janvier 1344, l’approbation pontificale  de la nouvelle Congrégation bénédictine, dite de «S. Maria di Monte Oliveto». A l’occasion de la grande peste de 1348, il quitta la solitude de Monte Oliveto pour se rendre dans le monastère  Saint-Benoît à Porta Tufi, à Sienne, afin d’assister ses moines frappés par le mal, et il mourut lui-même victime de la maladie comme un authentique martyr de la charité. De l’exemple de ce saint, nous vient l’invitation à traduire notre foi en une vie consacrée à Dieu dans la prière et prodiguée  au service du prochain sous l’impulsion d’une charité également prête au sacrifice suprême.

            «Sachez que le Seigneur a mis à part son fidèle, le Seigneur entend quand je crie vers lui» (Ps 4, 4). Ces paroles du Psaume responsorial expriment le secret de la vie du bienheureux Nuno de Santa María, héros et saint du Portugal. Les soixante-dix années de sa vie se déroulèrent pendant la deuxième moitié du XIVème siècle et  la première du XVème siècle, qui virent ce pays consolider son indépendance de la Castille, puis s’étendre au-delà de l’océan – non sans un dessei
n particulier de Dieu -, en ouvrant de nouvelles routes qui devaient favoriser l’avènement de  l’Evangile du Christ jusqu’aux extrémités de la terre. Saint Nuno se sentait l’instrument de ce dessein supérieur et enrôlé dans la militia Christi c’est-à-dire dans le service de témoignage que chaque chrétien est appelé à rendre dans le monde. Ce qui le  caractérisait était une intense vie de prière et la confiance absolue dans l’aide divine. Bien qu’il soit un excellent militaire et un grand chef, il ne permit jamais à ces dons naturels de prévaloir sur l’action suprême qui provient de Dieu. Saint Nuno s’efforçait de ne placer aucun obstacle à l’action de Dieu dans sa vie, en imitant la Sainte Vierge, pour laquelle il éprouvait une grande dévotion et à laquelle il attribuait publiquement ses victoires. Au terme de sa vie, il se retira dans le couvent de carmes dont il avait ordonné la construction. Je suis heureux de présenter à toute l’Eglise cette figure exemplaire, en particulier en raison d’une vie de foi et de prière dans des situations  en apparence  défavorables, apportant la  preuve que dans toute situation, même à caractère militaire et de conflit, il est possible d’agir et de mettre en œuvre les valeurs et les principes de la vie chrétienne, en particulier si celle-ci est placée au service du bien commun et de la gloire de Dieu.

            Dès son enfance, sainte Geltrude Comensoli ressentit une attraction particulière pour Jésus. L’adoration du Christ eucharistique devint le but principal de sa vie, nous pourrions presque dire la condition habituelle de son existence. Ce fut en effet devant l’Eucharistie que sainte Geltrude comprit sa vocation et sa mission dans l’Eglise: celle de se consacrer sans réserves à l’action apostolique et missionnaire, en particulier en faveur de la jeunesse. C’est ainsi que naquit, en obéissance au Pape Léon XIII, son Institut qui visait à traduire la «charité contemplée» en Christ eucharistique, en «charité vécue» en se consacrant à son prochain dans le besoin. Dans une société égarée et souvent blessée, comme la nôtre, à une jeunesse, comme celle de notre époque, à la recherche de valeurs et d’un sens à donner à sa propre existence, sainte Geltrude indique comme solide point de référence le Dieu qui, dans l’Eucharistie,  s’est fait notre compagnon de voyage. Elle nous rappelle que «l’adoration doit prévaloir sur toutes les œuvres de charité» car c’est de l’amour pour le Christ mort et ressuscité, réellement présent dans le Sacrement eucharistique, que naît cette charité évangélique qui nous pousse à considérer tous les hommes comme nos frères.

            Sainte Caterina Volpicelli fut également un témoin de l’amour divin, qui s’efforça d’«être du Christ, pour conduire au Christ» ceux qu’elle rencontra dans la ville de Naples à la fin du XIXème  siècle, à une époque de crise spirituelle et sociale. Pour elle aussi, le secret fut l’Eucharistie.  Elle recommandait à ses premières collaboratrices de cultiver une intense vie spirituelle dans la prière et, surtout, le contact vital avec Jésus Eucharistie. Telle est également aujourd’hui la condition pour poursuivre l’œuvre et la mission qu’elle a commencées et laissées en héritage aux «Servantes du Sacré-Cœur». Pour être d’authentiques éducatrices de la foi, désireuses de transmettre aux nouvelles générations les valeurs de la culture chrétienne, il est indispensable, comme elle aimait à le répéter, de libérer Dieu des prisons dans lesquelles les hommes l’ont enfermé. Ce n’est en effet que dans le cœur du Christ que l’humanité peut trouver sa «demeure stable». Sainte Caterina montre à ses filles spirituelles et à nous tous, le chemin exigeant d’une conversion qui change le cœur à sa racine et qui se traduit en actions cohérentes avec l’Evangile. Il est ainsi possible de poser les bases pour construire une société ouverte à la justice et à la solidarité, en surmontant  le déséquilibre économique et culturel qui continue à subsister dans une grande partie de notre monde.

            Chers frères et sœurs, nous rendons grâce au Seigneur pour le don de la sainteté, qui aujourd’hui resplendit dans l’Eglise avec une beauté singulière chez Arcangelo Tadini, Bernardo Tolomei, Nuno de Santa Maria Alvares Pereira, Geltrude Comensoli et Caterina Volpicelli. Laissons-nous attirer par leurs exemples, laissons-nous guider par leurs enseignements, afin que notre existence aussi devienne un cantique de louange à Dieu, sur les traces de Jésus, adoré avec foi dans le mystère eucharistique et servi avec générosité chez notre prochain. Que l’intercession maternelle de Marie, Reine des saints, et de ces cinq nouveaux lumineux exemples de sainteté, que nous vénérons aujourd’hui avec joie, nous permette de réaliser cette mission évangélique. Amen!

© Copyright : Librairie Editrice du Vatican

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ZENIT Staff

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