ROME, dimanche 21 juillet 2002 (ZENIT.org>Avvenire) – La loi du Kanun, qui prévoit de venger le sang par le sang, conditionne encore la vie de nombreux Albanais, surtout dans les montagnes du nord du pays. Le père Dionis Maka, un Franciscain âgé de 92 ans, a consacré toute sa vie à négocier avec les habitants de la région pour tenter d’éviter les drames qu’entraîne cette terrible loi du talion.
Selon le « code des montagnes », dans les régions comprises entre Scutari, Dukagjini et Lezhe « le sang ne reste jamais sans vengeance » (article 128) et l’homicide fait partie des cas vengés par le sang (article 125).
C’est en 1939 que le père Dionis Maka a sauvé sa première vie. Depuis, il a fait 116 réconciliations, par des moyens ingénieux permettant de contourner la loi du Kanun et profitant de certaines garanties établies par cette même loi.
L’article 4 par exemple, dit que « la personne du curé est inviolable » et que « le prêtre n’est pas soumis à la loi du sang ».
Pour éviter les vengeances, le père Maka a parfois recours à des compensations matérielles comme par exemple le don de têtes de bétail pour réconcilier les familles, mais aussi au message d’amour de l’Evangile.
« Dans ce triangle du Kanun, explique-t-il, il faut toujours se mouvoir avec beaucoup de discrétion pour ne pas choquer les mentalités ». Le père franciscain précise notamment qu’avant d’aborder les familles pour tenter de les réconcilier après un homicide, il essaie de mieux les connaître et de savoir qui sont leurs amis. « Je les contacte un par un et je leur demande s’ils sont disposés à m’aider. Je frappe à la porte de leurs maisons. Dieu merci, on ne m’a jamais rejeté ».
Selon la Loi du Kanun, la réconciliation est possible si l’homme qui a tué va demander pardon et si les personnes offensées acceptent son offre: douze bœufs pour une personne assassinée. Mais dans la pratique cela n’arrive que rarement car la personne qui a tué a souvent beaucoup de mal à vaincre son orgueil.
« Le Kanun est profondément antiévangélique et antijuridique, explique le père franciscain. Ce n’est pas un hasard si en Albanie le recours au Kanun ait diminué lorsque le pays a eu un Etat fort, capable de faire valoir ses propres lois ».