ROME, Mercredi 10 novembre 2010 (ZENIT.org) – Benoît XVI a apporté en Espagne une harmonie entre « la foi et la laïcité », un message de « dialogue », non de « rupture » ou d’ « affrontement », affirme le cardinal Julián Herranz Casado.
Président émérite du Conseil pontifical pour les Textes législatifs, le cardinal espagnol, né à Baena (Córdoba) en 1930, est un des plus grands experts en droit canonique. Il a confié à ZENIT ses impressions du voyage du pape en Espagne, après ces deux jours passés à ses côtés.
ZENIT : A bord de l’avion, le Saint-Père a plaidé pour une rencontre entre la foi et la laïcité, que les médias ont plutôt interprétée comme un affrontement. Pensez-vous qu’après cette visite apostolique, la proposition de Benoît XVI sur les relations Eglise-Etat soit plus claire pour l’opinion publique ?
Cardinale Herranz : Il semblerait que les médias auxquels vous faites allusion interprètent n’importe quelle information ou fait portant sur les relations entre l’Eglise et l’Etat selon leur idéologie agnostique ou relativiste bien connue. Ceci, à mon avis, a conduit malheureusement les lecteurs à des attitudes agressives, à fomenter des ruptures, des affrontements, alors qu’en réalité, connaissant Benoît XVI, on perçoit chez lui une volonté constante de dialogue, de rencontre sereine et constructive.
En réalité, durant ce voyage, tout comme dans son voyage précédent au Royaume Uni et à tant d’autres occasions, Benoît XVI est revenu proposer, dans cet esprit évangélisateur qui le caractérise et sans faire de politique, un type de société où l’harmonie entre la foi et la raison serait la mesure du vrai humanisme, et où un sain concept de laïcité, qui respecte la dignité de la personne et ses droits inaliénables, dont la liberté religieuse, de culte et de conscience, permette de surmonter le fondamentalisme laïciste, hostile – pas seulement en Espagne et dans d’autres Nations européennes mais en d’autres pays du monde – à l’importance que le christianisme et la religion en général donne aux valeurs familiales, culturelles et sociales.
La volonté de Benoît XVI, quoiqu’il en soit, a été à chaque fois – en Espagne et ailleurs – entièrement positive et je dirais constructive, visant le dialogue et l’harmonie, et non la rupture ou l’affrontement, jamais ! une volonté de rencontre.
A la Sagrada Familia, le pape a confirmé la vision anthropologique chrétienne de la famille. Il s’agit d’une vision extrêmement positive et constructive, or beaucoup de médias l’ont interprétée comme une « attaque » au modèle de la société actuel. Pourquoi dans notre société, le message évangélique d’amour et de fidélité n’est-il pas perçu de manière positive ?
Je pense que c’est à la grande satisfaction de la majorité des familles espagnoles, qui constituent la société actuelle et reflètent le sentiment commun du peuple, que le pape a réaffirmé que seule l’union entre un homme et une femme, une union stable ouverte à la fécondité, peut être considérée un « vrai mariage » qui est la vraie base de la famille, institution naturelle et cellule fondamentale de la société.
Cette vision, qui est la vision chrétienne de l’amour humain et de la famille, coïncide pleinement avec la vision d’une correcte anthropologie, qui a inspiré par exemple le message, envoyé ces jours-ci par le président de la République italienne, au Forum des Familles.
Cette vision de l’amour humain et de la famille agace tous ceux qui s’inspirent de cette idéologie du relativisme et de l’agnosticisme, dont tant de médias subissent l’influence, cherchant en permanence à se mettre contre la société réelle, en imposant une philosophie contraire à la vision non seulement chrétienne, mais purement anthropologique du mariage et de la famille.
En réalité, c’est cette philosophie relativiste qui, en reniant les valeurs humaines et sociales fondamentales, attaque la société actuelle.
A Saint-Jacques-de-Compostelle, le pape a évoqué les racines chrétiennes de l’Europe dont le débat, à un niveau institutionnel, semble surmonté, et il a invité à ne pas avoir peur de Dieu. L’Eglise, a-t-il dit, est Dieu qui sert les hommes dans ses bras. Que recommanderiez-vous aux laïcs ou aux prêtres pour que le monde redécouvre l’Eglise comme une « étreinte de Dieu » à la lumière des paroles du Saint-Père ?
Tout d’abord d’aller à la rencontre de tous les hommes dans un esprit chrétien, c’est-à-dire en créant des ponts d’amitié, de compréhension, de confiance, pour leur offrir par la parole, mais pas seulement, par le témoignage de leur vie aussi, le trésor de l’Evangile. Ces jours-ci, le Saint-Père a parlé à maintes reprises du « trésor de l’Evangile ». Ainsi, nos amis découvriront et comprendront à nouveau, sous un nouvel éclairage, le vrai fondement du bonheur et de l’espérance, car le christianisme est ceci : l’étreinte de Dieu aux hommes, la rencontre avec la Vérité incarnée, avec le Christ qui révèle à l’homme non seulement le mystère de Dieu mais aussi le mystère de l’homme, la très haute dignité de sa nature et de son destin éternel.
Quel a été pour vous le moment le plus fort de ce voyage, vous qui étiez aux côtés du Saint-Père?
Je dirais que tous les moments m’ont frappé car, malgré son âge, je l’ai vu constamment penser, parler et agir avec cette même jeunesse mûre et permanente qui caractérise les amoureux de l’amour du Christ. Je dis cela, car c’est comme cela qu’il apparaît.
Si vous me demandez de relever un moment concret, je signalerais sa visite à l’Institut du Divin Enfant, géré par les sœurs franciscaines, où je l’ai vu particulièrement ému, profondément attendri par les paroles d’une enfant atteinte du syndrome de Down qui ont touché tout le monde. La fillette a dit : « Même si nous sommes différents, notre cœur aime comme tous les cœurs et nous voulons être aimés ». Elle a déclenché d’énormes applaudissements auxquels le Pape s’est joint car elle nous avait tous émus. Je pense qu’elle n’a pas ému que lui, mais tout le monde.
A cette occasion, le pape a rappelé que le matin même il avait consacré la magnifique basilique de la Sainte-Famille, ajoutant : « Chaque homme est un véritable sanctuaire de Dieu, et doit être traité avec le plus grand respect et la plus grande affection, surtout quand il se trouve dans le besoin ». De voir comment le pape en a profité pour défendre le sens divin et la merveille humaine que représente également toute vie humaine, même celle qui peut paraître pleine de limitations, a été pour moi le plus touchant.
Quelle est la phrase du pape qui reste imprimée dans votre cœur après ce voyage?
Il y en a eu plusieurs… J’ai été frappé par ce qu’a dit le pape quand, en citant l’exemple d’un chrétien exemplaire comme Antoni Gaudí, il nous a tous invités à dépasser cette séparation entre la conscience humaine et la conscience chrétienne, entre la beauté des choses et le Dieu qui est « beauté », autrement dit un appel à une unité de vie, l’unité de vie du chrétien, mais aussi celle de n’importe quel homme qui sache découvrir l’harmonie existante.
Cette phrase, à mon avis, reflète bien le magistère constant de Benoît XVI, pas seulement de ces jours-ci, mais tout son magistère en général : harmonie entre l’humain et le divin, entre la raison et la foi, entre la beauté de l’art et la beauté de Dieu. Cette unité de vie, il fait tout pour qu’elle se réalise dans la vie de chaque chrétien, pour qu’elle se transmette aussi à la société pour éviter justement ces heurts et chercher l’harmonie que le christianisme porte au monde.
Propos recueillis par Jesús Colina