Pakistan : Mobilisation pour sauver une chrétienne condamnée à mort

Radio Vatican a recueilli un témoignage sur place

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ROME, Dimanche 14 novembre 2010 (ZENIT.org) – Pour la première fois, une chrétienne, Asia Bibi, a été condamnée à mort pour blasphème au Pakistan. Radio Vatican joint sa voix à tous ceux qui se mobilisent pour la sauver et résume la situation dans un service disponible grâce à ce lien.

Dépêche de Radio Vatican en français et transcription d’une interview.

Retour sur les faits : Asia Bibi, 45 ans, est une mère de famille ; en juin 2009, des femmes musulmanes qui travaillaient avec elle l’ont accusée auprès d’un mollah d’avoir blasphémé contre Mahomet.

L’évêque auxiliaire de Lahore a demandé au Pape d’intervenir pour la sauver. Pour le prélat, cette sentence est un outrage à la dignité humaine et à la vérité. Dans un appel pressant, il invite Benoît XVI à prendre la parole « en faveur de cette innocente ». Mgr Shaw s’adresse par ailleurs à la communauté internationale pour l’exhorter à exercer des pressions sur le Pakistan. Il compte sur la mobilisation de l’opinion publique et de la société civile pour lutter contre le fanatisme religieux et les tensions intercommunautaires.

Jusqu’ici aucun condamné à mort pour blasphème n’a jamais été exécuté au Pakistan, mais cette nouvelle affaire rappelle le danger que représente celle législation, souvent exploitée à des fins personnelles, qui pénalise les minorités et encourage l’extrémisme islamiste. En juillet dernier, deux frères chrétiens, accusés d’avoir écrit un pamphlet critique pour le prophète Mahomet, avaient été tués devant un tribunal dans le Pendjab, où des centaines de manifestants réclamaient leur condamnation à mort.

Radio Vatican a joint une chrétienne dans cette même province du Pendjab. Elle témoigne sous anonymat, et pour cette raison, la radio du pape propose de lire la transcription de l’entretien qu’elle lui a accordé.

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Mme X – Ça c’est vraiment très très triste. Mais j’espère vraiment que ça ne se fera pas, qu’il va y avoir assez de réactions pour l’empêcher. Donc c’est sûr qu’il faudrait que ça réagisse un peu partout de l’extérieur, spécialement les pays étrangers qui ont souvent plus de pouvoir que nous sur place. Mais ce qui m’étonne, c’est que les journaux n’en parlent pas. Voyez, nous sommes ici au Pendjab et on n’a rien entendu.

RV – Alors est-ce que vous pensez que c’est une volonté du gouvernement d’étouffer cette affaire ?

Mme X – Je ne sais pas, je ne sais pas quoi dire. Je suis très étonnée, parce qu’en général, il y a une très forte réaction des chrétiens, et on n’a rien entendu.

RV – De plus en plus de voix s’élèvent dans les milieux chrétiens mais pas seulement, pour évoquer une situation difficile, très dangereuse pour les chrétiens, soulignant que les lois anti-blasphème sont de plus en plus invoquées contre les minorités et en particulier dans la province du Pendjab où vous vous trouvez.

Mme X – Oui, on entend des cas un peu partout au Pakistan et c’est vrai que les minorités sont de plus en plus menacées. Et ce n’est pas que les chrétiens, c’est les chiites, c’est les ahmadis : tous ceux qui ne sont pas de la ligne dure de l’islam. Et c’est vrai qu’il y a un vrai durcissement. Et en même temps, il y a toute une opinion qui parle de plus en plus contre. C’est-à-dire qu’ils prennent la défense des chrétiens, des chiites. Et ça c’est l’autre aspect. Il y a beaucoup de gens aussi qui n’ont pas peur de parler, de parler pour la justice, pour le droit. Et ça, c’est aussi, je pense, une réalité.

RV – Comment expliquez-vous que ces lois anti-blasphème ne soient pas abrogées ? Et comment le gouvernement aborde-t-il cette question, ce lourd dossier ?

Mme X – C’est très très très compliqué parce que c’est un sujet que le gouvernement lui-même ne peut pas aborder. Parce que ça touche tellement la personne du prophète, que même pour ceux qui sont tout à fait contre, c’est très difficile de pouvoir s’opposer. Parce qu’il y a toutes les questions religieuses, politiques des extrémistes. Les extrémistes sont là-dedans. Et puis dans la plupart de ces cas de blasphème, c’est des ennemis personnels, c’est une excuse. C’est-à-dire que si quelqu’un a quelque chose contre son voisin, si quelqu’un veut prendre le travail de quelqu’un, ou si quelqu’un veut prendre les champs de quelqu’un, il est sûr d’être écouté s’il parle de blasphème. C’est un fait parce que dans les histoires de blasphèmes, presque toujours ça a été pour avoir un avantage sur quelqu’un. Donc on se sert du côté religieux parce qu’on sait que personne ne s’y opposera. Mais en fait c’est ou des querelles personnelles, ou des injustices. Beaucoup sont contre cette loi sur le blasphème. Et puis l’Église le demande tout le temps, les gens honnêtes aussi, mais elle est très difficile à faire tomber.

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Il existe d’autres conséquences éloquentes de la discrimination dont les chrétiens sont victimes au Pakistan, fait observer Radio Vatican : après les inondations en septembre dernier, 20 000 familles chrétiennes déplacées ont été totalement abandonnées par le gouvernement et par les autorités locales, souvent corrompues.

Une situation dénoncée par le directeur des « Œuvres pontificales missionnaires » au Pakistan, dont les propos sont rapportés par l’Agence « Fides ». Pauvres parmi les plus pauvres, les chrétiens sont négligés et marginalisés surtout au Pendjab. « Caritas » Pakistan a lancé un appel aux donateurs du monde entier pour assurer la reconstruction des maisons des familles chrétiennes et pour bonifier les terres et pouvoir à nouveau y pratiquer de l’agriculture.

© Radio Vatican

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ZENIT Staff

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