ROME, Mardi 30 novembre 2010 (ZENIT.org).- Disciplines, cultures et religions différentes peuvent-elles dialoguer entre elles sur les questions que pose l’identité européenne ? Cette question était au cœur du congrès « Au-delà des identités. Sur la question des racines historiques, culturelles et religieuses de l’Europe », qui s’est tenu le 27 novembre à l’Université pontificale salésienne de Rome.
L’objectif de la rencontre était de mettre l’accent sur l’importance des héritages historiques, culturels et religieux de l’Europe pour combattre la dérive moderne « présentiste », qui tend à couper tout lien avec le passé et la mémoire et à donner une valeur absolue au caractère contemporain.
L’AIEMPR (Association internationale d’études médico-psychologiques et religieuses) qui organisait ce congrès, encourage depuis les années 50 la recherche et la réflexion dans des secteurs comme la psychanalyse, la psychologie, l’anthropologie et autres sciences humaines concernant leurs rapports avec la religion. L’association est formée d’un groupe de médecins, psychanalystes et humanistes européens et organise des rencontres périodiques et des congrès internationaux.
Pour mieux connaître les raisons et les finalités de la rencontre, ZENIT a interrogé un de ses organisateurs, le Dr. Salvatore Zipparri, psychologue, spécialisé en psychologie clinique et psychothérapie orientée vers la psychanalyse, professeur de psychologie clinique et de sociologie du développement en technique de la réhabilitation psychiatrique de l’Université catholique de Rome.
Zenit – Plus que jamais on parle d’une Europe laïque privée de ses racines judéo-chrétiennes, ce congrès a donc voulu démontrer exactement le contraire ?
S. Zipparri – Nier les racines judéo-chrétiennes de l’Europe est impossible. Non seulement celles-ci sont présentes dans l’histoire de l’art et de l’architecture, dans les symboles et les systèmes juridiques de tous les pays européens (comme d’ailleurs dans les paroles de tant d’hymnes nationaux), mais en plus, la pensée laïque, sans ces prémisses, serait impensable : on dit d’ailleurs que Voltaire, voire même Nietzsche, n’auraient jamais existé sans le christianisme.
Zenit – Votre congrès comptait redimensionner cette crainte de « l’Eurabie », dont parlait Oriana Fallaci?
S. Zipparri – Je crois que le dialogue interculturel et interreligieux (du moins entre les trois grandes religions monothéistes abrahamiques) est possible. L’Europe, précisément, avec son histoire et ses multiples traditions, me paraît particulièrement adaptée pour être un laboratoire idéal visant une telle ouverture anthropologique. Ceci ne contredit pas la clarté des principes judéo-chrétiens de l’Europe : parler d’intégralisme chrétien (voire même de fondamentalisme parfois), se révèle contradictoire en terme de contraste par rapport à l’esprit authentiquement « œcuménique » du message évangélique.
Zenit – Aujourd’hui le bouddhisme aussi, même si l’interprétation qu’on en fait est souvent fausse, fait du prosélytisme en occident. Ne pensez-vous qu’il s’agisse d’une alternative relativiste ?
S. Zipparri – L’Occident aujourd’hui « consomme » de tout et cette consommation finit par s’étendre aussi au phénomène religieux : en réalité, les occidentaux qui côtoient les philosophies orientales le font en partant de principes complètement différents de ceux des orientaux et dénaturent complètement leur signification profonde. Permettez-moi cette comparaison quelque peu prosaïque : je crois que les choses se passent un peu comme dans les restaurants chinois de nos villes où l’on consomme des mets qui n’ont rien à voir avec la vraie cuisine chinoise mais surtout on les consomme après la pizza de la veille et avant le bifteck du lendemain soir!
Zenit – New age, néo-paganisme, satanisme font leur chemin parmi les plus jeunes : votre rencontre a-t-elle permis de tracer une stratégie commune pour les endiguer?
S. Zipparri – Cette question reste en réalité un peu en-dehors des objectifs spécifiques de notre rencontre, mais on ne peut pas dire qu’elle ne figurait pas en toile de fond. Dans un livre que j’ai écrit il y a quelques années (« Au nom du Père et d’ Œdipe. Notes de psychanalyse et religion pour le nouveau millénaire », aux éditions Armando, 2000), je propose de considérer ces « nouvelles spiritualités » pas tellement comme un phénomène de déviation par rapport à la religion officielle, mais plutôt comme une distorsion de modèles psychothérapeutiques et psychanalytiques (dont Jung est le premier de tous). En collant à un scientisme réductif, la psychanalyse moderne risque de perdre le sens plus authentiquement « spirituel » de sa propre intervention. Par contre en récupérant sa dimension de départ elle peut arriver à fournir une réponse « élevée » et rigoureuse au besoin que cache cette demande confuse et contradictoire de quelque chose de « magique », offrant une vision anthropologique unitaire dans laquelle la science et la religion se révèlent bien plus intégrées.
Propos recueillis par Maurizio Tripi