Jane Adolphe
Traduction d’Hélène Ginabat
ROME, lundi 10 décembre 2012 (Zenit.org) – L’« orientation sexuelle » et « l’identité de genre » sont devenus l’objet d’une Résolution non contraignante du Conseil des droits de l’homme (CDH).
Jane Adolphe, professeur associée de droit à l’Ecole de droit Ave Maria, de Naples, en Floride, analyse ici le rapport, publié par le Haut commissariat aux droits de l’homme en novembre 2011, sur les « Lois et pratiques discriminatoires et actes de violence dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre ».
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Le Haut commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a terminé son rapport sur les « Lois et pratiques discriminatoires et actes de violence dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre » (A/HRC/19/41, 17 Novembre 2011) [ci-après « Le rapport »]. Le rapport de 25 pages et divisé en sept sections : introduction, normes et les obligations internationales en vigueur, violence, lois discriminatoires, pratiques discriminatoires; réponses émergentes, conclusions et recommandations.
Il ne propose aucune définition de « l’orientation sexuelle » (OS) et « l’identité de genre » (IG), mais dans une sorte de leurre, le mandat est modifié pour introduire un autre sujet à savoir les « nouveaux droits » se rapportant à des intérêts sexuels personnels d’un groupe de pression qui s’identifie comme lesbiennes, bisexuels, transgenres, et intersexués (LBGTI).
Le rapport surfe sur de nouvelles expressions : « homophobes », « transphobes », « minorités sexuelles », « homophobie d’État », « identité de genre hétéro-normatif », « perception de l’homosexualité » ou « perception de l’identité transgenre ». En outre, le terme « genre » couramment utilisé au niveau international pour parler de féminin et masculin, ou des femmes et des hommes, est redéfini, alors que ceux de « homophobes » et « transphobes » sont considérés comme étant des formes de violence sexiste (par. 20).
Le rapport fait valoir que l’application du droit international des droits de l’homme est guidé par les principes d’« universalité, d’égalité et de non-discrimination », mais il se contredit plus loin et affirme que la non-discrimination est un droit, pas un principe (par. 15). A l’appui de ces trois principes, ou deux principes et un droit, quel que soit le cas, le rapport cite l’art. 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), mais seulement en partie : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».
Sur ce point, le rapport omet de citer l’art. 1 de la DUDH dans son intégralité, ce qui marginalise les principales caractéristiques que nous partageons tous en tant qu’êtres humains et personnes humaines. Le rapport nie, en substance, l’existence d’une nature humaine universelle et cela met en cause le fondement même du système international des droits de l’homme.
Cinq arguments de base méritent d’être soulignés ici. Tout d’abord, la DUDH reconnaît « la dignité inhérente et. . . les droits égaux et inaliénables de tous les membres de la famille humaine » (pmbl. par. 1). Le principe de la dignité inhérente est clairement fondamental.
Deuxièmement, elle donne des caractéristiques essentielles de la personne humaine qui font que nous sommes les mêmes tout en nous distinguant des plantes et des autres créatures. L’art. 1 en entier dit ceci : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». En d’autres termes, chaque être humain, par le simple fait d’être humain, est une personne qui est, par nature, relationnelle et « douée de raison et de conscience », personnellement responsable de chercher la vérité et de répondre à l’appel intérieur à faire le bien.
Troisièmement, le terme « né » à l’art.1 est une référence à une « naissance morale », une « qualité morale plus profonde », qu’aucune personne humaine ni aucun corps politique ou social ne pourrait accorder (Morsink, 291-292). Cette interprétation est compatible avec le fait que les personnes humaines sont aussi différentes et qu’elles ne sont pas physiquement nées dans des circonstances identiques.
Quatrièmement, la DUDH reconnaît des droits à d’autres personnes et à la communauté, ainsi qu’une limitation des droits, « en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique » (art. 29).
Cinquièmement, la DUDH est le document fondateur du Pacte international relatif aux droits civils et politiques [PIDCP] et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels [PIDESC], qui, comme la DUDH, reconnaissent clairement que « ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine » (préambule par. 2, PIDCP), que les droits correspondent à des devoirs (préambule par. 5, PIDESC), et que les droits peuvent être limités par la loi (art. 4, PIDESC). En somme, ces trois documents, communément appelés Charte internationale des droits de l’homme, ne confèrent pas de droits, mais les reconnaissent simplement ; ils reconnaissent des droits et des devoirs ainsi que des limitations ; et ils fondent les droits et les devoirs dans la dignité humaine inhérente à la personne humaine, homme et femme, par nature doués de raison et de conscience.
Il faut exprimer clairement l’opposition aux arrestations et détentions arbitraires, aux exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, à la torture et à tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant sur tout membre de la famille humaine, sans qu’une liste soit nécessaire. Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne est protégé et il existe des interdictions contre la torture et les autres traitements inhumains, ou contre l’arrestation et la détention arbitraires : DUDH, art.3, 5, 9 ; PIDCP, art.6, 9, 10 : Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, art.1, 2, 4, 16. Toutefois, le rapport va beaucoup plus loin que de traiter des actes de violence : il s’emploie à singulariser un groupe auto-défini comme « LGBTI » par des protections spéciales (par. 34-36) et par la création de « nouveaux droits » (par exemple le droit au « mariage pour les personnes de même sexe »).
Le rapport reconnaît à juste titre que les termes d’« orientation sexuelle » ou d’« identité de genre » ou de « perception de l’homosexualité » ou d’« identité transgenre » ne sont pas protégés dans les catégories du droit international (par. 7, 8). Toutefois, il fait valoir à tort que ces catégories « découlent de différents instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme » (par. 8). Avec un tel argument, le Haut Commissariat outrepasse sa compétence en interprétant des catégories controversées comme s’il s’agissait d’accords internationaux sur les droits de l’homme juridiquement contraignants, dont les derniers interprètes sont les Etats parties concernés (cf. Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités [Convention de Vienne]). Cela n’aide pas le Commissariat des Nations Unies de citer des déclarations ou des rapports d’entités des Nations Unies qui ne sont pas produits par des représentants d’Etats souverains et n’ont pas été acceptés en tant que langue ou que principes convenus de représentants d’Etats souverains, et qui ne constituent pas le droit international.
Le rapport utilise le terme de « pratiques discriminatoires », dans le domaine des soins
de santé, de l’emploi, de l’éducation, de la famille, et ainsi de suite. Le rapport fait une distinction entre « l’impact discriminatoire direct » et « l’impact discriminatoire indirect », ce qui à son tour facilite une forme d’évaluation par l’Etat des comportements entre les citoyens privés (par. 50). En réponse à cela, la DUDH reconnaît la personne humaine, homme et femme, en notant l’« égalité des droits des hommes et des femmes » (préambule par. 5). Elle interdit la discrimination, par exemple, sur la base du sexe (art. 2). Cependant, on ne peut pas avancer pour déterminer si un acte donné est discriminatoire sans avoir d’abord une définition claire des termes, y compris de ce qui est la source des droits de l’homme, à savoir la dignité inhérente à la personne humaine dans l’art. 1 de la DUDH.
En outre, il faut distinguer les actes qui constituent une discrimination en prenant en considération les droits et les devoirs des autres (cf. la liberté d’expression, de conscience et de religion) et de la communauté (cf. DUDH, art. 29 : les droits peuvent être limités dans le but d’assurer la reconnaissance des droits d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général). Par exemple, les Etats et les sociétés qui promeuvent et protègent la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme respectent et accomplissent leurs obligations en droit international (cf. DUDH, art. 16, PIDCP, art. 23, ICESCR, art. 10). Ils ne sont pas engagés dans un comportement discriminatoire. De même, les Etats et les sociétés qui exigent des futurs époux, homme et femme, qu’ils aient atteint un certain âge avant de se marier et de consentir librement au mariage imposent des limitations de bon sens reconnues par le droit international (id.). Par ailleurs, il existe une pléthore de données étayant la thèse selon laquelle la famille naturelle est le meilleur endroit pour les enfants et non pas un danger pour eux, comme le rapport voudrait nous le faire croire (par. 21). En dernière analyse, le rapport ne fait pas grand-chose pour fournir une orientation et des directives concernant l’application du principe de non-discrimination d’une façon qui rendrait justice au principe de légalité et qui respecterait les traités, les lois et les résolutions existants, ainsi que les droits des communautés religieuses.
Le rapport repose en grande partie sur les recommandations des organes de suivi des traités. Les organes conventionnels ne sont pas des organes judiciaires. Leurs conclusions prennent la forme de recommandations non contraignantes visant à aider les Etats parties dans l’application de leurs obligations conventionnelles. Ces conclusions ne sont pas des jugements et ne font pas non plus jurisprudence et cela ne pourrait être le cas, puisque les membres des organes conventionnels ne sont pas tenus d’être des experts juridiques. Les organes conventionnels n’ont pas compétence pour redéfinir les termes utilisés dans les normes substantielles de leurs traités constitutifs, censés créer de nouveaux droits ou principes qui ne correspondent pas à la signification authentique et originale des traités. En particulier, les organes conventionnels ne peuvent pas imposer des obligations aux Etats parties qui n’ont pas été expressément contractées par ces Etats au moment de négocier et de ratifier le traité constitutif.
Les traités relatifs aux droits de l’homme doivent être interprétés conformément aux dispositions des art. 31 et 32 de la Convention de Vienne, qui reflètent le droit international coutumier. Les organes conventionnels doivent donc appliquer leurs instruments constitutifs de « bonne foi », conformément au « sens ordinaire » des termes du traité, et dans leur contexte et à la lumière de [son] objet et de [son] but ». Tous les instruments émis par une ou plusieurs parties, telles que des réserves et des déclarations interprétatives sont, aux fins de l’interprétation d’un traité, une partie de son « contexte » (Convention de Vienne, art. 31.2.a).
Par conséquent, les organismes des Nations Unies, les rapporteurs spéciaux ou les organes conventionnels ne devraient pas tenter d’appliquer les dispositions d’un traité de façon intensive ou créative, en violation des règles d’interprétation contenues dans la Convention de Vienne. Des tentatives faites par n’importe quel organe, en particulier, pour appliquer son acte constitutif d’une manière qui s’écarte de la signification originelle de cet instrument provoquerait un « changement fondamental des circonstances », au sens de l’art. 62 de la Convention de Vienne, et fournirait à un Etat partie des motifs pour dénoncer le traité en question.
Enfin, les réserves formulées par des Etats parties, quant à des accords internationaux relatifs aux droits de l’homme, excluent ou modifient les effets juridiques des dispositions du traité sur lequel porte la réserve. Conformément à l’art. 20 de la Convention de Vienne, seuls les Etats et les organes judiciaires peuvent apprécier la validité d’une réserve et, conformément aux règles d’interprétation, les réserves des Etats doivent être prises en considération.
(à suivre)
La première partie a été publiée par Zenit en français le 7 déembre dernier:
http://www.zenit.org/article-32781?l=french