Auschwitz : un voyage difficile mais nécessaire pour un prêtre

« Un prêtre se doit de venir à Auschwitz », explique le P. Patrick Desbois

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Le voyage d’Auschwitz est un voyage difficile mais nécessaire pour un prêtre : « un prêtre se doit de venir à Auschwitz », explique le P. Patrick Desbois, de retour d’un voyage exceptionnel à Auschwitz, avec des personnalités catholiques et juives, des évêques de France et d’Espagne.

Une délégation conduite par le cardinal André Vingt-Trois s’est en effet rendue au Camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, et a rencontré le cardinal Stanislas Dziwisz, archevêque de Cracovie, et des membres de l’épiscopat polonais au cours de ce voyage dont le P. Patrick Desbois livre quelques clefs aux lecteurs de Zenit dans cet entretien.

Le cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris, président de la Conférence des évêques de France, et le P. Patrick Desbois, président de l’association Yahad – In Unum, et directeur du Service national français pour les relations avec le Judaïsme ont été présents durant l’intégralité du séjour.

Etaient également présentes des personnalités de l’Eglise de France, dont 9 évêques, et des évêques de différents pays, comme Mgr Nasser Gemayel, de l’Éparchie de Notre-Dame du Liban des Maronites, visiteur apostolique des Maronites pour l’Europe septentrionale et occidentale, 2 évêques espagnols, Mgr Afolfo Gonzalez Montes, évêque d’Almeria, président de la Commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat, et Mgr Juan Antonio Martinez Camino, évêque auxiliaire de Madrid, Secrétaire général de la Conférence épiscopale espagnole, et le P. Manuel Barrios, directeur du secrétariat de la Commission épiscopale pour les Relations Interreligieuses de la Conférence épiscopale espagnole.

Et un invité de marque représentant du judaïsme: le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), M. Richard Prasquier.

Zenit – Pourquoi aller à Auschwitz ?

P. Patrick Desbois – Lors de sa visite du camp le 29 mai 2006, Benoît XVI a désigné Auschwitz comme un « lieu d’horreur, d’accumulation de crimes contre Dieu et contre l’homme, lieu qui est sans égal au cours de l’histoire ». C’est à Auschwitz que l’extermination des Juifs et des autres victimes de la barbarie nazie fut mise en œuvre de la façon la plus implacable et pendant le plus longtemps. Voir Auschwitz c’est mieux comprendre la singularité de la Shoah tant dans ses moyens que dans ses proportions.

Comment ?

Nous nous sommes attachés à suivre au cours de cette visite un trajet permettant de comprendre au mieux le processus d’extermination des juifs au camp d’Auschwitz – Birkenau. Nous avons eu à cœur de suivre les traces des victimes. A Cracovie nous nous sommes, par exemple, rendus au ghetto depuis Kazimierz, ancien quartier juif et aujourd’hui important centre culturel et religieux, en suivant le trajet des Juifs chassés de leurs maisons. A Auschwitz aussi, nous avons aussi suivi le « chemin des morts » en nous rendant sur des lieux historiques fondamentaux mais pourtant mal connus tels que le Bunker I à Birkenau localisé par l’historien italien Marcello Pezzetti. Commencer notre visite par la Judenramp fut aussi un symbole : Cette voie ferrée est la seule chose que 80 % des victimes virent du camp. Depuis elle, ils étaient conduits directement à la mort.

Pourquoi la mémoire de la Shoah concerne-t-elle les catholiques ?

 Depuis l’apaisement que représenta Vatican II, et des événements majeurs tels que la visite du pape à Jérusalem en 2000, les relations judéo-chrétiennes sont très fraternelles. Le Pontificat de Benoît XVI a confirmé cette tendance, elle est aujourd’hui une tradition. Juifs et Chrétiens peuvent ensemble œuvrer pour que les horreurs qui ont frappé le peuple juif ne soient jamais niées et que l’humanité n’en connaisse plus de semblables.

Est-ce important pour un prêtre, un évêque de faire le voyage à Auschwitz ?

Se confronter à l’horreur de ce lieu où les limites de la haine furent franchies est pour un prêtre comme pour tout homme une expérience importante. Mais ce lieu « construit pour la négation de la foi » selon les mots de Jean-Paul II, lorsqu’il célébra la Messe à Birkenau 7 juin 1979, est je crois, pour un prêtre, une expérience spirituelle difficile : celle de professer sa foi en Dieu malgré le constat d’un abaissement si violent de la dignité humaine. Cependant, en tant qu’homme ayant voué sa vie à l’Église, c’est-à-dire à une communauté marquée par une profonde compassion pour les victimes, un prêtre se doit de venir à Auschwitz pour se souvenir, faire silence et écouter le cri d’Abel.

Propos recueillis par Anita Bourdin

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ZENIT Staff

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