Messe de la nuit de Noël, 24 décembre 2020 © Vatican Media

Messe de la nuit de Noël, 24 décembre 2020 © Vatican Media

De l’Avent à l’aventure, par Mgr Follo

Méditations sur les lectures des 22, 24 et 25 décembre

Share this Entry

22 – 24 – 25 décembre 2024

Dieu s’est fait homme par amour pour nous. Si nous étions conscients de cet amour immense, nous pleurerions de joie.

 

        1) La nativité du Précurseur

Dans l’Evangile du dimanche 22 décembre 2012, entre autre, nous écoutons la demande d’Elisabeth à la Vierge Marie : « Comment m’est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi? » (Lc 1,43). Et pendant que la Mère de Jésus, le Sauveur, répondait à la salutation de la mère de Jean le Précurseur, Jean, exultant dans les entrailles de sa mère, saluait Jésus. Tous les deux n’apparaissaient pas dans la chair. Tous les deux étaient déjà source de joie. Le Christ était hôte dans les entrailles de Marie, heureuse de porter cette présence de Dieu, Jean était dans les entrailles d’Elisabeth, contente de ne plus être stérile. Comment ne pas appliquer au Précurseur les parole du prophète Jérémie : « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré; comme prophète des nations, je t’ai établi » (1, 5).

En effet, dès le début de la vie de Jésus   il y a Jean Baptiste qui joue le rôle de précurseur du Messie. Il faut garder à l’esprit que Jean, fils de Zacharie et d’Elisabeth, issus tous les deux de familles sacerdotales, n’est pas le dernier des prophètes, mais représente aussi tout le sacerdoce de l’Ancienne Alliance. Il prépare  donc les hommes au culte spirituel de la Nouvelle Alliance, inauguré par Jésus (cfr Benoit XVI, L’enfance de Jésus, pp 27-28).

La nativité du Précurseur nous invite à être les uns pour les autres signes de grâce et de salut, c’est à dire en indiquant le Christ comme l’Eternel qui a fleuri dans le temps  et en indiquant à tous  l’Agneau innocent qui enlève le péchés du monde, comme le fera le Baptiste à l’ âge adulte-

Ce qui est important de souligner est qu’Elisabeth et Marie sont des femmes heureuses parce qu’elles  sont devenues mères de saints. Dans sa vieillesse,  la stérile a enfanté Jean le Précurseur, la Vierge Marie a enfanté le Saint des saint, Jésus, qui signifie « Dieu sauve ». Marie est bénie entre toutes les femmes et toutes les femmes sont bénies en Elle. Avec cette bénédiction toutes les femmes peuvent être mères de saints.

Cette dernière affirmation est valable pour toutes les femmes, qu’elles  soient consacrées dans le mariage ou dans la vie virginale.

« La virginité et le célibat pour le Royaume de Dieu ne diminuent en rien la dignité du mariage, au contraire ils la présupposent et la confirment. Le mariage et la virginité sont les deux manières d’exprimer et de vivre l’unique mystère de l’Alliance de Dieu avec son peuple. Là où il n’y a pas d’estime pour le mariage, il ne peut pas y avoir non plus de virginité consacrée; là où l’on ne considère pas la sexualité humaine comme un grand don du Créateur, le fait d’y renoncer pour le Royaume des cieux perd son sens…En rendant le cœur de l’homme particulièrement libre «pour qu’il brûle davantage de l’amour de Dieu et de tous les hommes», la virginité atteste que le Royaume de Dieu et sa justice sont cette perle précieuse que l’on doit préférer à toute autre valeur, si grande qu’elle soit, et qu’il faut même rechercher comme l’unique valeur définitive. C’est pour cela, en raison du lien tout à fait singulier de ce charisme avec le Royaume de Dieu, que l’Eglise, tout au long de son histoire, a toujours défendu sa supériorité par rapport à celui du mariage.

Tout en ayant renoncé à la fécondité physique, la personne vierge devient féconde spirituellement, père et mère d’un grand nombre, coopérant à la réalisation de la famille suivant le dessein de Dieu.

Les époux chrétiens ont donc le droit d’attendre des personnes vierges le bon exemple et le témoignage d’une fidélité à leur vocation jusqu’à la mort. De même que pour les époux la fidélité peut devenir parfois difficile et exiger sacrifice, mortification et oubli de soi, ainsi peut-il en être également pour les personnes vierges. Leur fidélité, même dans l’épreuve, doit édifier celle des époux.» (Jean Paul II, Exhort. Ap. Familiaris consortio, nn 16-17).

 

 

2) La Nativité du Sauveur

Dans  la nuit du 24 au 25 décembre, nous célébrons la naissance de Jésus Christ. Et nous en sommes profondément heureux. Non seulement  parce que c’est la fête du Fils de Marie, mais parce que c’est aussi notre fête, nous les fils de Marie, auxquels il est permis de rencontrer le Fils de Dieu, Notre Frère. Si une  vraie rencontre  change la vie, la rencontre avec Dieu change la vie et la renouvelle en plus. Les bergers nous en donnent l’exemple :

La nuit où Jésus naquit, l’ange apparut aux bergers de la région de Bethléem et dit: Ne craignez point; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie: c’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur (Lc 2, 10-12).

Et quand les bergers arrivèrent dans la Grotte, ils se mirent à genou et adorèrent le Mystère de l’Amour de Dieu fait chair. Ces pauvres hommes restèrent en silence devant Dieu et mirent leur espoir en Lui. Il mirent leur confiance dans le Seigneur, et reçurent la joie de Dieu leur sauveur, et les désirs de leur cœur furent exaucés (cfr Ps 36 (37), 2-3.7).

Avec les chants, les paroles angéliques, et avec la lumière resplendissant dans le ciel. Dieu n’a pas seulement invité les bergers, mais il les a attirés dans la grotte, là où le Fils, Jésus est né. Ces pauvres gens se déplacèrent et virent quelque chose de merveilleux : le corps d’un enfant qui rayonnait l’Eternelle Vérité et Beauté: “La vérité quand elle s’exprime, devient amour et l’amour quand il fleurit devient beauté” (P. Pavel Florenskij).

Nous devrions vivre devant Dieu comme les bergers. Dans la nuit illuminée par les anges, le ciel exultait de joie, mais quand ils ont vu Jésus, le Fils de Dieu, ils ont vu un enfant déposé dans une crèche, dans une pauvre grotte. « Tout le ciel se réjouissait, mais il exultait par cette humilité sans limites d’un Dieu qui s’était dépouillé de tout pour tout donner aux hommes qu’Il aimait. Je crois qu’il serait opportun de rester devant l’enfant Jésus,  pour apprendre  comment on vit, pour apprendre comment on aime. Que le Seigneur nous donne une humilité vraie, que le Seigneur nous fasse comprendre que il n’y pas d’autre chemin pour arriver à Lui que de se dépouiller toujours plus, de tout afin que Lui seul demeure avec nous »(Divo Barsotti) : pour que nous puissions l’accueillir comme il est : le Verbe de la Vie, la Parole que se fait chair, l’Amour qui se manifeste dans sa beauté.

La Nativité  du Christ,  né pauvre, n’est pas un conte, ni une fable touchante. C’est l’annonce d’un fait, d’une présence perturbante mais heureuse. Cette  » pauvreté » de Dieu est bouleversante. Ce qui est aussi bouleversant est le fait que des bergers, pauvres, et des Rois Mages riches, soient allés dans une grotte et se soient  mis à genou devant un enfant pauvre, déposé dans une pauvre crèche. 

Qu’est-ce que les a poussés à quitter la tranquillité de leur berceau ou de leur palais royal? Leur nature humaine ? Je ne pense pas. C’est la grâce leur donna l’audace d’entreprendre le chemin indiqué par la lumière des anges pour les bergers et par celle d’une étoile pour les Rois Mages.

 

        3) Pourquoi Jésus a-t-Il choisi Bethléem et non Nazareth ou Jérusalem ou Rome ?

Pourquoi est-ce que Jésus voulut naitre dans une grotte, et pas  seulement une petite ville, la plus petite de Judée, pour naitre et pour faire apparaître la bonté de Dieu et son amour pour les hommes (cfr Tt 3.4) ?

La réponse à la  deuxième question est assez facile : L’Evangile dit : « Parce que il n’y avait pas de place pour eux (Joseph et Marie) à l’hôtellerie ». Je ne pense pas trahir l’enseignement théologique si j’écris que Jésus est encore en train de chercher un hébergement dans notre coeur et dans le coeur de l’entière humanité. Entre autres, il ne faut pas oublier que Dieu ne s’impose jamais, il se propose, donc il se révèle dans l’humilité, il se révèle dans la pauvreté, il se révèle dans la simplicité de la vie de tous les jours. Et il vint dans la nuit parce qu’Il est, Lui, la lumière qui éclaire les ténèbres de notre cœur.

Pour répondre à la question « pourquoi Bethléem? »  je m’inspire du prophète Michée et de  Saint Thomas d’Aquin.

Dans la première lecture du IVème dimanche de l’Avent (23 novembre 2012) le récit pris du livre du prophète Michée annonce que le « libérateur » d’Israël sortira de Bethléem, mais que « ses origines viennent de l’antiquité, des jours  les plus éloignés ». Dès que « Dieu mettra son peuple dans les mains du pouvoir des autres», Il interviendra pour le libérer. Çela se passera « quand celle qui doit enfanter, enfantera ». Bethleem, petite et sombre ville de Judée, est le terrain fertile où l’œuvre divine germe et se développe. La même caractéristique de « petitesse » si chère au Fils de Dieu, se transfère à sa Mère qu’Il a regardée en admirant son humilité grâce à laquelle la Vierge Marie est heureuse d’être à Son service.

Dans la Somme Théologique Saint Thomas d’Aquin répond  de cette façon :

« Le Christ a voulu naître dans Bethléem pour deux raisons. 

Tout d’abord, parce que, comme il est écrit dans Romains 1,3, « Il a été fait … de la semence de David selon la chair ». Par conséquent, pour tenir la promesse faite à David, le Christ a voulu naître à Bethléem, où David était né. L’Évangéliste le signale en disant: « Parce qu’il était de la maison et de la famille de David ». 

En second lieu, parce que, comme Saint Grégoire le dit (Hom. VIII in Evang.): « Bethléem est interprété «la maison de pain et c’est le Christ Lui-même qui a dit: «Je suis le Pain vivant qui est descendu du ciel . » (Summa Teologica, III, q. 35, a. 7).

Le grand Saint-Thomas continue.

« David naquit à Bethléem, mais il choisit  Jérusalem pour y mettre en place son trône, et y construire le Temple de Dieu , et faire de Jérusalem à la fois une ville royale et sacerdotale.  Le sacerdoce du Christ et son règne furent mis en œuvre avec sa  passion. Voilà pourquoi, il choisit Bethléem comme lieu de naissance et Jérusalem pour Sa Passion.

De cette façon, il a voulu confondre la gloire des hommes qui se vantaient d’être nés dans d’ illustres villes où voulaient être honorés.

Le Christ  a voulu «fleurir» par la sainteté de la vie et non pas pour sa naissance charnelle. Par conséquent, il a voulu être nourri et être éduqué à Nazareth. A Bethléem, il a voulu naître en  » étranger »  comme  disait Saint Grégoire (Hom.VIII in Evang.) : Pour l’ humanité, il naquit pour ainsi dire, dans un lieu étranger – se conformant aux hommes, pas dans la puissance mais dans la nature »

Comme on lit dans un sermon du Conseil de Ephèse (P. III, cap. IX): ‘Si le Christ avait choisi la grande ville de Rome, la ville la plus puissante, on aurait pu penser qu’Il aurait changé le monde par le pouvoir de ses concitoyens. S’il avait été le fils de l’Empereur, sa réussite aurait été attribuée au pouvoir impérial.

Mais pour montrer que le monde serait transformé par Sa divinité, le Christ a choisi une mère pauvre et une patrie encore plus pauvre. Comme Saint Paul affirme : « Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les forts » (1 Cor 1,27). Donc pour mieux manifester sa puissance, il établit à Rome, capitale du monde, le centre de son Eglise, comme signe de complète victoire, afin que, de là, la foi se diffuse sur toute la terre, selon la prophétie d’Isaie : » il humiliera la ville sublime et les pieds des pauvres la piétineront. Par « pauvres », il faut comprendre les pauvres du Christ, c’est à dire les pieds des Apôtres Pierre et Paul » (Ibid).

Il vient. Et avec Lui qui vient, la joie vient. Si tu le veux, Il est près de toi. Même si tu ne le veux pas, il est près de toi. Il te parle si tu ne lui parles pas. Si tu ne l’aimes pas, Il t’ aime encore plus. Si tu te perds, il vient te chercher. Si tu ne peux pas marcher, Il te porte et te sauve: c’est pour cela qu’il est né : pour vivre avec nous une aventure humaine et nous donner la vie dans toute sa plénitude.

Prière extraite d’un hymne (VII et VIII chapitre) De St. Ephrem le Syrien, un des plus grands écrivains du V siècle. Il fut l’ami d’Ambroise de Milan. A relire avec patience et à méditer. Laisser les réflexions d’ un Grand Chrétien susciter dans votre cœur la stupéfaction, la joie, la merveille  suscitée   par  ce qu’ il a fait  à travers Marie et en Marie pour venir nous réconforter et ouvrir nos cœurs à l’ espérance :

« Seigneur Jésus Christ,

Ta mère est source d’étonnement :

Le Seigneur vint en Elle pour se faire Serviteur ;

Celui qui est la Parole vint en Elle et Il est devenu silencieux;

Lui, le Tonnerre qui secoue la forêt est entré  en Elle et Il est né dans le silence de la nuit ;

Le Pasteur  de tous entra en Elle et voici l’Agneau né qui enlève le péché de tout le monde.

Ta mère a renversé l’ordre des choses :

Celui qui créa toutes choses 

Est entré dans sa propriété mais il en ressortit en pauvre ;

Le Très-Haut est entré en Elle, mais il en sortit humble ;

La splendeur est entrée en Elle mais elle en sortie revêtue de faible lumière.

Le Puissant est entré et assumé l’insécurité et la crainte ;

Celui qui nourrit toutes choses est entré et a ressenti la faim ;

Celui qui étanche la soif de tous est entré en elle et a ressenti la soif ;

Nu et dépouillé : Il sort d’elle, Celui qui revêt toute chose »

Lecture Patristique

Saint Augustin d’Hippone (354 – 430)
SERMON CXVII.

LE VERBE DE DIEU

ANALYSE. – Pour acheter le Verbe de Dieu, il faut se donner soi-même; mais en se donnant on s’acquiert, car le Verbe est la forme suprême qui répare et perfectionne quiconque s’attache à lui. En vain les Ariens contestent son éternité et son égalité avec son Père. Le témoignage de l’Ecriture ne leur suffit pas? Si toutefois ils veulent découvrir dans la nature des images de l’éternité et de l’égalité du Verbe avec Dieu, quoique ces comparaisons ne soient pas des preuves, on peut leur en montrer. La lumière du feu n’est-elle pas aussi ancienne que le feu? Si le feu était éternel, la lumière qu’il produit ne serait-elle pas également éternelle? Un fils n’est-il pas de même nature que son père et homme aussi bien que lui? Mais au lieu de chercher si curieusement à scruter ces profonds mystères, purifiez l’oeil du coeur, profitez des abaissements et de l’incarnation du Verbe; soyez humbles à son exemple et il vous élèvera jusqu’a lui.

1. Le passage évangélique qu’on vient de lire, mes très-chers frères, a besoin pour être compris que l’oeil du coeur soit bien pur. Nous venons de voir en effet Jésus-Christ Notre-Seigneur et dans sa divinité, créateur de tout l’univers, et dans son. humanité, restaurateur de la nature déchue. L’Evangéliste Jean nous a montré ce spectacle. L’Evangile même nous a fait connaître l’étonnante grandeur de cet historien, et la dignité du serviteur nous indique de quelle valeur est le Verbe qu’il a fait connaître, ou plutôt combien ce Verbe est hors de prix, puisqu’il l’emporte sur tout. Ce qu’on achète vaut exactement le prix qu’on en donne, vaut plus ou vaut moins. Quand cela vaut le prix, il y égalité entre l’objet et le prix; si l’objet vaut moins, il est au dessous du prix, et au dessus s’il vaut davantage. Mais rien ne saurait égaler le Verbe de Dieu, ni être au dessus (486) ni être au dessous de lui comme valeur. Tout sans doute est au dessous de lui, puisque «tout a été fait par lui;» mais rien ne saurait en être le prix même inférieur. Et toutefois, si l’on peut parler ainsi, si la raison ou l’habitude permettent de s’exprimer de la sorte, le prix à donner pour acheter le Verbe est l’acheteur lui-même, et en se donnant à lui il s’enrichit. Voulons-nous acheter quelque chose? Nous cherchons ce que nous pourrons donner en échange de ce que nous désirons, et ce que nous donnons alors est hors de nous; s’il est dans nos mains nous nous en dessaisissons pour prendre en retour ce que nous achetons. Ainsi, quel que soit le prix d’achat, il faut le céder pour obtenir ce qu’on a en vue; on ne se cède pas pourtant soi-même, mais on acquiert l’objet qu’on paie. Quant au Verbe, il ne faut pas, pour se le procurer, chercher hors de soi, il faut se donner soi-même, et en se donnant on ne se perd pas comme on perd le prix d’une autre acquisition.

2. Ainsi le Verbe de Dieu s’offre à tous; l’achète qui le peut, et on le peut avec une volonté pieuse. Dans lui en effet, se trouve la paix, et cette paix passe sur la terre aux hommes de bonne volonté (Lc 2,14). Afin donc de se le procurer, il faut se donner, chacun en est comme le prix. Mais peut-on employer cette expression, quand en se donnant pour acquérir le Verbe on ne se perd pas, quand au contraire on se gagne en s’abandonnant à lui? Et que lui donne-t-on en se donnant? – On ne lui donne point quelque chose qui lui soit étranger, on lui rend pour le refaire ce que lui-même a fait, car «tout a été fait par lui.» Si en effet il a fait tout, il a fait sans aucun doute l’homme comme le reste. Si c’est à lui que doivent l’existence et le ciel, et la terre, et la mer, et tout ce qu’ils renferment, et toutes les créatures enfin; n’est-il pas plus manifeste encore qu’il est l’auteur de l’homme, fait par lui à l’image de Dieu.

3. En ce moment, mes frères, nous ne cherchons pas à expliquer comment peuvent s’entendre ces mots: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.» On peut les entendre dans le silence de la méditation, les paroles humaines n’en sauraient donner l’intelligence. C’est du Verbe de Dieu qu’il est ici question et nous voulons dire ce qui empêche de le connaître. Remaquez, nous n’entreprenons pas de le faire comprendre, nous exposons ce qui empêche d’en avoir une idée parfaitement juste.

C’est que ce Verbe est une forme, mais une forme qui n’est pas formée, et qui au contraire a formé tout ce qui l’est; formé immuable où il n’y a ni déchet, ni déclin, qui n’est astreinte ni au temps ni au lieu, qui domine tout et qui est partout, qui sert à la fois de fondement pour tout appuyer et de faîte pour tout couronner. Dire que tout est en lui, ce n’est pas une erreur; car ce Verbe est appelé la Sagesse de Dieu, et il est écrit: «Vous avez tout fait dans votre Sagesse (Ps 103,24).» Ainsi tout est en lui, et pourtant, parce qu’il est Dieu, tout est au dessous de lui. Ce qu’on vient de lire est incompréhensible, et si on l’a lu, ce n’était pas pour le faire comprendre à l’esprit humain, mais pour lui inspirer le regret de ne le comprendre pas, pour lui faire découvrir ce qui lui en ôte l’intelligence, pour le porter à écarter ces obstacles et à soupirer après la connaissance de ce Verbe immuable en changeant lui-même de mal en bien. Le Verbe en effet ne profite ni ne gagne à être connu, il reste toujours le même; le même si on s’approche de lui et le même si on reste près de lui; le même si on s’en éloigne et le même si on y revient, et en restant toujours le même il renouvelle tout. C’est ainsi qu’il est la forme de tout; mais forme incréée, indépendante, comme nous l’avons dit, et du temps et de l’espace. En effet ce qui est dans un lieu quelconque y est nécessairement circonscrit. Une forme circonscrite a des limites, des limites qui la prennent à son origine et la conduisent à son terme. De plus, ce qui est contenu dans un lieu, ce qui a un volume et une étendue quelconque, est moindre dans l’une de ses parties que dans son tout. Fasse le ciel que vous me compreniez!

4. A la vue des corps qui sont sous nos yeux, que nous touchons et au milieu desquels nous vivons, nous pouvons constater chaque jour que chacun d’eux, quelle qu’en soit la forme, occupe localement une place. Or tout ce qui occupe une place est moindre dans l’une de ses parties que dans son tout. Une partie du corps humain comme le bras, est sûrement moindre que tout le corps. Mais si le bras est moindre, il occupe un moindre espace. Ainsi la tête, autre partie du corps, occupe également un espace moindre parce quelle n’a pas autant de volume que tout le corps. Ainsi en est-il de tous les objets (487) contenus dans un lieu, ils sont moindres dans une de leurs parties que dans leur tout. Mais ne nous figurons, n’estimons rien de pareil dans le Verbe de Dieu; ne consultons point les impressions de la chair pour nous représenter les choses spirituelles. Ce Verbe divin, ce grand Dieu n’est pas moindre dans l’urne de ses parties que dans son tout.

5. Tu ne saurais te représenter cette propriété divine, et il y a plus de piété à ne pas la comprendre qu’à présumer d’en avoir l’intelligence. Souviens-toi que nous parlons de Dieu, car il est dit: «Le Verbe était Dieu.» Nous parlons de Dieu; est-il donc étonnant que tu ne comprennes pas? Si tu comprenais, ce ne serait pas Dieu. Avoue donc pieusement ton ignorance, plutôt que de prétendre témérairement avoir l’intelligence. Atteindre Dieu tant soi peu est un grand bonheur, le comprendre est chose absolument impossible.

Dieu est à l’esprit ce que le corps est aux yeux; on connaît Dieu comme on voit le corps. Crois-tu l’oeil capable de pénétrer tout ce qu’il voit? Tu te tromperais étrangement; tu ne vois aucun objet tout entier. Voir un homme en face, est-ce le voir en même temps par derrière? et le voir par derrière, est-ce en même temps le voir en face? A proprement parler tu ne comprends donc pas ce que tu vois, et si la mémoire ne conservait en toi le souvenir du côté que tu as vu, tu ne pourrais, en regardant d’un autre côté, dire que tu comprends quoi que ce soit, d’une manière même superficielle. Pour voir une chose, tu la manies, tu la tournes et la retournes; ou bien tu tournes toi-même pour la considérer sous toutes ses faces. Tu ne saurais donc d’un seul coup d’oeil la voir tout entière. En la tournant tu en vois les différentes parties et pour te persuader que tu l’as vue tout entière il faut te rappeler que tu les as vues l’une après l’autre. Ce n’est donc pas l’oeil, c’est la mémoire qui agit surtout ici.

Que ne peut-on alors, mes frères, dire du Verbe de Dieu? Des corps exposés à nos regards nous disons que la vue ne saurait les pénétrer tout entiers; comment donc l’oeil du coeur pourrait-il comprendre Dieu? C’est assez- pour lui, s’il est pur, de l’atteindre, et l’atteindre c’est en quelque façon le toucher d’une manière toute spirituelle, mais sans le comprendre; et encore la pureté est-elle requise. Or le bonheur de l’homme consiste à atteindre ainsi par le coeur ce qui est toujours heureux, ce qui est l’éternelle béatitude, ce qui est la vie, ce qui, est la sagesse parfaite, et pour l’homme la source de la sagesse; ce qui est l’éternelle lumière, et pour l’homme le foyer de toute lumière. Remarque donc comment ce tact invisible te transforme sans altérer l’Être mystérieux que tu atteins; en d’autres termes comment Dieu ne gagne rien à être connu, et comment tu profites en le contemplant.

Nous avons dit, il est vrai, que nous payons Dieu, mais ne nous figurons pas, mes très-chers frères, que nous l’enrichissons. Que lui donnons-nous qui puisse ajouter à son être? N’est-il pas le même si tu t’éloignes de lui, et le même si tu t’en rapproches? S’il désire qu’on le contemple, n’est-ce pas pour faire le bonheur de ceux qui le regardent et pour frapper d’aveuglement ceux qui se détournent? Car l’aveuglement est la première vengeance, le commencement des peines qu’il inflige à l’âme qui se détache de lui. N’est-ce pas tomber dans l’aveuglement que de s’éloigner de la lumière véritable, c’est-à-dire de Dieu? Cette peine n’est pas sensible, elle n’en est pas moins réelle.

6. Aussi, mes très-chers frères, sachons que sans parler de sa naissance temporelle, c’est d’une naissance toute spirituelle, qui le met à l’abri de toute altération et de tout changement, que le Verbe de Dieu est né de son Père. Mais comment persuader à certains infidèles qu’il n’y a rien de contraire à la vérité dans cette doctrine catholique que combattent les Ariens, infatigables ennemis de l’Eglise de Dieu? Les hommes charnels ne croient-ils pas plus facilement ce qu’ils voient?

On a donc osé dire: Le Père est plus grand et plus ancien que: le Fils; le Fils est inférieur au Père et moins ancien que lui. Et voici comme on raisonne: Si le Fils est né, évidemment le Père existait avant lui.

Soyez attentifs: que Dieu nous vienne en aide; implorez son secours par vos prières et par votre pieuse application à recueillir ce que lui-même nous donnera, nous inspirera pour vous; qu’il nous aide à expliquer de quelque manière le mystère que nous avons entrepris d’exposer. Je l’avoue cependant, mes frères, si je n’y réussis pas, attribuons-en la faute, non pas à la raison, mais à l’homme. Priez donc, je vous en conjure, je vous en supplie; touchez la miséricorde divine et qu’elle nous mette sur les lèvres les paroles qu’il est nécessaire, à vous d’entendre, et à nous de prononcer.

 

 

 

Share this Entry

Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel