La Première Université d’été franciscaine organisée en France aura lieu à Brive, du 10 au 14 juillet 2014, sur le thème : « La crise, les crises… un nouveau monde en train de naître ? ».
Par les intervenants, Olivier Lemire, pèlerin d’Assise, qui témoigne de « la douceur franciscaine » : « il me semble que les valeurs d’humilité, de simplicité, d’engagement, et au final d’amour prônées par les franciscains gagneraient à pénétrer de nombreuses problématiques de la société ».
Il témoigne aux lecteurs de Zenit de son parcours de « marcheur », sur « de nouveaux chemins, qui sont autant de questions » et du pèlerinage comme « parenthèse dans le monde moderne ».
Zenit – Vous animez celuiquimarche.com. Quelle est cette démarche et en quoi est-elle proche du monde franciscain ?
Olivier Lemire – Mon premier livre, sorti en 2009, s’appelait « celui qui marche ». Il était exclusivement composé de photos des lignes de fuite que représentent pour le marcheur tous les chemins qui filent vers l’horizon, de la sente au milieu des fleurs en passant par le long ruban de goudron des nationales en passant par les traces des tracteurs dans les champs de colza. Tous ces chemins étaient en fait des itinéraires inédits de plusieurs centaines de kilomètres tracés d’autorité entre des lieux-dits dont le nom me fascinait : « la Vie » (Creuse) et « la Mort » (Doubs), « l’Ombre » (Drôme) et « la Lumière » (Var), ou encore « La Haine » (Belgique) et « l’Amour » (Allier). Ma principale motivation était de vivre dehors et d’être en marche mais, malgré la dimension spirituelle évidente des itinéraires que j’avais inventés, la question de Dieu ne m’intéressait guère à l’époque. Lors d’un voyage ultérieur vers « le Bonheur » (Gard), je me suis fait claquer la porte de l’unique maison habitée de « la Foi », un minuscule hameau de Mayenne que j’avais mis sur mon chemin vers « le Bonheur ». Quand on m’a proposé de faire un pèlerinage vers Assise quelques temps plus tard, je m’en suis souvenu, ainsi que d’une phrase que j’avais entendue – Jésus est le chemin -, et j’ai pensé que cette voie-là restait à explorer. François d’Assise me paraissait de toute façon un personnage bien plus intéressant que saint Jacques. J’étais bien davantage intéressé par l’itinéraire personnel du Poverello, d’une vie facile et légère à la simplicité de la vie franciscaine, que par la dimension de martyr du saint de Compostelle. J’ai revu les 11 fioretti de Rossellini et j’y ai vu Francesco marcher sous la pluie. Sans doute cette dimension ambulatoire du saint a-t-elle trouvé écho en celui qui avait déjà parcouru 5000 km à pied en France !
Pensez-vous que les chrétiens et non-chrétiens pourraient proposer ensemble des actions communes pour des solutions aux crises ?
Vous m’interrogez-là sur un chemin sur lequel je ne suis pas spécialiste, pas plus que je n’ai d’avis sur ce que vous appelez les « solutions aux crises ». Je suis d’abord un marcheur qui expérimente des itinéraires. En tant qu’homme d’expérience, je ne peux donc parler que des seuls effets du chemin sur ma vie d’homme. En revanche, pour avoir gouté à ce que l’on appelle, je crois, la « douceur franciscaine », il me semble que les valeurs d’humilité, de simplicité, d’engagement, et au final d’amour prônées par les franciscains gagneraient à pénétrer de nombreuses problématiques de la société. Mais vous posez la question à un marcheur… Un marcheur, me semble-t-il, n’a pas de certitudes. Il expérimente plutôt de nouveaux chemins, qui sont autant de questions.
Les chrétiens ont-ils cependant une approche spécifique ?
En travaillant occasionnellement pour le quotidien « la Croix », j’ai pu constater que le regard de la rédaction était différent des autres journaux. Alors oui, les chrétiens ont sans doute une approche spécifique, fondée sur la compréhension, l’humilité, le respect et l’amour. Cela dit, il m’arrive aussi en refermant le journal de me dire : « oui, et alors ? », comme si l’actualité et la complexité du monde exigeaient aussi des avis plus tranchés, plus concrets, moins consensuels, voire plus violents. Pendant les deux mois et demi de voyage vers Assise, j’ai pu profiter de l’hospitalité chrétienne et franciscaine. Avec le recul, cette période me parait être une parenthèse dans le monde moderne, parenthèse avec laquelle je suis à la fois dans un désir d’harmonie et dans un rapport de lutte, comme en témoigne le film qui sera diffusé à l’université franciscaine. L’approche spécifique que vous évoquez, pour moi, a surtout eu des conséquences sur la perception de ma vie intime. Je trouve que c’est déjà très bien.
Quelle est l’histoire de votre pèlerinage sur les pas de saint François ?
Sur proposition du quotidien « La Croix », j’ai suivi durant l’été 2012 le chemin qui relie Vézelay, la première implantation franciscaine en France et Assise, la ville du Poverello. Ce voyage a fait l’objet d’un reportage hebdomadaire dans la Croix tout au long de l’été 2012, puis de la sortie d’un livre, « Chemin d’Assise, l’aventure intérieure ». Cet itinéraire géographique, humain et spirituel de 1500 kilomètres m’a rapproché de la famille franciscaine, dont j’ignorais tout avant de me lancer dans l’aventure. Aussi, quand Nicolas Morin, directeur des Editions franciscaines qui coéditent le livre avec Bayard m’a proposé de venir à la première université d’été franciscaine, j’ai tout de suite dit oui. J’y participerai en tant que pèlerin d’Assise.