Il y a un lien entre la « théophanie », l’apparition de Dieu, « et le cycle de la vie, le temps de l’histoire, la seigneurie de Dieu sur le monde créé. Et cet aspect a précisément à voir avec la vieillesse », a affirmé le pape François en commentant le livre de l’Apocalypse.
Au cours de sa 17e catéchèse sur le thème de la vieillesse, ce mercredi 17 août 2022, dans la Salle Paul VI, le pape François s’est inspiré de l’image biblique, reprise dans le livre de l’Apocalypse, selon laquelle Dieu est représenté comme un « vieillard » avec une « chevelure immaculée », « symbole ancien d’un temps très long, d’un passé immémorial, d’une existence éternelle ».
L’éternité de Dieu est « ancienne et nouvelle, a expliqué le pape, parce que Dieu nous surprend toujours par sa nouveauté, il vient toujours à notre rencontre, chaque jour d’une manière particulière, pour ce moment-là, pour nous. Il se renouvelle toujours : Dieu est éternel, il est depuis toujours, nous pouvons dire qu’il y a comme une vieillesse en Dieu, il n’est pas vieux, mais il est éternel, il se renouvelle ».
Le pape a également évoqué « le vieillard Siméon » qui a pris dans ses bras Jésus lors de sa Présentation au Temple : ce geste de Siméon est « la plus belle icône de la vocation particulière de la vieillesse », a-t-il déclaré. Pour François, les personnes âgées doivent « accomplir ce geste » « avant de prendre congé » parce que « le cœur, le plus central » de leur vocation consiste à « donner un témoignage d’humanité et de foi ».
Voici notre traduction de la catéchèse en italien (Texte complet)
Chers frères et sœurs, bonjour !
Les paroles du songe de Daniel, que nous avons entendues, évoquent une vision de Dieu mystérieuse et en même temps resplendissante. Elle est reprise au début du livre de l’Apocalypse et se réfère à Jésus ressuscité, qui apparaît au voyant comme Messie, prêtre et roi, éternel, omniscient et immutable (1, 12-15). Il pose la main sur l’épaule du voyant et le rassure : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles » (v. 17-18). Ainsi, la dernière barrière de la crainte et de l’angoisse, que la théophanie a toujours suscitée, disparaît : le Vivant nous rassure, nous donne une sécurité. Lui aussi est mort, mais il occupe maintenant la place qui lui est destinée : celle du Premier et du Dernier.
Dans cet enchevêtrement de symboles – il y a de nombreux symboles ici – il y a un aspect qui nous aide peut-être à mieux comprendre le lien de cette théophanie, cette apparition de Dieu, avec le cycle de la vie, le temps de l’histoire, la seigneurie de Dieu pour le monde créé. Et cet aspect a précisément à voir avec la vieillesse. Quel est le rapport ? Regardons !
La vision communique une impression de vigueur et de force, de noblesse, de beauté et de fascination. Le vêtement, les yeux, la voix, les pieds, tout est splendide dans cette vision : il s’agit d’une vision ! Mais ses cheveux sont blancs : comme la laine, comme la neige. Comme ceux d’une personne âgée. Le terme biblique le plus courant pour indiquer la personne âgée est « zaqen » : de « zaqan », qui signifie « barbe ». La chevelure immaculée est le symbole ancien d’un temps très long, d’un passé immémorial, d’une existence éternelle. Il ne faut pas tout démythifier avec les enfants : l’image d’un Dieu vieillard avec une chevelure immaculée n’est pas un symbole ridicule, c’est une image biblique, c’est une image noble et même une image tendre. La figure qui, dans l’Apocalypse, se tient entre les candélabres d’or se superpose à celle du « Vieillard » de la prophétie de Daniel. Il est vieux comme l’humanité tout entière, mais davantage encore. Il est ancien et nouveau comme l’éternité de Dieu. Parce que l’éternité de Dieu est ainsi, ancienne et nouvelle, parce que Dieu nous surprend toujours par sa nouveauté, il vient toujours à notre rencontre, chaque jour d’une manière particulière, pour ce moment-là, pour nous. Il se renouvelle toujours : Dieu est éternel, il est depuis toujours, nous pouvons dire qu’il y a comme une vieillesse en Dieu, il n’est pas vieux, mais il est éternel, il se renouvelle.
Dans les Eglises orientales, la fête de la Rencontre avec le Seigneur, qui est célébrée le 2 février, est l’une des douze grandes fêtes de l’année liturgique. Elle met en avant la rencontre de Jésus avec le vieux Siméon au temple, elle met en avant la rencontre entre l’humanité, représentée par les vieillards Siméon et Anne, et le Christ Seigneur enfant, le Fils éternel de Dieu fait homme. On peut en admirer une très belle icône à Rome, dans les mosaïques de Sainte-Marie-du-Trastévère.
La liturgie byzantine prie avec Siméon : « Celui-ci est celui qui est né de la Vierge : il est le Verbe, Dieu né de Dieu, Celui qui pour nous s’est incarné et a sauvé l’homme ». Et elle poursuit : « Que s’ouvre aujourd’hui la porte du ciel : le Verbe éternel du Père, ayant assumé un principe temporel, sans sortir de sa divinité, est présenté selon sa volonté au temple de la Loi par la Vierge Marie et le vieillard le prend entre ses bras ». Ces paroles expriment la profession de foi des quatre premiers Conciles œcuméniques, qui sont sacrés pour toutes les Eglises. Mais le geste de Siméon est également la plus belle icône de la vocation particulière de la vieillesse : présenter les enfants qui viennent au monde comme un don ininterrompu de Dieu, sachant que l’un d’eux est le Fils engendré dans l’intimité même de Dieu, avant tous les siècles.
La vieillesse, qui s’achemine vers un monde où pourra enfin irradier sans obstacles l’amour que Dieu a mis dans la création, doit accomplir ce geste de Siméon et Anne, avant de prendre congé. La vieillesse doit rendre témoignage – ceci est pour moi le cœur, le plus central de la vieillesse – la vieillesse doit rendre témoignage aux enfants de leur bénédiction : elle consiste à les initier – c’est beau et difficile – au mystère d’une destination à la vie que personne ne peut anéantir. Pas même la mort. Donner un témoignage de foi devant un enfant, c’est semer cette vie ; et donner un témoignage d’humanité et de foi, c’est la vocation des personnes âgées. Donner aux enfants la réalité qu’elles ont vécue comme un témoignage, passer le témoin. Nous autres, les personnes âgées, nous sommes appelés à cela, à passer le témoin, pour qu’ils avancent avec.
Le témoignage des personnes âgées est crédible pour les enfants : les jeunes et les adultes ne sont pas en mesure d’en donner un aussi authentique, aussi tendre, aussi poignant, que ce que peuvent faire les personnes âgées, les grands-parents. Quand la personne âgée bénit la vie qui vient à elle, en déposant tout ressentiment à l’égard de la vie qui s’en a, elle est irrésistible. Elle n’est pas amère parce que le temps passe et qu’elle va s’en aller, non. Elle est avec cette joie du bon vin, du vin qui est devenu bon avec les années. Le témoignage des personnes âgées unit les âges de la vie et les dimensions mêmes du temps : passé, présent et futur, parce qu’elles ne sont pas seulement la mémoire, elles sont le présent et également la promesse. C’est douloureux – et dommageable – de voir que l’on conçoit les âges de la vie comme des mondes séparés, en compétition entre eux, qui cherchent à vivre chacun aux dépends de l’autre : cela ne va pas. L’humanité est ancienne, très ancienne, si nous regardons le temps de la montre. Mais le Fils de Dieu, qui est né d’une femme, est le Premier et le Dernier de tous les temps. Cela veut dire que personne ne tombe en dehors de son éternelle génération, en dehors de sa force splendide, en dehors de sa proximité aimante.
L’alliance – et je dis alliance – l’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Là où les enfants, là où les jeunes parlent avec les personnes âgées, il y a un avenir ; si ce dialogue n’existe pas entre les personnes âgées et les jeunes, l’avenir n’est pas clair. L’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Pourrions-nous, s’il vous plaît, rendre aux enfants, qui doivent apprendre à naître, le tendre témoignage des personnes âgées qui possèdent la sagesse de la mort ? Cette humanité qui, avec tous ses progrès, nous semble un adolescent né hier, pourra-t-elle retrouver la grâce d’une vieillesse qui tient fermement l’horizon de notre destination ? La mort est certainement un passage de la vie difficile, pour nous tous : c’est un passage difficile. Nous devons tous y aller, mais ce n’est pas facile. Mais la mort est également le passage qui ferme le temps de l’incertitude et se débarrasse de la montre : c’est difficile parce que c’est cela le passage de la mort. Parce que ce qui est beau de la vie, qui n’a plus d’échéance, commence alors vraiment. Mais cela commence à partir de la sagesse de cet homme et de cette femme, âgés, qui sont capables de passer le témoin aux jeunes. Pensons au dialogue, à l’alliance des personnes âgées et des enfants, des personnes âgées avec les jeunes, et faisons en sorte que ce lien ne soit pas rompu. Que les personnes âgées aient la joie de parler, de s’exprimer avec les jeunes et que les jeunes cherchent les personnes âgées pour recevoir d’elles la sagesse de la vie.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat