« L’attention pastorale et la reconnaissance du mariage gay sont deux choses différentes », affirme le cardinal Erdő, rapporteur général de l’assemblée ordinaire du synode des évêques d’octobre 2015.
L’instrument de travail (Instrumentum Laboris) de la XIVe Assemblée générale ordinaire du synode des évêques sur le thème : “La vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain” (4-25 octobre 2015), a été présenté ce mardi matin, 23 juin, au Vatican.
Les intervenants étaient le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du synode des évêques ; le cardinal Péter Erdő, archevêque d’Esztergom-Budapest (Hongrie) ; et Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasto (Italie), secrétaire général de l’assemblée.
Le cardinal Erdő a présenté la première partie du document, intitulée « A l’écoute des défis sur la famille » : rédigée à partir des réflexions envoyées par les Conférences épiscopales répondant au questionnaire du document préparatoire, elle se divise en quatre chapitres.
Répondant ensuite aux questions des journalistes, il a précisé que « l’attention pastorale et la reconnaissance du mariage gay sont deux choses différentes et cela est aussi exprimé dans le document final de la dernière assemblée synodale, dont un extrait cite les documents précédents de l’Église catholique à ce sujet ». De même l’Instrumentum laboris emploie l’expression « attention pastorale ».
Difficultés anthropologiques et culturelles
Le premier chapitre, a-t-il expliqué, « parle de la famille dans le contexte anthropologique et culturel » actuel, prenant acte du fait que « seule une minorité vit et propose l’enseignement de l’Église catholique sur le mariage et la famille ».
S’il existe « une différence entre la reconnaissance théorique d’un idéal et sa réalisation », il note que « jusqu’à il y a quelques dizaines d’années, la reconnaissance théorique du mariage était quasi générale. Mais récemment les mariages, même civils, ont diminué et le nombre des séparations et des divorces a augmenté ».
Cela est dû notamment à « l’accentuation exagérée des droits individuels sans tenir compte de l’aspect communautaire de l’être humain », produisant « un individualisme qui met au centre la satisfaction des désirs et qui ne conduit pas à la pleine réalisation de la personne ». Le fait « que beaucoup aient peur d’assumer des engagements définitifs » semble être « une des manifestations de cet individualisme », souligne le document.
Il note aussi que « la faiblesse des liens sociaux rend difficile le mariage et l’éducation des enfants. Le couple se voit souvent seul sans liens d’amitié et de parenté et se sent incapable d’affronter la responsabilité de l’éducation », dans une société où l’on cultive la « confusion » sur « les concepts de mariage, famille et paternité » qui sont « vidés de leur contenu ».
En outre, « la séparation entre sexualité et procréation et l’individualisme général contribuent fortement à la dénatalité croissante », a fait observer le cardinal. En même temps se développe « la tendance à concevoir la génération d’un enfant comme un instrument pour l’affirmation de soi, à obtenir quel que soit le moyen. Une telle vision considère les enfants comme moyens et ne respecte pas leur dignité personnelle ».
Rapport entre la vie familiale et la réalité économique
« Le second chapitre parle de la famille dans le contexte socio-économique », a poursuivi le cardinal Erdö : « L’Instrumentum plaide pour des politiques familiales adaptées, car la famille n’est pas une réalité seulement privée ». Il recommande aussi « de redistribuer les ressources et rééquilibrer les effets négatifs de l’inégalité ou de l’injustice sociale ».
« Les politiques économiques irréfléchies mettent à risque les relations à l’intérieur de la famille », qui confrontée au chômage, à la pauvreté, etc, « ne peut plus prendre en charge les enfants, les malades, les seniors », a mis en garde le cardinal.
Il y a en effet « un rapport strict » entre « la vie familiale et la réalité économique » : l’Instrument de travail évoque donc « les salaires insuffisants, le manque de travail digne et de sécurité de l’emploi, le problème du trafic de personnes humaines et de l’esclavage ».
Le cardinal a dénoncé « l’iniquité économique », c’est-à-dire « de graves injustices qui peuvent être appelées “structures de péché” » : parmi elles, « l’incertitude existentielle des personnes et le fonctionnement de l’économie qui détruit l’environnement ».
Par ailleurs, « la vision mercantiliste de toute l’activité économique a tendance à considérer l’être humain comme un chiffre, une “force productrice”, en ne tenant pas compte des besoins élémentaires de la personne humaine ».
Inclusion, affectivité, soin pastoral
Le troisième chapitre est intitulé “Famille et inclusion” : « Le mot “inclusion”parle des personnes âgées, du défi du veuvage, des personnes en phase terminale de leur vie terrestre, des personnes handicapées, des problèmes provenant de la migration, du rôle spécial des femmes et des enfants », a expliqué le cardinal.
« Tout cela fait partie intégrante de la famille. La maladie et la mort appartiennent aussi à la vie, et les diverses générations s’enrichissent mutuellement. Tous rendent les familles source de croissance humaine », a-t-il précisé.
Le quatrième chapitre « souligne le rôle de la famille dans la formation de l’affectivité », évoquant « les défis et problèmes de la révolution biotechnologique et de la possibilité de rendre indépendants la génération de la relation sexuelle entre homme et femme ».
« On perçoit la tendance à considérer la vie humaine et l’engendrement comme réalités sujettes aux désirs des individus ou des couples », ce qui a « de profondes répercutions dans les relations et les législations », a souligné le cardinal.
Dans l’Église, « la réponse pastorale doit prêter beaucoup d’attention à la formation des jeunes au mariage et à l’accompagnement des couples après le mariage ». Ce qui amène aussi la question du soin pastoral de ceux qui sont mariés civilement ou qui cohabitent, évoquée dans la troisième partie du document.
Cette troisième partie aborde aussi « la simplification des procédures dans les cas de nullité matrimoniale », pour laquelle une majorité d’évêques sont en faveur de l’abandon « de la double sentence conforme, en gardant la possibilité d’appel de la part du défenseur du lien ou de l’une des parties », a précisé le cardinal.
Si le risque peut être « la superficialité du tribunal de premier niveau », il peut être réduit « grâce à une surveillance du travail des tribunaux », une insistance sur « le sérieux du rôle du défenseur du lien », ainsi que « l’obligation du défenseur du lien de faire appel dans certains types de cas même s’il n’a pas personnellement d’objections spéciales ».
« Un accord s’est également dégagé sur la possibilité d’un procès canonique sommaire dans les cas de nullité patente du mariage », constate le cardinal. Enfin, « l’importance de la foi personnelle des époux pour la validité du consensus matrimonial » a été mise en évidence.