Le pape François demande pardon aux populations autochtones, « pas seulement pour les offenses de l’Eglise ».
Lors de la conclusion de la Rencontre des mouvements populaires du monde, en présence du président bolivien Evo Morales, ce jeudi 9 juillet, au palais des expositions de Santa Cruz de la Sierra, le pape François a aussi proposé trois tâches importantes pour « ce moment historique ». Texte intégral ici.
Le pardon du pape François
Un des moments fort de ce discours est le passage où, mettant ses pas dans ceux de saint Jean-Paul II, le pape François a demandé pardon : « Je demande humblement un pardon, non seulement pour les offenses de l’Église même, mais pour les crimes contre les peuples autochtones durant ce que l’on appelle la conquête de l’Amérique ».
Mais en même temps, le pape a rappelé les saints évêques, prêtres, religieux qui ont apporté l’Evangile avec douceur : « Je demande aussi à vous tous, croyants et non croyants, de vous souvenir de tant d’Évêques, prêtres et laïques qui ont annoncé et annoncent la bonne nouvelle de Jésus avec courage et douceur, respect et dans la paix ; qui sur leur passage en cette vie ont laissé des œuvres émouvantes de promotion humaine et d’amour, souvent auprès des peuples indigènes ou en accompagnant les mouvements populaires de ceux-ci, y compris jusqu’au martyre. »
Le pape n’a pas manqué de rappeler que d’autres baptisés ont aussi défendu au prix de leur vie les populations autochtones – dont des jésuites – : « Et avec cette demande de pardon, et pour être justes, je veux aussi que nous nous souvenions les prêtres, les évêques, qui se sont opposé avec force à la logique de l’épée par la force de la croix. Il y a eu péché, il y a eu péché, et avec abondance, mais on n’a pas demandé pardon, c’est pourquoi nous demandons pardon. Mais là où il y a eu péché, où il y a eu péché en abondance, la grâce aussi a surabondé, à travers ces hommes qui ont défendu la justice des peuples autochtones. »
Puis il a rectifié : « J’ai dit évêques, prêtres et laïcs, mais je ne veux pas oublier les petites sœurs qui, de façon anonyme, portent nos quartiers pauvres, en y apportant un message de paix et de justice qui sur leur passage en cette vie ont laissé des œuvres émouvantes de promotion humaine et d’amour, souvent auprès des peuples indigènes ou en accompagnant les mouvements populaires de ceux-ci, y compris jusqu’au martyre. »
« L’Église, ses fils et ses filles, font partie de l’identité des peuples latino-américains, a affirmé le pape. Une identité qu’ici comme dans d’autres pays certains pouvoirs s’évertuent à effacer, peut-être parce que notre foi est révolutionnaire, parce que notre foi défie la tyrannie de l’idole argent. » Il a dénoncé les martyrs d’aujourd’hui.
Génocide en marche
Hier, le pape a rendu hommage à un martyr de la dictature, le jésuite Luis Espinal, assassiné le 21 mars 1980, manifestant une nouvelle fois son souci de la mémoire des martyrs d’Amérique latine. Aujourd’hui, il a dénoncé et demandé de dénoncer le martyre – un « génocide en marche » – des chrétiens d’Orient : « Aujourd’hui nous voyons avec frayeur comment beaucoup de nos frères au Moyen-Orient et en d’autres endroits du monde sont persécutés, torturés, assassinés pour leur foi en Jésus. Cela, nous devons aussi le dénoncer : en cette troisième guerre mondiale fragmentée que nous vivons, il y a une espèce de génocide en marche qui doit cesser. »
Marie comme modèle
« Commençons par reconnaître que nous avons besoin d’un changement », a expliqué le pape. Puis il a reconnu : « Vous êtes des semeurs de changement » : « Disons-le sans peur : nous voulons un changement, un changement réel, un changement de structures. » Il a ajouté cet appel à la responsabilité : « J’ose vous dire que l’avenir de l’humanité est, dans une grande mesure, dans vos mains. »
Il a proposé cette alternative : « Il est indispensable que, avec la revendication de leurs droits légitimes, les peuples et leurs organisations sociales construisent une alternative humaine à la globalisation qui exclut. Vous êtes des semeurs de changement. Que Dieu vous donne courage, joie, persévérance et passion pour continuer à semer. »
Le pape a indiqué la Vierge Marie comme modèle : « Marie est signe d’espérance pour les peuples qui souffrent les douleurs de l’enfantement jusqu’à ce que germe la justice. Je prie la Vierge du Carmel, patronne de la Bolivie, afin qu’elle permette que notre rencontre soit ferment de changement. »
Pas de recette
« Que le cri des exclus soit entendu en Amérique Latine et par toute la terre », a souhaité le pape, en rappelant les droits sacrés des « 3 T » : travail, toit, terre.
Il a dénoncé les « nouvelles colonisations ». « Notre foi défie la tyrannie du dieu argent » a insisté le pape.
Le pape a souligné en même temps qu’il n’y a pas de recette et que l’Eglise n’a pas le « monopole » : « Dans ce sens, n’attendez pas de ce Pape une recette. Ni le Pape ni l’Église n’ont le monopole de l’interprétation de la réalité sociale ni le monopole de proposition de solutions aux problèmes contemporains. »
Il a ajouté : « La globalisation de l’espérance (…) doit substituer cette globalisation de l’exclusion et de l’indifférence ! »
Les trois propositions du pape
Il a fait cette proposition : « Je voudrais, enfin, que nous pensions ensemble quelques tâches importantes pour ce moment historique. »
« La première tâche, a indiqué le pape, est de mettre l’économie au service des peuples. Disons NON à une économie d’exclusion et d’injustice où l’argent règne au lieu de servir. Cette économie tue. Cette économie exclut. Cette économie détruit la Mère Terre. »
« La deuxième tâche est d’unir nos peuples sur le chemin de la paix et de la justice (…). Disons NON aux vieilles et nouvelles formes de colonialisme. Disons OUI à la rencontre entre les peuples et les cultures. Bienheureux les artisans de paix », a déclaré le pape.
Ecologie intégrale
Troisième point : «le pape a brisé une lance pour la cause écologique, dans le sillage de Laudato Si’ : « La troisième tâche, peut-être la plus importante que nous devons assumer aujourd’hui est de défendre la Mère Terre. La maison commune de nous tous est pillée, dévastée, bafouée impunément. La lâcheté dans sa défense est un grave péché. »
« On est en train de châtier la terre, les peuples et les personnes de façon presque sauvage », a dénoncé le pape. Il parle avec un père de l’Eglise de « fumier du diable ».
Dernier point du discours du pape, une invitation à l’action : « L’avenir de l’humanité n’est pas uniquement entre les mains des grands dirigeants, des grandes puissances et des élites. »