Messe pour la Birmanie, capture @ Vatican Media

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Birmanie: « Le courage de l’amitié, de l’amour, de la fraternité » (texte complet)

Messe pour la paix

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Le pape François invite les Birmans à « avoir le courage de vivre des liens d’amitié, d’amour, de fraternité ».

Le pape François s’est adressé aux catholiques de Birmanie (Myanmar), lors d’une messe présidée à Saint-Pierre pour cette nation, ce dimanche 16 mai 2021, à 10h, à Saint-Pierre, fête de l’Ascension à Rome.

Le pape était entouré de quelque 150 personnes, en majorité des Birmans résidant à Rome.

« Chers frères et sœurs, je veux porter aujourd’hui sur l’Autel du Seigneur les souffrances de votre peuple et prier avec vous pour que Dieu convertisse les cœurs de tous à la paix », a dit le pape.

« Gardez la foi, gardez l’unité, gardez la vérité »: c’est la triple exhortation du pape François qui a conclu: « Que la prière de Jésus nous aide à garder la foi même dans les moments difficiles, à être constructeurs d’unité, à risquer notre vie pour la vérité de l’Evangile. S’il vous plaît ne perdez pas l’espérance : Jésus prie aujourd’hui encore le Père, il fait voir au Père, dans sa prière, les plaies par lesquelles il a payé notre salut ; par cette prière, Jésus prie et intercède pour nous tous, afin qu’il nous protège du malin et qu’il nous libère du pouvoir du mal. »

Au terme de la célébration, le père Bosco Mung Sawng a remercié le pape François pour sa sollicitude pour sa nation: son voyage en 2017 sou le signe de l’amour et de la paix, ses appels à la paix et au dialogue depuis le coup d’Etat de février dernier, cette messe, à laquelle participent des Birmans présents à Rome, mais aussi, par Internet des Birmans de la diaspora et du pays.

Il a spécialement rappelé les paroles du pape François faisant allusion à soeur Ann agenouillée devant les forces de l’ordre.

Lors de l’audience générale du 17 mars dernier, en effet, le pape a évoqué la religieuse qui s’est interposée entre la police et les manifestants et dont les photos ont fait le tour du  monde : « Une fois encore et avec une grande tristesse, je ressens l’urgence d’évoquer la situation dramatique au Myanmar, où tant de personnes, en particulier des jeunes, perdent la vie pour offrir l’espérance à leur pays. Je m’agenouille moi aussi dans les rues du Myanmar et je dis: que la violence cesse! Moi aussi, j’ouvre les bras et je dis: que prévale le dialogue! Le sang ne résout rien. »

Le dimanche 28 février, soeur  Ann Nu Thawng,  religieuse de l’ordre de Saint-François-Xavier à Myitkyina, dans le Nord de la Birmanie, s’est agenouillée et elle a imploré les policiers de s’arrêter, rapporte Radio Vatican: « Au nom de Dieu, épargnez ces jeunes vies. Prenez la mienne. »

Lors du Regina Coeli du 2 mai, le pape François a encouragé une initiative de l’Eglise en Birmanie, invitant à prier un « Je vous salue Marie » par jour pour le pays, durant le mois de mai: « Ce mois-ci, nous demandons à notre Mère céleste de parler au cœur de tous les responsables au Myanmar, afin qu’ils trouvent le courage de marcher sur le chemin de la rencontre, de la réconciliation et de la paix. »

Le pape s’est lui-même rendu en Birmanie en 2017, a rappelé le p. Bosco Mung Sawng. Il a multiplié les appels depuis le coup d’Etat du 1er février dernier, qui a ramené au pouvoir l’armée birmane, instaurant une dure répression des protestations populaires et de l’Eglise.

Des religieuses ont ensuite offert différents cadeaux au pape François, dont un tableau représentant la paix en Birmanie, un album de photos et un livre.

Le marathon mondial de prière du mois de mai pour demander la fin de la pandémie fera halte en Birmanie le 24 mai 2021, au sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes de Nyaunglebin à Rangoun.

Et l’intention de prière sera: pour ceux qui sont engagés dans des « services essentiels ».

Voici la traduction officielle de l’homélie du pape François.

AB

Messe pour la Birmanie, capture @ Vatican Media

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Homélie du pape François

Dans les dernières heures de sa vie, Jésus prie. Au moment douloureux de la séparation d’avec ses disciples et du monde, Jésus prie pour ses amis. Alors que dans son cœur et dans sa chair il porte tout le péché du monde, Jésus continue à nous aimer et prie pour nous. De la prière de Jésus, nous apprenons, nous aussi, à traverser les moments dramatiques et douloureux de la vie. Arrêtons-nous en particulier sur un verbe avec lequel Jésus prie le Père : garder. Chers frères et sœurs, alors que votre bien-aimé pays, le Myanmar, est marqué par la violence, le conflit, la répression, nous nous demandons : que sommes-nous appelés à garder ?

En premier lieu, garder la foi. Nous devons garder la foi pour ne pas succomber à la douleur et ne pas tomber dans la résignation de ceux qui ne voient plus d’issue. En effet, avant les paroles, l’Évangile nous fait contempler une attitude de Jésus : l’Évangéliste dit qu’il priait « les yeux levés au ciel » (Jn 17, 1). Ce sont les dernières heures de sa vie, il sent le poids de l’angoisse de la passion qui s’approche, il ressent l’obscurité de la nuit qui est sur le point de s’abattre sur lui, il se sent trahi et abandonné; mais justement à ce moment-là, même à ce moment-là, Jésus lève les yeux au ciel. Il lève les yeux vers Dieu. Il ne baisse pas la tête face au mal, il ne se laisse pas écraser par la douleur, il ne se replie pas dans l’amertume de ceux qui sont vaincus et déçus, mais il regarde en haut. Il l’avait aussi recommandé aux siens : lorsque Jérusalem sera envahie par les armées, et que les peuples seront dans l’inquiétude et fuiront, et qu’il y aura la peur et la dévastation, alors « redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche » (Lc 21, 28). Garder la foi, c’est garder le regard levé vers le ciel pendant que sur la terre l’on combat et l’on répand le sang innocent. C’est ne pas céder à la logique de la haine et de la vengeance, mais rester le regard tourné vers ce Dieu d’amour qui nous appelle à être des frères entre nous.

La prière nous ouvre à la confiance en Dieu même dans les moments difficiles, elle nous aide à espérer contre toutes les évidences, elle nous soutient dans la bataille quotidienne. Elle n’est pas une fuite, ni un moyen pour échapper aux problèmes. Au contraire, elle est l’unique arme dont nous disposons pour garder l’amour et l’espérance au milieu de tant d’armes qui sèment la mort. Il n’est pas facile de lever les yeux quand nous sommes dans la douleur, mais la foi nous aide à vaincre la tentation de nous replier sur nous-mêmes ! Peut-être voudrions-nous protester, crier également notre souffrance à Dieu : nous ne devons pas avoir peur, même cela aussi est prière. Une vieille dame disait à ses petits-enfants : “Même s’énerver contre Dieu peut être une prière”; la sagesse des justes et des simples, qui savent lever les yeux dans les moments difficiles… A certains moments, c’est une prière que Dieu accueille plus que les autres parce qu’elle naît d’un cœur blessé, et le Seigneur écoute toujours le cri de son peuple et essuie ses larmes. Chers frères et sœurs, ne cessez pas de regarder en haut. Gardez la foi !

Un second aspect de garder: garder l’unité. Jésus prie le Père pour qu’il garde les siens dans l’unité. Pour qu’ils soient « un » (Jn 17, 21), une seule famille où règnent l’amour et la fraternité. Il connaissait le cœur de ses disciples ; il les avait vus quelquefois discuter sur qui devait être le plus grand, qui devait commander. C’est une maladie mortelle : la division. Nous l’expérimentons dans notre cœur parce que nous sommes souvent divisés aussi en nous-mêmes ; nous l’expérimentons dans les familles, dans les communautés, entre les peuples, même dans l’Eglise. Les péchés contre l’unité sont nombreux : les envies, les jalousies, la recherche d’intérêts personnels plutôt que du bien de tous, les jugements contre les autres. Et ces petits conflits qui existent entre nous se reflètent ensuite dans les grands conflits, comme celui que vit votre pays en ces jours-ci. Quand les intérêts partisans, la soif de profit et de pouvoir prennent le dessus, des affrontements et des divisions éclatent toujours. La dernière recommandation que Jésus fait avant sa Pâque est l’unité. Parce que la division vient du diable qui est le diviseur, le grand menteur qui divise toujours.

Nous sommes appelés à garder l’unité, à prendre au sérieux cette importante supplication de Jésus au Père : être un, former une famille, avoir le courage de vivre des liens d’amitié, d’amour, de fraternité. Combien il y a besoin, surtout aujourd’hui, de fraternité ! Je sais que certaines situations politiques et sociales vous dépassent, mais l’engagement pour la paix et la fraternité naît toujours d’en bas : chacun, à son niveau, peut faire sa part. Chacun peut s’engager à être, à son niveau, un constructeur de fraternité, à être semeur de fraternité, à travailler à reconstruire ce qui s’est brisé au lieu d’alimenter la violence. Nous sommes appelés à le faire, également en tant qu’Eglise : promouvons le dialogue, le respect de l’autre, la protection du frère, la communion ! Et ne laissons pas entrer dans l’Église la logique des partis, la logique qui divise, la logique qui met chacun de nous au centre, en écartant les autres. Cela détruit : détruit la famille, détruit l’Eglise, détruit la société, détruit nous-mêmes.

Enfin, la troisième chose, garder la vérité. Jésus demande au Père de consacrer dans la vérité ses disciples qui sont envoyés à travers le monde pour poursuivre sa mission. Garder la vérité ne signifie pas défendre des idées, devenir gardiens d’un système de doctrines et de dogmes, mais rester liés au Christ et être consacrés à son Evangile. La vérité, dans le langage de l’apôtre Jean, c’est le Christ lui-même, révélation de l’amour du Père. Jésus prie pour que, vivant dans le monde, les disciples ne suivent pas les critères de ce monde. Qu’ils ne se laissent pas fasciner par les idoles, mais qu’ils gardent l’amitié avec lui ; qu’ils ne plient pas l’Evangile aux logiques humaines et mondaines, mais qu’ils gardent intact son message. Garder la vérité signifie être prophètes dans toutes les situations de la vie, c’est-à-dire être consacrés à l’Evangile et en devenir des témoins même au prix d’aller à contre-courant. Parfois, nous chrétiens, nous cherchons des compromis, mais l’Evangile nous demande d’être dans la vérité et pour la vérité, en donnant notre vie pour les autres. Et là où il y a guerre, violence, haine, être fidèles à l’Evangile et artisans de paix signifie s’engager, également à travers les choix sociaux et politiques, en risquant notre vie. Ce n’est qu’ainsi que les choses peuvent changer. Le Seigneur n’a pas besoin de personnes tièdes : il nous veut consacrés dans la vérité et dans la beauté de l’Evangile, pour que nous puissions témoigner de la joie du Royaume de Dieu même dans la nuit sombre de la douleur et quand le mal semble plus fort.

Chers frères et sœurs, je veux porter aujourd’hui sur l’Autel du Seigneur les souffrances de votre peuple et prier avec vous pour que Dieu convertisse les cœurs de tous à la paix. Que la prière de Jésus nous aide à garder la foi même dans les moments difficiles, à être constructeurs d’unité, à risquer notre vie pour la vérité de l’Evangile. S’il vous plaît ne perdez pas l’espérance : Jésus prie aujourd’hui encore le Père, il fait voir au Père, dans sa prière, les plaies par lesquelles il a payé notre salut ; par cette prière, Jésus prie et intercède pour nous tous, afin qu’il nous protège du malin et qu’il nous libère du pouvoir du mal.

© Librairie éditrice du Vatican

 

 

 

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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