Soeur Nathalie Becquart, Xavière, 10 fév. 2021, capture @ UISG

Soeur Nathalie Becquart, Xavière, 10 fév. 2021, capture @ UISG

Retentissement et enjeux d’une nomination : témoignage de sr Nathalie Becquart

La mise en œuvre concrète de la synodalité

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« Ma nomination a eu un retentissement qui m’a impressionnée », confie sœur Nathalie Becquart, religieuse Xavière française,  qui a évoqué sa nomination comme « numéro deux » – sous-secrétaire – du secrétariat général du synode des évêques, en même temps qu’un autre religieux, un Espagnol, le p. Luis Marín de San Martín, de l’Ordre de S. Augustin, le 6 février 2021. C’est la première fois qu’une femme est nommée à ce poste. Ou plutôt « appelée » : « J’ai été appelée », dit-elle.

Elle avoue, lors d’une conférence de presse à Rome, au siège de l’Union internationales des supérieures majeures (UISG), le 10 février, qu’elle avait en vue une autre mission et que cette nomination a été une surprise. Une surprise aussi l’écho de sa nomination dans le monde entier, non seulement dans les milieux catholiques qu’elle a fréquentés mais de la part de représentants d’autres religions, d’autres cultures ou des personnes non-croyantes.

Pour une vraie réciprocité

Mais au plan personnel, elle voit dans cette nomination un « appel » qui s’inscrit dans une « expérience » d’autres appels précédents : « J’ai été appelée ».

Elle dit sa reconnaissance au pape François et au secrétaire général du synode, le cardinal Mario Grech pour ce geste « très fort », qui manifeste qu’ils ont « écouté les aspirations et le désir de beaucoup de chrétiens de vivre ensemble, hommes et femmes, en Eglise ».

Sœur Nathalie Becquart se sent en effet « portée » par la prière de beaucoup, spécialement par ses sœurs de la communauté des Xavières, fondée il y a quelque 100 ans, le 4 février 1921 à Marseille : « Je peux vivre cela par mon ancrage dans le Christ, dans ma consécration ». Et comme elle aime la voile, elle choisit l’image d’une flottille des communautés religieuses dans laquelle se trouve la barque des Xavières « Passionnées du Christ, passionnées du monde », selon leur devise, et sr Nathalie ajoute : « Passionnées de l’Eglise », même dans les tempêtes ou face à de hautes vagues.

Pour sœur Nathalie Becquart c’est justement l’expérience du synode pour les jeunes qui lui a permis de faire l’expérience de « l’Eglise comme on la rêve » : « fraternelle », « portée par la foi ».

Elle redit combien le geste du pape François est « audacieux » en vue de plus de « synodalité » dans l’Eglise : une expérience de plus de solidarité.

Mais ce n’est pas un geste « isolé » : cette nomination s’inscrit dans un processus de réforme qui va avec un changement de mentalité, dans l’Eglise  et dans le monde, qui suscite des relations positives », « égalitaires », dans une « vraie réciprocité » entre hommes et femmes.

Déjà, à la Conférence des évêques de France, elle avait été la première femme à être directrice du service national pour les jeunes et les vocations : auparavant, c’étaient toujours des prêtres. Elle a aussi fait l’expérience d’un travail ensemble au sein du conseil épiscopal de Mgr Aupetit, alors évêque de Nanterre.

« C’est bon de se serrer les coudes en solidarité, d’être porté par une espérance », s’enthousiasme sœur Nathalie.

Mais elle souligne en même temps que  le « signe » de cette nomination indique quelque chose « d’un changement concret pas isolé » et s’inscrit dans un « processus et un chemin de réforme qui va avec le changement des mentalités pour des relations positives égalitaires et une vraie réciprocité », entre hommes et femmes, « dans le monde et dans l’Eglise », comme en a témoigné, par exemple, le synode pour l’Amazonie, mettant en évidence les « l’ engagement des femmes amazoniennes indigènes » dans les communautés chrétiennes.

Une Eglise dans sa diversité, pour servir

Le processus en marche revient à « associer les femmes aux processus de discernement » en Eglise. Elle-même en a l’expérience dans le monde de l’entreprise :  avec une formation initiale à HEC (Hautes Etudes Commerciales) elle rappelle que les entreprises se révèlent « plus performantes » quand les femmes sont présentes dans les instances dirigeantes. En somme, ce qui est en cause, c’est la « diversité ».

Et pas seulement l’importance d’une présence d’hommes et de femmes ensemble, mais aussi de jeunes et de moins jeunes.

On entrevoit alors que la participation des femmes aux processus décisionnels dans l’Eglise n’est pas une fin en soi mais la condition des autres diversités, dont les religieuses font comme naturellement l’expérience dans des communautés « interculturelles ». Sœur Nathalie Becquart ose l’expression « communautés métissées » où vivent ensemble rassemblées par le Christ des femmes de « tous pays » et de  « toutes cultures ». Elle exprime aussi combien elle est touchée par son expérience de la catholicité de l’Eglise et cet appel à se mettre, au « service de l’Eglise universelle » parce qu’elle ne cesse d’être  touchée par le mystère de la foi dans le Christ qui s’exprime de manière variée dans toutes les cultures et langues du monde pour annoncer dans le monde entier « la vie plus forte que la mort, et qu’au-delà de la Passion il y a la Résurrection».

Une « Eglise inculturée » et « au service », voilà l’enjeu de la place de la femme dans les instances de l’Eglise, selon sœur Nathalie, comme c’est le cas au Secrétariat général du synode pour lequel le pape François a choisi une équipe où travaillent ensemble prêtres et laïcs, et deux femmes de différents pays.

La synodalité, apprise sur le terrain

Sœur Nathalie rappelle que le Secrétariat général du synode a été institué avec les synodes par Paul VI en 1965, puis qu’il s’est structuré avec une équipe permanente ayant à sa tête un secrétaire et un sous-secrétaire.

Aujourd’hui, au côté du cardinal Mario Grech, Secrétaire général, il y a donc deux sous-secrétaires, dont une femme, signe, explique encore sœur Nathalie Becquart, que « la collégialité des évêques se vit à l’intérieur de la synodalité » entendue comme la prise en compte par l’Eglise « de tous les baptisés ».

Car le «  premier ancrage », pour tous, en Eglise, c’est le baptême, et puis vient la diversité des vocations qui invite chacun à la prise en compte de « l’altérité ».

« L’Eglise synodale où tous marchent ensemble à l’écoute de l’Esprit Saint est, souligne encore la nouvelle « numéro deux », une Eglise « de l’écoute de tous » : c’est la condition de la découverte d’un chemin concret.

Et très concret parce que se préparer actuellement le synode 2022 sur, justement, la « synodalité » avec le conseil des évêques et des cardinaux élu par le dernier synode.

Une « synodalité apprise sur le terrain » insiste soeur Nathalie Becquart. Elle souligne que l’autre sous-secrétaire, le p. Luis, religieux augustin a justement fait sa thèse sur saint Jean XXIII : le synode fait l’expérience du souffle du Concile Vatican II qu’il a ouvert, voulant une présence de laïcs, d’auditeurs, et de femmes.

Cette synodalité se décline aussi en « expérience de co-responsabilité », en « participation » : tous les baptisés étant invités à devenir « acteurs », « protagonistes », à « faire entendre leur voix ».

Avec le même regard soeur Nathalie comprend la réforme de la curie pour qu’elle soit toujours davantage au service des Eglises locales, en lien avec les pays, les conférences épiscopales (CELAM, Australie, Allemagne, synodes diocésains…), une « interaction » dans une dynamique de « circularité ».

C’est pourquoi la « synodalité » ne se joue pas seulement « un mois à Rome » régulièrement, mais « sur le terrain », dans les paroisses, diocèses, communautés, mouvements :  c’est l’enjeu.

Pour sœur Nathalie Becquart, la synodalité est ce qui permet de mettre en œuvre concrètement le « cap missionnaire » indiqué par les deux encycliques du pape François « Laudato si’ » et « Fratelli tutti », qui vise à « la construction du vivre ensemble » dans notre « maison commune ».

Un « leadership collaboratif circulaire »

Voilà aussi le chemin pour « sortir de la domination de l’homme » et entrer dans une relation de « mutualité », comme « frères et sœurs ».

Voilà pourquoi, un peu partout dans le monde, non seulement des femmes mais aussi des évêques, des cardinaux, des prêtres sont heureux de cette présence des femmes dans les instances décisionnelles qu’ils accueillent avec « joie » et avec une sensation d’une arrivée « d’air frais ».

« La question des femmes aujourd’hui n’est plus seulement portée par les femmes mais aussi par beaucoup d’hommes, c’est un signe des temps, cela fait histoire », elle est aussi portée aujourd’hui par le pape François, à l’écoute et proche du Peuple de Dieu qui expriment ces aspirations, notamment les nouvelles générations qui grandissent dans un monde mixte.

Autrement dit, pour sœur Nathalie Becquart « quelque chose naît dans la crise » qui se révèle être un « moment favorable », selon le titre du livre dont elle est une des 5 co-auteurs : « C’est maintenant le temps favorable. Cinq regards de femmes sur la crise » (La Xavière/Editions Emmanuel, 2021).

Et si le synode sur l’Amazonie et les synodes précédents ont souhaité « associer davantage les femmes aux processus de décision et de responsabilité », c’est là un des remèdes au « cléricalisme » mis en cause par le pape François comme ayant « conduit aux abus ».

Une nomination qui survient aussi, souligne sœur Nathalie, après l’ouverture aux femmes de l’acolytat et du lectorat, auparavant ouverts seulement aux laïcs hommes par Paul VI en 1972.

Il existe donc la possibilité d’un « ministère de la femme en leadership de la communauté » comme cela a été exprimé dans le document final du synode pour l’Amazonie. Et l’enjeu central est celui de trouver de nouvelles manières plus collaboratives d’ « exercer le service d’autorité dans l’Eglise » à penser dans la « circularité », en associant aussi bien les théologiens que le « sensus fidei » des baptisés, « tous habités par l’Esprit Saint ».

Autrement dit, la « synodalité » ce n’est pas un « copier-coller du premier siècle » où la gouvernance de l’Eglise était synodale, mais la nouveauté pour aujourd’hui dans la « continuité de la tradition ».

Comme le dit un « maître en ecclésiologie », le p. Yves Congar (1904-1995), à propos de la réforme de l’Eglise : l’Esprit « crée de la nouveauté dans la continuité ».

Une mise en oeuvre pratique et féconde

L’enjeu majeur c’est donc la « fécondité » de la mission, grâce à un travail dans la « diversité », en « croisant les regards », en « décryptant les situations », en « cherchant ensemble », grâce à un « leadership collaboratif circulaire ».

En cela, la vie religieuse est « prophétique » : « pour nous, explique sœur Nathalie Becquart, il existe toujours l’altérité », par expérience, alors qu’il peut arriver que des prêtres vivent dans un « monde clos, entre prêtres », dans le monde aussi, il y a des milieux qui peuvent être « très masculins » ou « très féminins ».

Mais soeur Nathalie Becquart rappelle que le changement vient de plus loin :  la première « breaking news » dans une mentalité patriarcale, c’est le Christ qui l’a lancée.

Plus spécifiquement, pour la Xavière française, sa nomination est une « nomination pour toutes les femmes religieuses » très présentes sur le terrain au service des plus pauvres et des communautés chrétiennes.

La vie religieuse avec sa vocation du côté du « prophétisme »,  et « par son expérience notamment de vie communautaire » a beaucoup à apporter pour le développement de la synodalité, souligne encore sœur Nathalie Becquart. Car on y fait « l’expérience du discernement en communauté », et la vie religieuse, du fait de son expérience, a ainsi « des choses à partager avec Eglise entière ».

En somme, pour sœur Nathalie Becquart, derrière sa nomination il y a l’enjeu de la mise en œuvre « pratique », concrète, de la synodalité dans l’Eglise à « tous niveaux », comme un « processus de discernement », qui passe par l’écoute mutuelle et une forme d’« intelligence collaborative », dont les mots-clés sont la « réciprocité », la « rencontre » – le pape François dit même « culture de la rencontre »-, « l’universalité », la « réconciliation »… la synodalité est « un chemin ouvert, une traversée pascale… un chemin de conversion, de transformation».

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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