C’est en voyant les dépouilles de cinq frères mineurs, tués au Maroc, que Fernando de Lisbonne décida de devenir franciscain, prenant le nom d’Antoine. Ainsi, « le sang des protomartyrs franciscains fut la semence de la vocation comme frère mineur de saint Antoine de Padoue », commente le p. Pietro Messa ofm, de l’Université pontificale Antonianum, paraphrasant une expression fameuse de Tertullien, auteur antique ayant vécu entre le IIème et le IIIème siècle.
Au cœur de l’Italie, non loin d’Assise, le diocèse de Terni-Narni et Amelia (Ombrie) conclura la célébration du huitième centenaire (1220-2020) de la mort des protomartyrs franciscains, ce dimanche 17 janvier 2021. Ces cinq martyrs des premiers temps du christianisme furent tués en 1220, au Maroc, à Marrakech.
Cette célébration du huitième centenaire, explique le p. Pietro Messa, « invite non seulement à vénérer, mais également à mettre en valeur le témoignage de ceux qui ont versé leur sang pour l’Évangile, comme ce fut le cas de l’évêque capucin Mgr Luigi Padovese, tué en Turquie à Iskenderun le jeudi du Corpus Domini (appelée aussi Fête-Dieu, ou Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, ndr) le 3 juin 2010 ». C’était, précise-t-il, exactement la semaine précédant un congrès international intitulé Des protomartyrs franciscains à saint Antoine de Padoue, qui s’est tenu à Terni.
Pour le p. Pietro Messa, malgré les contraintes sanitaires liées à la pandémie, l’organisation de ce centenaire a aidé à « découvrir que les martyrs sont vraiment ceux qui ont assumé la forme de la vie de Jésus, c’est-à-dire un amour eucharistique qui passe de la gratitude pour les dons reçus à la gratuité jusqu’à donner sa vie pour ses frères ». En outre, ajoute-t-il, « ils témoignent que les termes d’amour et de sacrifice sont faits pour marcher ensemble si l’on ne veut pas que le premier devienne pure émotivité évanescente et le second activisme frustrant ». « Quand l’amour s’exprime dans le sacrifice et que le sacrifice est motivé par l’amour, poursuit le franciscain, on se trouve – pour emprunter les mots de Dostoïevski – devant la beauté qui sauve le monde ; on peut alors vraiment affirmer que seul l’amour est crédible ».
Autre dimension mise en lumière par le centenaire : la mission. En effet, comme le fit François d’Assise, les protomartyrs franciscains se rendirent en terre non-chrétienne pour annoncer l’Évangile ; d’ailleurs, fait observer le spécialiste en histoire franciscaine, la Règle des frères mineurs est « la première à consacrer une partie spécifique à ceux qui se rendent parmi les “infidèles” ».
Le p. Messa se réjouit du congrès historique interreligieux du 6 décembre dernier qui a réuni, outre les historiens Luciano Bertazzo et Christian Grasso, l’imam Nader Akkad, professeur à l’Université islamique al-Azhar du Caire, et l’évêque de Terni-Narni et Amelia, Mgr Giuseppe Piemontese, ces derniers s’inspirant du Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune.
« Si des moments œcuméniques et interreligieux de commémoration où l’on passe de la méfiance à la confiance mutuelle sont importants pour parvenir à vivre “da fratelli tutti” (« tous, en frères », ndr), conclut le franciscain, « il est nécessaire d’avoir le courage de lire ensemble les pages de l’histoire avec les documents, l’iconographie et d’autres éléments les concernant et qui peuvent non seulement faire obstacle à cette fraternité, mais carrément devenir des occasions de conflit ».
Traduction d’Hélène Ginabat