La « condition essentielle » pour que les parcours de paix conduisent « à la guérison de notre humanité meurtrie, c’est la vérité », affirme Mgr Bruno-Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le service du développement humain intégral, en présentant le message du pape François pour la Journée mondiale de la paix (1er janvier 2021).
Ainsi les processus de paix, a-t-il souligné, ne doivent pas reposer sur des « idées » mais sur la reconnaissance de l’histoire vécue.
Voici le texte de sa présentation faite lors d’une conférence de presse au Vatican ce 17 décembre.
Présentation de Mgr Duffé
La terrible expérience de la Pandémie Covid-19 nous a conduits à découvrir – ou à redécouvrir – la fragilité de nos organismes physiques et psychologiques : notre corps et notre santé. Mais aussi la fragilité de nos institutions et de nos politiques qui ont soutenu un développement de type « technocratique » – comme le dit l’Encyclique Laudato Si’ – sans penser à la protection et au soin de la biodiversité et des personnes. Le corps et les vivants ont été instrumentalisés au seul service de la production et du profit.
Même si la pandémie a touché toutes les catégories sociales, nous savons que les plus pauvres ont connu – et connaissent – une plus grande souffrance. Les conséquences économiques et sociales de la pandémie ont en effet des conséquences catastrophiques sur les personnes les plus vulnérables : les personnes sans abri, les personnes sans emploi, les migrants, les travailleurs de l’économie informelle, les anciens.
Dans ce contexte, qui appelle une conversion fondamentale des politiques sociales, de l’économie et des relations internationales, que veut dire « une culture du soin » ? La culture est une manière d’être et de construire une pensée de « l’être-ensemble ». La « culture du soin » appelle donc un certain regard sur les personnes et sur les conditions de la vie. « Prendre soin », ce n’est pas seulement procurer des soins, même si l’assistance et les médicaments sont indispensables. « Prendre soin », c’est s’approcher de l’autre, de son corps et de sa vie, et c’est écouter sa souffrance, comme on apprend à écouter un cœur qui bat. La dignité commence avec le regard et avec l’écoute. Ainsi, la « culture du soin » est inséparable de la « culture de la rencontre » qui est centrale dans l’enseignement moral et pastorale de Pape François.
Ce que nous a appris « l’éthique du CARE », cette réflexion qui n’a pas toujours été considérée à sa juste valeur, dans un passé récent, c’est que la rencontre et l’écoute, dans le soin, nous placent dans une relation d’hospitalité mutuelle et de réciprocité. Nous soignons une personne qui nous apprend à la soigner. Nous écoutons une souffrance qui nous sollicite dans notre capacité d’aimer. Une personne malade ne peut jamais être réduite à un numéro, à un dossier ou à un diagnostic. Et c’est ensemble que nous faisons le chemin de la confiance et de la guérison. Car quel que soit l’issue de la maladie, la confiance et le dialogue nous guérissent de l’indifférence et nous inscrivent sur le chemin d’une co-naissance (co-nascere) et d’un amour qui relèvent. Personnellement, j’ai appris cela pendant dix ans d’accompagnement des personnes malades du cancer. Et je peux dire que ces personnes m’ont accompagné dans ma foi.
Le chapitre 7 de l’Encyclique « Fratelli tutti » (n. 225 et suivants) appelle à déployer des « parcours de paix » qui permettent de contribuer à cicatriser les blessures et les souffrances liées aux conflits et aux conséquences de l’injustice. Cette réflexion du Saint Père insiste sur les processus de paix, comme soin de l’humanité, en chaque personne et entre les personnes. Nous le savons, ces processus sont longs et difficiles. Ils se heurtent aux logiques d’intérêts, de pouvoirs et de reconnaissance. Le Saint Père parle, à cet égard, de la nécessaire architecture de la paix et de l’artisanat quotidien et minutieux de la reconstruction des liens.
La condition essentielle pour que ces parcours de paix conduisent à la guérison de notre humanité meurtrie, c’est la vérité. « Ceux qui se sont durement affrontés doivent dialoguer à partir de la vérité, claire et nue. Ils ont besoin d’apprendre à cultiver la mémoire pénitentielle, capable d’assumer le passé pour libérer l’avenir de ses insatisfactions, confusions et projections. Ce n’est qu’à partir de la vérité historique des faits qu’ils pourront faire l’effort, persévérant et prolongé, de se comprendre mutuellement et de tenter une nouvelle synthèse pour le bien de tous » (FT 226).
La « culture du soin » s’approche et écoute les blessures et le désir des hommes, des femmes, des enfants et des anciens. Comme le Christ lui-même nous l’a appris en se faisant le proche des souffrants et en nous appelant à vivre la vérité. La parole et la pratique du « Christ-soignant », « Prince de la Paix », appellent les soignants et tous ceux qui travaillent au respect et à la réconciliation, à se renouveler sans cesse dans une attitude de vérité. C’est à cette condition que la maladie de la violence et de l’injustice pourra être dépassée et guérie, avec la grâce de Dieu.