France : « La loi de bioéthique de 2004, en rien une sécurité »

Téléthon, bilan d’un débat

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ROME, Mercredi 13 décembre 2006 (ZENIT.org) – « La loi de bioéthique de 2004 n’est en rien une sécurité », fait observer le président de la Fondation Jérôme Lejeune, Jean-Marie Le Méné, qui, sur le site libertepolitique.com, tire un bilan du débat ouvert cette année à propos de l’utilisation d’une partie des fonds du Téléthon pour la recherche sur l’embryon humain et de l’utilisation du DPI à des fins eugéniques.

« Téléthon : le mensonge et le sacré »

À peine le président de la République avait-il terminé son discours de soutien inconditionnel au Téléthon, rappelant que le débat n’avait pas lieu d’être, qu’un rapport parlementaire demandait d’élargir la recherche sur l’embryon et d’autoriser le clonage. Ce rapport, contrairement aux propos présidentiels, démontrait deux choses : d’une part que le débat sur ces questions n’avait jamais été clos et d’autre part que l’AFM avait pesé d’un poids très important dans les recommandations présentées. Qu’on en juge plutôt. Douze personnes ont été reçues en auditions privées, sept d’entre elles relevant de l’État, quatre sur les cinq restant relevant du Téléthon ou de l’AFM : la présidente de l’AFM, la directrice de Généthon, deux responsables d’I-Stem (premier centre français de recherches sur l’embryon financé par le Téléthon) et le directeur de Cellectis. Quant aux auditions publiques du 22 novembre 2005, nous en avions rendu compte à l’époque : tous les scientifiques invités étaient favorables au clonage (c’était avant la chute du Pr. Hwang…), en particulier la présidente du comité scientifique de l’AFM et le Pr. Peschanski, coordonnateur d’I-Stem.

Le temps des mensonges

Ce pavé dans la mare, au lendemain des bonnes paroles des uns ou des autres, confirme tranquillement que la loi de bioéthique de 2004 n’est en rien une sécurité, que la demande de transgression est appuyée par ceux-là mêmes qui demandent qu’on leur fasse confiance et que le débat n’est ouvert qu’à ceux qui soutiennent aveuglement l’évolution de la loi mais pas à ceux qui posent des questions. Ces constats sont purement factuels et d’ailleurs non critiqués par l’AFM. À partir du moment où ce que l’on dit est vrai mais paraît déplaisant ou déplacé, il y a intérêt à discréditer ceux qui parlent faute de pouvoir contredire leurs paroles. Comme d’habitude, nous avons donc assisté à des exercices de diabolisation où les personnes visées appartiennent, par exemple, à des légions ultra catholiques, quand ils ne sont pas des membres très influents d’institutions très conservatrices, etc. Il ne leur manque plus que d’avoir participé aux attentats du 11 septembre. Hélas ! On connaît trop cette typologie sémantique qui n’est pas avare de superlatifs, de surenchères et d’hyperboles…

Deux arguments qui ont souvent été repris justifient une mise au point. D’abord la minimisation des chiffres. La recherche contestée ne représenterait que 2 % de l’argent du Téléthon. La belle affaire ! La peine de mort ne coûtait pas bien cher non plus en 1981. Et pourtant, on en a discuté et on l’a abolie. Pour une question de principe. Par ailleurs, c’est faire peu de cas de la vie des embryons qui sont détruits. Effectivement la vie d’un embryon n’étant pas valorisée, elle ne « coûte » rien, elle n’a plus aucun prix. Voir certaines bonnes âmes invoquer cet argument économique a quelque chose de profondément indigne. Et puis, si le problème ne portait vraiment que sur 2 %, imagine-t-on un instant que le président de la République serait ainsi monté au créneau et que la polémique aurait pris cette ampleur ?

L’autre argument est un reproche : pourquoi ne pas avoir ouvert de dialogue avec l’AFM ? N’en déplaise à ceux qui le formulent, je n’ai pas attendu le journal La Croix ni Mgr Dubost pour ouvrir un dialogue avec les dirigeants de l’AFM sur des questions éthiques. J’ai rencontré Bernard Barataud il y a plus de dix ans et débattu courtoisement mais en vain avec Éric Molinié. Aujourd’hui, je constate et regrette la radicalité des positions de l’AFM qui, en refusant le fléchage des dons, oblige le donateur de bonne foi et le volontaire généreux à adhérer à toutes les valeurs de l’association et donc à cautionner certains financements et positionnements qu’ils peuvent légitimement récuser en conscience. Quel choix leur reste-t-il alors ?

Le détournement du sacré

Le moment le plus fort de la semaine est tout de même venu du député PS, Manuel Valls, s’indignant avec virulence, devant l’Assemblée nationale, « qu’on porte atteinte à la laïcité ».

À cet égard, on assiste à un double paradoxe intéressant.

D’un côté le bloc État/Téléthon, qui édicte des dogmes : le progrès passe nécessairement par la transgression. Il exige une allégeance inconditionnelle : on soutient religieusement le Téléthon, on discutera éventuellement après s’il reste du temps. Il encense une sorte de liturgie compassionnelle : vous n’avez pas souffert (qu’en savent-ils d’ailleurs ?) donc vous ne pouvez pas comprendre. Il alimente des fantasmes : demain le clonage et les cellules souches embryonnaires nous guériront de tout. Il interdit l’esprit critique : pas un mot des thérapies cellulaires alternatives à partir des cellules souches adultes ou issues du sang de cordon ombilical qui ne posent aucun problème éthique.

De l’autre, l’Église émet des doutes : il n’est pas certain que l’instrumentalisation de l’embryon soit une panacée pour guérir la myopathie. Elle pose des questions : où est le progrès de la recherche et de la médecine quand on ne fait naître que des enfants en bonne santé après élimination des embryons ou des fœtus malades ? Elle évoque des évidences biologiques : l’embryon est un membre à part entière de l’espèce humaine qui mérite notre respect même s’il est malade. Elle ramène à la raison : que devient une technique qui ne reste pas exclusivement au service de l’homme ? Est-ce parce que c’est légal que c’est moral ?

En somme, on voit la société civile sombrer dans l’irrationnel en sacralisant la techno-science, en divinisant le progrès, bref en parlant le langage du mythe. Et on voit l’Église, au contraire, en appeler à la raison, à l’intelligence, à l’observation scientifique, à l’objectivité et à la compassion pour dire que la recherche et médecine doivent être humaines. Et que cette humanité est d’ailleurs la condition de son efficacité, de ses progrès et de son succès. La société civile est dans la certitude et l’intransigeance (« il faudrait presque envisager une opération commando pour obtenir les moyens de travailler correctement sur les cellules souches embryonnaires » disait déjà le Pr. Peschanski en décembre 2005). L’Église est dans le doute et la nuance : n’y a-t-il pas des moyens plus respectueux, plus rapides et plus rationnels pour soulager la souffrance que de prétendre supprimer des êtres pour en sauver d’autres ?

Si l’Église ne tenait pas ce langage de réalité, mais qui le tiendrait ? On l’a vu, elle est la seule institution, en France, aujourd’hui capable de dérouler une anthropologie différente, cohérente et solidaire face à l’eugénisme libertaire selon Michel Onfray demandant pour les parents le « tri cellulaire pour favoriser la configuration existentielle la plus hédoniste pour leurs enfants ».

Alors qui manipule qui dans cette affaire ? Dire de ceux qui ne sont pas d’accord qu’ils attentent à la laïcité ne repose sur rien. C’est juste une invective.

En l’occurrence, dans ce débat, seule l’Église est vraiment laïque car elle seule refuse l’archaïsme de la sacralisation du profane
— qui est la vraie menace — et elle seule réserve le sacré à ce qui doit l’être : l’homme de ses premiers instants à son dernier souffle.

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ZENIT Staff

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