ROME, Mercredi 14 juin 2006 (ZENIT.org) – En Belarus, Benoît XVI a accepté la renonciation au gouvernement pastoral de l’archidiocèse de Minsk-Mohilev que lui a présentée le cardinal Kazimierz Swiàtek, héros sous la persécution soviétique et cheville ouvrière de la renaissance de l’Eglise de son pays. Il aura 92 ans en octobre prochain : il en passé dix au goulag.
Le pape a nommé comme Administrateur apostolique « sede vacante », Mgr Antoni Dziemianko, évêque auxiliaire de Minsk-Mohilev.
Dix ans de goulag
Né le 21 octobre 1914, Mgr Swiatek a été « créé » cardinal en 1994. Le 27 septembre 2004, il s’était vu remettre, à Castelgandolfo, le Prix « Témoin de la Foi », « Fidei Testis » des mains de Jean-Paul II.
Le Prix lui a été attribué par l’Institut Paul VI de Brescia, ville natale de Giovanni Battista Montini, au cours d’un symposium organisé à l’occasion du 25e anniversaire de la création de cet institut.
Né à Pinsk, dans l’Administration apostolique d’Estonie, le cardinal Swiatek était jusqu’ici archevêque de Minsk-Mohilev, et Administrateur apostolique de Pinsk. Il a été ordonné prêtre en avril 1939 au Belarus, il a ensuite traversé la seconde guerre mondiale, la persécution nazie puis la persécution soviétique. Arrêté à plusieurs reprises, il fut condamné aux travaux forcés en Sibérie en 1944: il a passé dix ans au Goulag où il a manifesté cette foi « forte et courageuse » qui lui a permis de survivre aux privations et à la cruauté.
Il est revenu chez lui en 1954, au milieu des églises détruites: un choc. « Chaque jour était une lutte très dure, je me sentais comme David contre le géant Goliath, à une différence près: je n’avais pas même une fronde! », a-t-il confié dans son « Journal », avec un humour typiquement slave. « Je souffrais, ajoute-t-il, parce que l’Occident nous avait oubliés, en cherchant la paix et la sécurité en embrassant nos tortionnaires. Alors qu’ici, on détruisait les églises, les prêtres étaient emprisonnés et les croyants persécutés ».
« Eminence, comment avez-vous fait pour résister au goulag ? », demandait un journaliste. Il répondait en souriant : « L’officier du KGB m’a posé la même question avant d’autoriser ma sortie de prison. J’ai répondu: ma vie, je la dois à Dieu, c’est lui mon salut! C’est le message que je répète chaque jour, et que je veux laisser à vous aussi: Dieu, comme tu es grand! Comme tu es bon! »
Le P. Swiatek a été nommé évêque après la Chute du Mur de Berlin, en 1991. Jean-Paul II l’a créé cardinal en 1994: en lui remettant sa barrette cardinalice, le pape l’a embrassé et l’a remercié de son témoignage héroïque.
En lui remettant le Prix « Témoin de la Foi », Jean-Paul II avait de nouveau rendu hommage à ce grand « Témoin de la foi », en rappelant les étapes de son « Chemin de Croix »: deux ans après son ordination sacerdotale, en 1941, il est emprisonné une première fois et finalement, il sera injustement condamné, rappelait le pape, à la déportation en camp de travaux forcés où il souffrit « d’épuisement, de la faim et du froid ».
« On ne pouvait survivre que par la foi », avez-vous confié, disait Jean-Paul II en citant les paroles du cardinal, « et le Seigneur vous a accordé une foi forte et courageuse, pour surmonter la longue épreuve, au terme de laquelle vous êtes revenu dans votre communauté ecclésiale en témoin encore plus crédible de l’Evangile: Fidei testis ».
Ce titre, faisait remarquer Jean-Paul II, est « plus que tout autre approprié pour un chrétien », et à plus forte raison « pour un pasteur marqué de la pourpre cardinalice qui, au cours des années difficiles de la persécution de l’Eglise en Europe de l’Est a rendu un témoignage fidèle et courageux au Christ et à son Evangile ».
« Par la parole et par l’exemple, concluait le pape, vous avez annoncé à tous, croyants et non-croyants, la vérité du Christ, la lumière qui éclaire tous les hommes ».
Renaissance d’une Eglise
En 2004 aussi, le cardinal Swiatek confiait à « l’Aide à l’Eglise en détresse » sa joie de voir renaître l’Eglise de cette nation, après le sanglant hiver de 70 ans de persécution communiste.
« Ces 70 ans sous de régime communiste et athée ont laissé un vide mental dans les âmes des hommes, disait-il. On a essayé d’enlever la foi des hommes en Dieu. Mais ils ont su que ce n’était pas la vérité… La chute de l’Union soviétique a été le commencement de grandes transformations : la persécution des chrétiens a pris fin, les propriétés d’Eglise confisquées ont été restituées et la reconstruction des églises a été autorisée. On permet aujourd’hui à nouveau à des enfants et à des jeunes d’aller dans l’église et de fréquenter l’instruction religieuse. La propagande athée et antireligieuse a également disparu. Au moins une liberté de culte relative règne ».
C’est dans ce sens qu’il parlait d’une « renaissance de l’Eglise catholique », avec la construction de nouvelles églises et l’augmentation du nombre de prêtres, et la renaissance d’une structure ecclésiastique avec 14 diocèses, quatre évêques, un cardinal, une conférence épiscopale, des professeurs de théologie et plus d’une centaine de séminaristes.
Il soulignait aussi la communion et la confession fréquente des jeunes, la fréquentation du catéchisme et le renouveau de la presse catholique avec une maison d’édition catholique.
Pourtant il déplorait une « nouvelle loi sur les confessions et groupements religieux » qui a entraîné « des restrictions dans certaines activités religieuses » comme l’obligation de l’enregistrement des paroisses, ou du visa pour les prêtres étrangers.
Il déplorait par ailleurs l’influence croissante du « matérialisme occidental », tout en soulignant la capacité des fidèles à « résister » grâce à un fort enracinement de « la tradition religieuse » : « Les racines chrétiennes ne peuvent pas si simplement être éliminées. C’est pourquoi l’influence de l’Occident… n’est pas trop grande. Il y a ainsi de l’espoir pour l’avenir de l’église ».
En même temps, il souhaitait que le soutien de l’Eglise du monde ne fasse pas défaut à cette communauté en reconstruction.