Canada : Allocution de Mgr Gilles Cazabon, pour les évêques du Québec

Texte intégral

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ROME, Jeudi 11 mai 2006 (ZENIT.org) – Voici le texte intégral de l’allocution de Mgr Gilles Cazabon, OMI, président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, lors de l’audience accordée ce jeudi matin par Benoît XVI au premier groupe d’évêques du Canada en visite ad limina (cf. http://www.eveques.qc.ca/aeqdoc_commaecq_2006_5_11_f_0.php).

Très Saint-Père,

C’est une grande joie pour nous de vous retrouver aujourd’hui alors que vous venez d’entreprendre votre deuxième année comme évêque de Rome et successeur de l’apôtre Pierre. Nous vous remercions d’avoir accepté cette tâche si lourde  » dans la vigne du Seigneur « . Tous les jours, avec les fidèles de nos diocèses, nous prions à vos intentions.

La visite ad limina est pour nous un moment important de notre vie d’évêques. En venant prier sur les tombeaux des apôtres Pierre et Paul, nous prenons une conscience renouvelée du lien qui par-delà les générations nous unit à ces  » colonnes  » sur lesquelles est bâtie l’Église de Dieu et nous entendons plus clairement la Parole du Seigneur qui nous invite à en être les pasteurs. En venant rencontrer l’évêque de Rome qui  » préside à la charité de toutes les Églises « , nous redécouvrons la richesse des liens de communion qui nous unissent au successeur de Pierre.

Depuis notre dernière visite en 1999, des changements juridiques et sociaux – particulièrement dans le domaine de l’éducation catholique – ont marqué la société québécoise et accentué son caractère séculier et pluraliste. De difficiles débats ont porté sur des points fondamentaux de la vie en société, comme le respect de la vie et la nature du mariage. Des tensions se sont fait sentir à l’intérieur même de notre Église face à certains aspects de l’enseignement du Magistère, particulièrement dans le domaine de la morale et de la vie sacramentelle. Autant de phénomènes qui nous font prendre conscience de la distance qui s’est creusée entre notre culture chrétienne traditionnelle et la culture contemporaine. Il devient impératif de trouver les mots et les gestes qui permettront de franchir ce fossé et de présenter à nos concitoyens le message libérateur de l’Évangile dans toute sa beauté et sa force d’interpellation.

Dans un effort pour répondre à ce besoin et avec le souci de prendre le relais de l’enseignement religieux catholique appelé à disparaître bientôt du programme des écoles publiques, nous avons voulu enclencher dans tous les diocèses un vaste mouvement en faveur de l’éducation de la foi, tant des jeunes que des adultes. Nous en avons dégagé les lignes de force dans un document intitulé Jésus Christ, chemin d’humanisation.

Il nous est apparu essentiel d’aller au coeur même de la foi et d’axer toute la démarche sur une véritable rencontre de Jésus Christ. Une telle rencontre ouvre à l’accueil du Dieu Trinité et suscite chez le disciple une réponse qui se déploie en engagements concrets. À nos contemporains soucieux d’authenticité et de réalisation personnelle, nous avons voulu montrer comment Jésus Christ est lui-même source de libération et de vie, comment l’on peut trouver dans la communion à son mystère la source et le chemin d’une humanisation véritable.

En lien avec cette proclamation, nous avons voulu porter une attention spéciale aux questions de charité fraternelle et de justice sociale. La lutte pour la justice et l’engagement concret pour soulager les plus défavorisés sont au coeur de la mission d’évangélisation de l’Église. Ils apparaissent aussi comme un lieu privilégié de rencontre avec des personnes qui ne partagent pas la foi chrétienne et qui sont animées par un profond désir de justice. Dans un monde marqué par l’économie de marché et par l’idéologie de la productivité, l’Église a un rôle important à jouer dans le rappel des valeurs fondamentales qui construisent l’humanité.

Mais la foi se vit en communauté et se nourrit des grands axes de la vie communautaire : l’enseignement, la célébration et le partage. Une tâche essentielle de notre ministère est de promouvoir des communautés locales qui soient des communautés de foi, des communautés fraternelles, des communautés engagées au coeur du monde, des communautés célébrantes et évangélisatrices.

Les jeunes sont pour nous l’objet d’une grande préoccupation. Ils sont peu nombreux dans les organismes ecclésiaux, peu présents aux eucharisties dominicales et il n’est pas facile de les rejoindre. Des initiatives de plus en plus nombreuses sont prises sur le plan des diocèses pour développer une pastorale de la jeunesse dynamique.

Nous sommes aussi très préoccupés par la situation de la famille, grandement ébranlée dans notre pays : fragilisation et souffrance des couples, formes variées d’union entre hommes et femmes, baisse du nombre de mariages, faible natalité, etc.

Mais force est de constater que pour répondre aux défis à relever, nous ne pouvons plus compter sur un personnel pastoral abondant et des ressources financières adéquates. Depuis plusieurs décennies, le nombre de personnes engagées en pastorale – et particulièrement des prêtres – est en constante diminution et la moyenne d’âge est de plus en plus élevée.

Cette évolution nous place devant des enjeux sans précédent. C’est la sacramentalité de l’Église qui risque d’être touchée : impossibilité d’assurer l’Eucharistie quotidienne, voire dominicale, dans toutes les paroisses, difficulté d’accès au sacrement du pardon sous sa forme individuelle, obscurcissement de la place du ministère ordonné dans l’action pastorale. Même si un grand effort est fait du côté de la pastorale vocationnelle, la surcharge que les prêtres doivent concrètement assumer a un effet dissuasif sur beaucoup de jeunes qui commencent à songer à une vocation presbytérale. Cette situation entraîne actuellement un redéploiement des ministères, un partage plus grand des tâches avec les diacres, les agents et agentes de pastorale, ainsi qu’avec l’ensemble des membres de la communauté, devenus plus conscients de leur dignité de baptisés et de leur responsabilité ecclésiale. Mais un tel redéploiement ne peut suppléer l’absence du ministère presbytéral.

* * *

Très Saint-Père, vous remerciant de votre accueil et de vos paroles de soutien pastoral, nous poursuivrons notre route en espérant vous accueillir à notre tour lors du Congrès eucharistique international de 2008 : avec des représentants de tous les continents réunis dans la ville de Québec, nous célèbrerons le mystère qui est  » la source et le sommet de notre ministère  » : l’Eucharistie,  » don de Dieu pour le salut du monde. « 

Gilles Cazabon, évêque de Saint-Jérôme

Président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec
Le 11 mai 2006

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ZENIT Staff

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