Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican Media

Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican Media

« Entre la mémoire de notre fragilité et l’espérance »

Homélie du pape François, lue par le cardinal Angelo De Donatis, pénitencier majeur

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Messe des Cendres

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 5 mars 2025

 

Les cendres sacrées vont être répandues sur nos têtes ce soir. Elles ravivent en nous la mémoire de ce que nous sommes, mais aussi l’espérance de ce que nous serons. Elles nous rappellent que nous sommes poussière, mais nous conduisent vers l’espérance à laquelle nous sommes appelés, car Jésus est descendu dans la poussière de la terre et, par sa Résurrection, il nous entraîne avec Lui dans le cœur du Père.

Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican MediaC’est ainsi que se déroule le chemin du Carême vers la Pâque, entre la mémoire de notre fragilité et l’espérance qu’à la fin de la route le Ressuscité nous attendra.

Tout d’abord, nous faisons mémoire. Nous recevons les cendres en inclinant la tête, comme pour nous regarder nous-mêmes, pour nous regarder à l’intérieur. Les cendres, en effet, nous aident à nous rappeler la fragilité et la petitesse de notre vie : nous sommes poussière, nous avons été créés à partir de la poussière et nous retournerons à la poussière. Et il y a de nombreux moments où, en regardant notre vie personnelle ou la réalité qui nous entoure, nous nous rendons compte qu’« l’homme ici-bas n’est qu’un souffle.[…] Il n’est rien qu’un souffle, tous ses tracas ; il amasse, mais qui recueillera ? » (Ps 38, 6-7).

Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican MediaCela nous est enseigné avant tout par l’expérience de la fragilité, que nous expérimentons dans nos fatigues, dans les faiblesses que nous devons assumer, dans les peurs qui nous habitent, dans les échecs qui nous brûlent de l’intérieur, dans le caractère éphémère de nos rêves, dans la prise de conscience que les choses que nous possédons sont éphémères. Faits de cendres et de terre, nous touchons du doigt la fragilité dans l’expérience de la maladie, de la pauvreté, de la souffrance qui s’abat parfois soudainement sur nous et nos familles. Et encore, nous nous rendons compte que nous sommes fragiles lorsque nous sommes exposés, dans la vie sociale et politique de notre temps, à la “poussière subtile” qui pollue le monde : l’opposition idéologique, la logique de la prévarication, le retour des vieilles idéologies identitaires qui théorisent l’exclusion des autres, l’exploitation des ressources de la terre, la violence sous toutes ses formes et la guerre entre les peuples. Autant de “poussières toxiques” qui obscurcissent l’air de notre planète, empêchent la coexistence pacifique, alors que l’incertitude et la peur de l’avenir grandissent en nous chaque jour.

Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican MediaEnfin, cette condition de fragilité nous rappelle le drame de la mort que nous tentons d’exorciser de multiples façons dans nos sociétés d’apparence et même de marginaliser dans nos langages, mais qui s’impose comme une réalité à laquelle nous devons faire face, signe de la précarité et de la fugacité de notre vie.

Ainsi, malgré les masques que nous portons et les artifices souvent créés avec art pour nous distraire, les cendres nous rappellent qui nous sommes. Cela nous fait du bien. Cela nous remodèle, met en évidence les aspérités de nos narcissismes, nous ramène à la réalité, nous rend plus humbles et disponibles les uns envers les autres : aucun de nous n’est Dieu, nous sommes tous en chemin.

Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican MediaMais le Carême est aussi une invitation à faire renaître l’espérance en nous. Si nous recevons les cendres la tête inclinée pour rappeler ce que nous sommes, le temps du Carême ne veut pas nous laisser la tête baissée mais, au contraire, il nous exhorte à la lever vers Celui qui surgit des profondeurs de la mort, nous entraînant, nous aussi, des cendres du péché et de la mort vers la gloire de la vie éternelle.

Les cendres nous rappellent alors l’espérance à laquelle nous sommes appelés parce que Jésus, le Fils de Dieu, s’est mêlé à la poussière de la terre, l’élevant jusqu’au ciel. Il est descendu dans les profondeurs de la poussière, mourant pour nous et nous réconciliant avec le Père, comme nous l’a dit l’Apôtre Paul : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché » (2 Co 5, 21).

Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican MediaCeci est, frères et sœurs, l’espérance qui ravive les cendres que nous sommes. Sans cette espérance, nous sommes condamnés à subir passivement la fragilité de notre condition humaine et, surtout face à l’expérience de la mort, nous sombrons dans la tristesse et la désolation, finissant par raisonner comme des imbéciles : « Notre existence est brève et triste, rien ne peut guérir l’homme au terme de sa vie. […] Le corps s’en ira en cendres, et l’esprit se dissipera comme l’air léger » (Sg 2, 1-3). L’espérance de Pâques vers laquelle nous nous dirigeons, en revanche, nous soutient dans nos fragilités, nous rassure sur le pardon de Dieu et, alors même que nous sommes enveloppés dans les cendres du péché, elle nous ouvre à la joyeuse confession de la vie : « Je sais, moi, que mon rédempteur est vivant, que, le dernier, il se lèvera sur la poussière » (Jb 19, 25). Souvenons-nous de ceci : « L’homme est poussière et il retournera à la poussière, mais il est une poussière précieuse aux yeux de Dieu, parce que Dieu a créé l’homme en le destinant à l’immortalité » (Benoît XVI, Audience Générale, 17 février 2010).

Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican MediaFrères et sœurs, avec les cendres sur la tête, nous marchons vers l’espérance de Pâques. Convertissons-nous à Dieu, revenons à Lui de tout notre cœur (cf. Jl 2, 12), remettons-Le au centre de notre vie, afin que la mémoire de ce que nous sommes – fragiles et mortels comme des cendres dispersées par le vent – soit enfin éclairée par l’espérance du Ressuscité. Et orientons notre vie vers Lui, en devenant un signe d’espérance pour le monde : apprenons par l’aumône à sortir de nous-mêmes pour partager les besoins des autres et nourrir l’espérance d’un monde plus juste. Apprenons par la prière à découvrir que nous avons besoin de Dieu ou, comme le disait Jacques Maritain, “mendiants du ciel”, à nourrir l’espérance que, dans nos fragilités et à la fin de notre pèlerinage terrestre, un Père aux bras ouverts nous attend. Messe des cendres, 5 mars 2025 © Vatican MediaApprenons par le jeûne que nous ne vivons pas seulement pour satisfaire nos besoins, mais que nous avons faim d’amour et de vérité, et que seul l’amour de Dieu et des autres peut vraiment nous rassasier et nous donner l’espérance d’un avenir meilleur.

Puissions-nous toujours être accompagnés par la certitude que, depuis que le Seigneur est venu dans les cendres du monde, « l’histoire de la terre est l’histoire du ciel. Dieu et l’homme sont liés dans un même destin » (C. Carretto, Il deserto nella città, Rome 1986, p. 55), et Il balaiera toujours les cendres de la mort pour nous faire resplendir d’une vie nouvelle.

Avec cette espérance dans le cœur, mettons-nous en route. Et laissons-nous réconcilier avec Dieu.

 


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Pape François

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