Première publication par l’AED le 13 décembre 2024
Lors de sa visite au siège de l’AED le 6 décembre, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, affirme que même s’il ne croit pas en une solution à court terme à la crise en Terre Sainte, il a de l’espoir pour l’avenir des chrétiens dans la région.
« Je pense que le pire de la guerre à Gaza est derrière nous. Le cessez-le-feu avec le Hezbollah a également une influence sur Gaza et le Hamas, et j’ai l’impression que dans les semaines ou les mois à venir, un compromis sera trouvé », a déclaré le patriarche Pierbattista Pizzaballa lors d’une conférence de presse organisée par l’AED. Le patriarche latin de Jérusalem estime que la fin de la guerre à Gaza est en vue, mais il attire l’attention sur le fait que la suspension des opérations militaires n’est pas synonyme de paix.
« Cependant, la fin des hostilités militaires ne sera pas la fin du conflit. Lorsque l’opération militaire prendra fin, à quoi ressemblera la vie à Gaza ? Qui y restera-t-il ? Il faudra des années pour rebâtir le territoire et je suis sûr que la frontière avec Israël restera fermée, alors quel sera l’avenir de sa population ? »
Le Patriarche, en visite au siège international de l’AED en Allemagne, a déploré le climat actuel de méfiance en Terre sainte, affirmant : « Ce qui m’inquiète, c’est le niveau de haine : discours de haine, langage méprisant, déni de l’autre… – c’est très problématique ! ».
« Nous avons subi d’autres guerres, mais il y a un avant et un après le 7 octobre, parce que le type de violence qui a eu lieu et l’impact émotionnel sur les deux populations ont été énormes. Si les événements ont été une sorte de Shoah pour les Israéliens, pour les Palestiniens, ce qui s’est passé depuis est une nouvelle nakba, une nouvelle tentative de les expulser de leur terre. »
« Lorsque la guerre à Gaza sera enfin terminée », a-t-il ajouté, « nous serons en mesure de reconstruire les infrastructures, mais comment pourrons-nous reconstruire les relations ? »
Le patriarche estime que les chrétiens, qui représentent 1,5 % de la population de Terre sainte, sont dans une position privilégiée pour contribuer à cette reconstruction: « Parce que nous sommes si petits et politiquement insignifiants, nous avons la liberté d’entrer en contact avec tout le monde. Là où il y a tant de blessures et de divisions, notre capacité à reconnecter les gens est l’une des principales missions pour l’avenir. »
Se battre pour rester unis
Bien que les chrétiens de Terre Sainte soient peu nombreux, et les catholiques de rite latin encore moins, il y a parmi eux une grande variété de communautés. Les chrétiens arabophones constituent la majorité, mais il existe aussi une petite communauté de catholiques de langue hébraïque, et une autre de réfugiés et de demandeurs d’asile. Il a parfois été difficile de maintenir la cohésion de ces communautés, a admis le cardinal Pizzaballa lors de la conférence de presse. « Alors que dans cette guerre, tout le monde s’efforce de diviser, nous nous battons pour rester unis. Cela n’a pas été facile, surtout au début de la guerre. Nous partageons une même foi, mais les gens ont des visions et des idées différentes. Aujourd’hui, la situation est bien meilleure, mais après la guerre, nous devrons parler de nos différences et de notre unité. C’est une chose très saine pour nous, chrétiens, parce que cela nous aide à aller de l’avant. Nous devons grandir dans nos relations et maintenir une relation plus profonde et plus sérieuse les uns avec les autres.
« Il y a encore de l’espoir »
La guerre en Terre sainte a de graves conséquences économiques pour la population chrétienne. Presque tous les chrétiens de Cisjordanie qui travaillaient en Israël ont vu leur permis révoqué depuis le début du conflit, et ceux qui dépendaient des pèlerins ont été confrontés à la paralysie du secteur touristique.
Soulignant qu’il est essentiel que les chrétiens restent pour « garder vivante la mémoire de Jésus sur la terre de Jésus », le patriarche a insisté sur l’importance de donner un message d’espoir qui ne peut toutefois pas être confondu avec une croyance en une solution politique à court terme à la crise.
« Si vous associez l’espoir pour l’avenir avec une solution politique, il n’y a pas d’espoir, car il n’y a pas de solution à court terme. J’aimerais me tromper, mais je crains que ce ne soit pas le cas. Mais l’espérance est une attitude envers la vie, une façon d’affronter la réalité de votre vie avec foi. La foi, c’est croire en la présence de Dieu, qui transcende notre vie terrestre. Lorsqu’on vit dans la foi, on est capable de voir quelque chose qui transcende, qui va au-delà de la sombre réalité dans laquelle nous nous trouvons. Ce n’est qu’avec la foi que cela peut être fait, et c’est encore possible ! » s’est exclamé le patriarche.
« Beaucoup de gens pensent que ce ne sont que de belles paroles, mais c’est la réalité. Partout, que ce soit à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem ou en Israël, je vois des gens merveilleux prêts à faire quelque chose pour les autres. Là où ces actes d’amour désintéressé se produisent, il y a de l’espoir, car cela signifie que quelque chose peut être changé. Peut-être que nous ne pouvons pas changer la situation macro-politique, mais nous pouvons changer quelque chose là où nous sommes, et cela me réconforte », a déclaré le patriarche Pierbattista Pizzaballa, ajoutant : « Parfois, je me sens aussi impuissant parce qu’il y a des problèmes partout, mais face à toutes ces choses merveilleuses qui se font encore dans toutes les parties de notre Église, je vois qu’il y a encore de l’espoir. »
Au cours de la conférence, le cardinal Pizzaballa a remercié la fondation pontificale AED, qui finance des projets en Terre sainte depuis de nombreuses années, et qui, depuis le début de la guerre en octobre 2023, a intensifié son soutien. Selon sa présidente exécutive, Regina Lynch, chargée d’accueillir le patriarche lors de la conférence de presse, « grâce à nos bienfaiteurs, nous avons pu allouer plus de 1,2 million d’euros à l’aide d’urgence aux chrétiens, en réponse à cette crise majeure. Ces projets d’aide d’urgence comprennent de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des opportunités de création d’emplois et de stages. »
« Cependant, la mission de l’AED n’est pas seulement de fournir une aide matérielle aux chrétiens de Terre sainte, mais aussi de prier pour eux et de faire entendre leur voix. De plus, nous avons le devoir de promouvoir la réconciliation et la paix entre les différents groupes religieux et ethniques, aussi impossible que cela puisse parfois paraître », a conclu Regina Lynch.
Felipe d’Avillez