Le synode sur la synodalité permet aux chrétiens de se repréciser la véritable nature de l’Église. Il révèle l’actualité de cette communauté de foi, attaquée plus de l’intérieur que de l’extérieur. Le 11 mai 2010, à Fatima, Benoît XVI affirmait : « Les souffrances de l’Église viennent de l’intérieur même de l’Église, du péché qui existe dans l’Église. (…) la plus grande persécution contre l’Église ne vient pas d’ennemis du dehors, mais elle naît du péché dans l’Église, et l’Église a donc un profond besoin de ré-apprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon mais aussi la nécessité de la justice ».
Des réformes audacieuses sont donc urgentes. Aussi le synode a-t-il suscité une vive effervescence dans le cœur de plusieurs fidèles laïcs et des craintes légitimes dans celui de certains clercs. Les uns et les autres ont peut-être besoin de retourner à la nature de l’Église. (…) Des laïcs espèrent justement davantage d’espace de collaboration et de participation à la vie de l’Église, surtout pour les femmes. Alors que certains clercs craignent de se voir déposséder d’une partie de leur pouvoir, d’autres considèrent cette opportunité comme un moment historique pour changer quelques pratiques ecclésiales. (…) Mais si cette dynamique synodale ne produisait aucune force, de manière concrète et substantielle, d’autres consultations similaires susciteraient vraiment peu d’entrain.
L’ouvrage Le synode sur la synodalité. Défis pour l’Église et chance pour l’Église en Afrique (R. Gbédjinou, octobre 2024) propose des lieux d’application et des conditions pratiques pour une synodalité effective, conforme à la nature de l’Église.
Nous devons apprendre penser en profondeur et ensemble, c’est-à-dire discerner, surtout en nos cultures marquées par la superficialité et l’émotion et le temps médiatique : « Une Église où la pensée s’étiole, est malade de ses dévotions et émotions. » (P.105). L’accompagnement des centres de formation théologique où théologie, pastorale et spiritualité se portent mutuellement est indispensable. Une meilleure gestion-répartition des biens de l’Église est fondamentale. Or, « pour la gestion des ressources humaines et financières, il y a souvent assez d’abus sur fond d’arbitraire dans nos Églises particulières africaines. » (P.123), dus à une mauvaise conception de l’Église et d’un défaut de l’exercice du pouvoir ecclésiastique : « Toute autorité dans l’Église a autant de droits que de devoirs. Elle est soumise à des procédures et délais pour les nominations, les transferts ou révocations, les mesures conservatoires ou procès, etc. et même pour les normes qu’elle-même a définies. » (P.77). Et il faut des mécanismes d’auto-contrôle qu’assure une représentativité plus objective des membres des différents conseils : « Ce qui concerne tous doit être traité par tous, discuté par tous, même si, en dernière instance, il appartient à l’autorité de prendre les décisions et d’effectuer les choix. « Quod omnes tangit ab omnibus tractari et approbari debet : ce qui concerne tout le monde doit être discuté et approuvé par tout le monde » (Cf. 96-97) selon ce principe fondamental des monastères et ordres religieux. Une Église synodale est une Église où la communion se vit en mode de médiation et de réconciliation. Si jadis, quelques-uns ont tenté de taire le mal pour protéger l’institution, aujourd’hui, notre tentation ne serait-elle pas de nous protéger de nos frères ? (P.134).
La réforme dont l’Église a besoin serait sous le mode de l’ablatio, de la conversion et non de création ou de réorganisation de structures. Sans cette forme de réforme, on déforme l’Église.
Père Rodrigue GBEDJINOU
Directeur de l’École d’Initiation Théologique et Pastorale (Cotonou, Bénin)