Ce dimanche 11 mai 2025, l’Église catholique célébrait la 62e Journée mondiale des vocations. Une occasion pour Zenit d’interroger le P. François Bouchard, initiateur d’un projet artistique inédit pour parler de la vocation sacerdotale : montrer une œuvre contemporaine servant de support à un projet pastoral.
Actuellement vicaire à la paroisse Saint-Étienne de Mâcon, en France, le prêtre se déplace à la rencontre des jeunes avec un tableau original contemporain, réplique du célèbre « L’appel de saint Matthieu » du Caravage. Après quelques mois d’expérimentation, l’impact positif se fait déjà ressentir.
Zenit : Comment vous est venue l’idée de réaliser une réplique contemporaine de « La vocation de Saint Matthieu » du Caravage ?
P. François Bouchard : C’est d’abord une histoire d’amitié avec le peintre Bruno Desroche. Conquis par son approche technique et artistique, je lui ai demandé en 2020 l’autorisation d’utiliser l’une des stations de son Chemin de croix pour mon image d’ordination sacerdotale, et il a accepté. Étonnamment, cette image a eu beaucoup de répercussions positives chez les collégiens et les lycéens.

L’appel de saint Matthieu pour aujourd’hui, de Bruno Desroche, 2024 © Luc Paris
Plus tard, j’ai lu le livre « Un geek au paradis » sur le bienheureux Carlo Acutis, qui désirait devenir prêtre. Dans cet ouvrage, le P. Conquer parle du célèbre Caravage et de l’appel vocationnel. Il dit que ce tableau ancien ne parle malheureusement plus aux jeunes contemporains, et qu’il faudrait le repeindre pour pouvoir les rejoindre.
En lisant cela, je me suis dit qu’il fallait absolument faire quelque chose en ce sens pour parler du sacerdoce. Je suis en effet convaincu que Dieu n’appelle pas moins qu’au 16e siècle, mais que c’est peut-être plus dur de répondre aujourd’hui !
J’ai tout de suite pensé à Bruno Desroche, et j’ai porté ce désir dans ma prière pendant plusieurs mois. J’ai fini par le contacter, et nous avons réfléchi ensemble pendant deux ans avant de concrétiser le projet. Le vernissage du nouveau tableau a finalement eu lieu le 22 février dernier en présence des mécènes, des jeunes de l’aumônerie de Mâcon qui ont posé pour le tableau, et de deux évêques : Mgr Benoît Rivière, évêque d’Autun, et Mgr Grégoire Drouot, évêque de Nevers.
Zenit : Comment se déroulent les présentations du tableau et quelle est la réaction de jeunes ?
P. Fr. Bouchard : Ce tableau est une huile sur boisde 50 cm par 65 cm. Il est installé dans une sorte de valise-chevalet pour le présenter avec un système de trépied. La valise est en chêne massif pour protéger le tableau et pour pouvoir l’emmener partout dans les camps, les aumôneries, les collèges, les lycées ou les pensionnats.
Je projette d’abord le tableau du Caravage et je présente ensuite l’œuvre originale contemporaine. Pendant que les jeunes la regardent, je donne un topo d’une quarantaine de minutes pour expliquer la manière dont le tableau a été peint, l’apport de l’artiste, les personnages, la technique etc. À la fin, il y a toujours un temps d’échange d’une vingtaine de minutes.
Pour cette réalisation, je désirais absolument qu’au premier regard, on pense tout de suite au Caravage et au passage de la Bible : « Jésus passant, vit assis au bureau des collecteurs d’impôts, un homme appelé Matthieu, il lui dit ‘suis-moi’, et se levant, il le suivit. » (Mt 9, 9) Le Caravage a fait ce tableau à partir de ce seul verset, c’est cela qui est fou.

La vocation de saint Matthieu, tableau du Caravage, 1599 © Wikipedia.fr
Les personnages ici sont habillés comme des jeunes d’aujourd’hui, avec des sweats à capuche ! Le seul qui garde l’habit d’époque, c’est Jésus lui-même. On voit aussi Carlo Acutis, car il a eu sa place dans la genèse du projet. Carlo est une figure de sainteté qui parle énormément aux jeunes et aux adolescents, et sera prochainement canonisé. Il intercède pour qu’ils puissent entrer en relation avec Dieu, et surtout pour entendre un appel. Carlo invite à lever les yeux vers le ciel et vers le Christ.
Les jeunes sont assez surpris au départ mais sont très vite intéressés par l’œuvre, notamment par le fait que ce soit un tableau contemporain lié à une œuvre ancienne connue. Ce n’est pas commun de parler de la vocation à partir d’une œuvre d’art. Ce qui est beau, c’est que les jeunes voient des détails que l’on n’a pas forcément anticipés ou travaillés directement avec l’artiste ! Et les filles accrochent aussi, parce qu’il y a des dimensions de la vocation qui sont universelles.
Zenit : Pouvez-vous développer l’enjeu pastoral de ce tableau ?
P. Fr. Bouchard : Je désirais un outild’évangélisation qui ait une dimension artistique, pour que les jeunespuissent aussi toucher du doigt la matière. Il ne s’agit donc pas ici seulement d’une œuvre d’art, mais aussi d’une œuvre missionnaire. À l’heure de l’intelligence artificielle et du numérique, il fallait avant tout présenter un tableau original et ne pas projeter une image imprimée, ni changer les couleurs ou les tonalités.

La valise-chevalet contenant la réplique contemporaine © Anne van Merris
Bruno Desroche est d’accord pour que ce tableau original vive avant d’en faire des reproductions. C’est la première fois qu’une de ses œuvres, directement impliquée dans un projet pastoral, le soit de manière itinérante. Il y a vraiment une inspiration dans ce tableau, parce qu’il a été réalisé dans la prière. L’artiste peint en priant, et cela se ressent dans son œuvre.
Il y a aussi quelque chose de très fort aussi que je partage avec Bruno. L’art sacré a longtemps eu une vocation catéchétique, qui finalement était une vocation pastorale aussi. On allait dans les églises pour voir les vitraux et les tableaux lorsqu’on ne savait ni lire ni écrire, et c’était une manière de recevoir une catéchèse.
Ce que j’aime dans l’approche de l’artiste, c’est qu’il n’y a pas besoin d’un décodeur complexe. Il n’y a pas besoin d’avoir fait des études compliquées pour lire ses tableaux : c’est cela qui plaît aussi aux jeunes.
Zenit : Que dit l’Église catholique sur cette initiative ?
P. Fr. Bouchard : Au niveau de mon diocèse, Mgr Rivière est très soucieux depuis plusieurs années de remettre la pastorale vocationnelle, en particulier sacerdotale, au centredu discours auprès des jeunes. Sans doute qu’avec ce que traverse l’Église, beaucoup ont peur aujourd’hui de proposer le sacerdoce : peur d’imposer, peur ou honte de proposer un projet qui ne fait plus rêver. C’était donc pourmoi un souci de remettre ce sujet avec beaucoup de simplicité, sans crainte et sans aucun tabou avec les jeunes.
Le responsable des vocations au sein de la Conférence des évêques de France a également réagi positivement. Le P. Rémy Pignal m’a contacté pour connaître un peu plus le projet, et m’a proposé de le diffuser largement au sein des pôles vocationnels des diocèses afin d’y faire circuler le tableau. Il a également évoqué le Jubilé des jeunes à Rome cet été. Ce serait formidable que le tableau y côtoie celui du Caravage à Saint-Louis-des-Français pour interpeller les nombreux jeunes pèlerins attendus !

L’artiste peintre Bruno Desroches © rcf.fr
Après quelques mois d’expérience, le tableau commence à être demandé dans d’autres diocèses. Il va partir bientôt dans des écoles à Rouen, peut-être à Toulon, à Lourdes devant 450 jeunes, à Besançon, à Nevers, ici bien sûr dans le diocèse d’Autun, et je l’espère à Rome : je l’emporterai pour la canonisation de Carlo Acutis et j’espère le présenter à sa maman, que j’ai la chance de connaître un peu.
Il faut savoir aussi que le pape François aimait aussi beaucoup « La vocation de saint Matthieu » du Caravage, et l’a révélé dans sa dernière biographie. Il avait d’ailleurs fait faire une reproduction pour la résidence Sainte-Marthe où il logeait. En février, je lui ai écrit avec des photos pour lui présenter le projet en lui demandant une audience. Il s’avère que la lettre est arrivée le jour de son hospitalisation. Il m’a cependant répondu quelques jours plus tard, en me remerciant et en m’accordant la bénédiction pour l’œuvre et pour tous les jeunes qu’elle va toucher.
Zenit : J’imagine que vous allez faire connaître cette initiative au nouveau pape ?
P. Fr. Bouchard : Notre nouveau pape Léon XIV recevra bientôt une lettre lui aussi! Je ne doute pas une seconde, à l’écoute de ses premières homélies et prises de parole, qu’il mettra lui aussi les vocations au cœur de son pontificat pour que demain encore l’Évangile du Christ soit annoncé et actualisé dans le cœur de chacun.
Pour demander la valise : contact@lappelaujourdhui.fr
