N. Biswokarma (au fond, 3e à partir de la droite) dans l’église St Joseph de Kohalpur, Népal. © Pragati Shahi / Ucanews

N. Biswokarma (au fond, 3e à partir de la droite) dans l’église St Joseph de Kohalpur, Népal. © Pragati Shahi / Ucanews

Népal : Une famille dalit se convertit au catholicisme

Elle fuit la stigmatisation des « hors castes »

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Première publication le 20 mars 2025 par AD EXTRA

 

Le mois dernier, un homme népalais d’origine hindoue, N. Biswokarma, est devenu catholique avec sa femme et ses trois enfants. Les Dalits représentent environ 14 % de la population népalaise sur environ 30 millions d’habitants. Selon la Fédération chrétienne nationale du Népal, près de 65 % des nouveaux convertis sont dalits (anciennement appelés « intouchables » et toujours considérés comme « hors castes »). Le converti, qui subit les stigmatisations liées à sa communauté depuis l’enfance, explique avoir « trouvé la paix ».

Le jour de son baptême, N. Biswokarma s’est senti libéré de l’obscurité des bas-fonds du système de castes multiséculaire hindou. « Je suis heureux de devenir catholique et je me sens comme un homme nouveau aujourd’hui », confie ce chauffeur de rickshaw de 40 ans, qui habite la petite ville de Kohalpur dans les plaines du sud du Népal, à près de 500 km de Katmandou, la capitale.

Biswokarma est un Dalit. Anciennement appelés « intouchables », les membres de sa communauté sont toujours souvent traités comme des parias. Ils forment près de 14 % de la population du Népal, qui compte environ 30 millions d’habitants. Lui, sa femme et leurs trois enfants âgés de 8, 12 et 17 ans sont devenus catholiques le 4 février dernier dans l’église catholique Saint-Joseph de Kohalpur, dans le district de Banke.

La stigmatisation liée aux Dalits en Asie du Sud

La famille a été baptisée avec trois autres familles après plusieurs mois de préparation aux côtés d’un prêtre catholique, qui souhaite conserver l’anonymat « car la situation n’est pas favorable aux chrétiens » dans la région, confie-t-il. Le prêtre est originaire de l’État indien du Tamil Nadu et dirige actuellement la paroisse de Kohalpur, fondée en 2014.

Biswokarma a reçu le nom chrétien de Siméon lors de son baptême. Il a rencontré le prêtre pour la première fois en avril 2024 via un autre chauffeur de rickshaw appelé Philippe, lui-même converti récemment au catholicisme. « J’avais entendu dire que l’Église traite tout le monde de la même manière, et que personne n’y subit de discrimination à cause de sa caste ou de son apparence », raconte-t-il, en expliquant avoir subi la stigmatisation liée au fait d’être Dalit depuis son enfance.

En grandissant dans son village majoritairement hindou, il a constaté pour la première fois ce que voulait dire « l’intouchabilité » à l’âge de 7 ans. Il jouait au football avec des amis quand il est allé récupérer la balle sous le porche de la maison d’un ami. « Sa mère a commencé à lancer des insultes contre ma famille et moi. Je ne comprenais pas ce que j’avais fait de mal, mais elle a continué en disant que j’avais souillé sa maison en m’appelant ‘Dalit’ », explique-t-il.

« Un oncle m’avait donné une bible en disant que cela m’apporterait la paix »

L’incident a eu lieu il y a plus de 30 ans, mais l’exclusion sociale et les abus ont continué. À l’âge de 17 ans, il est tombé amoureux d’une fille de son école, qui appartenait à une caste supérieure. La famille de celle-ci et d’autres villageois les ont menacés lui et sa famille, forçant le jeune couple à fuir le village. « Nous avons même reçu des menaces de mort. Nous n’étions plus en sécurité, donc nous avoir dû fuir en Inde où nous nous sommes mariés en 2004. » Ils ont trouvé du travail à Nainital, une ville de l’État de l’Uttarakhand où ils ont passé plus d’un an avant de retourner au Népal, en choisissant Kohalpur, à 30 km de leur village natal.

« Quand il nous a approchés pour la première fois, il était un peu désorienté. Puis il a ouvert son cœur, il s’est mis à parler des discriminations de caste qu’il avait subies », confie le curé indien de la paroisse de Kohalpur. Le prêtre explique que les Dalits du sous-continent indien échappent difficilement à cette stigmatisation. « C’est pourquoi nous nous assurons qu’il n’y a plus ni riche ni pauvres, ni puissants ni faibles dans une église. Nous essayons de traiter tout le monde avec la même dignité. » Biswokarma estime que la paroisse lui a offert « le refuge dont il avait le plus besoin ».

Il a commencé à suivre les messes du samedi avec sa famille, et ils ont peu à peu pris part aux activités. « Il suivait les études bibliques régulièrement, et il a fait preuve d’un engagement fort envers la foi », confie le prêtre. Biswokarma avait déjà découvert la Bible avant de quitter le Népal en 2004. « Un oncle maternel qui s’était converti au christianisme m’avait remis une copie, en disant que cela m’apporterait la paix et la force dans les difficultés », raconte le père de famille.

« Près de 65 % des nouveaux convertis sont Dalits »

À son retour au Népal en 2006, son frère lui a prêté de l’argent pour qu’il puisse acheter un rickshaw pour 310 000 roupies (un peu plus de 2 000 euros), et il a commencé à gagner environ 600 roupies par jour pour soutenir sa famille. Sa femme élève des chèvres pour améliorer leurs revenus. Biswokarma avait voulu devenir chrétien dès l’âge de 18 ans ; il avait même approché des pasteurs protestants, dont un ami qui s’était converti et qui était devenu pasteur d’une église locale. « C’était un ami proche, mais quand il est devenu pasteur, il a arrêté de me parler. Il a commencé à avoir une attitude méprisante qui m’a fait fuir. »

Il a donc dû attendre de rencontrer le prêtre de Kohalpur, qui l’a « réconforté et aidé à comprendre la Parole de Dieu ». Il explique avoir lu le passage de la rencontre de Jésus avec la femme samaritaine (Jn 4, 4-12), qui l’a fortement marqué. « L’histoire de Jésus demandant à boire à la Samaritaine m’a vraiment beaucoup parlé. » Il a commencé à étudier la Bible en avril 2024, alors qu’il transportait les passagers en journée, et il passait ses soirées à étudier la Bible et à prier avec sa famille.

« Je sais que le fait d’appartenir à l’Église ne suffit pas à mettre fin à la stigmatisation des Dalits », reconnaît-il. Toutefois, beaucoup d’entre eux se convertissent au christianisme. « Près de 65 % des nouveaux convertis sont Dalits », selon la Fédération chrétienne nationale du Népal (Federation of National Christian Nepal). Selon le dernier recensement de 2021, on comptait 512 313 chrétiens soit 1,7 % de la population totale du pays. Près de 10 000 d’entre eux sont catholiques.

La Constitution du Népal et plusieurs lois interdisent les discriminations basées sur les coutumes, rituels, traditions, religions, castes, origines ethniques, culturelles et familiales, communautés, métiers ou secteurs professionnels, mais les Dalits continuent d’être traités comme des êtres inférieurs au quotidien. Mais Biswokarma jure que lui et sa famille trouvent leur consolation dans la prière et la compagnie de leurs frères et sœurs catholiques. « Dans l’Église, j’ai enfin trouvé la paix que je cherchais depuis longtemps. »

(Avec Ucanews)

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