Première publication le 7 mars 2025 par l’AED
À l’occasion de la Journée internationale des femmes, l’AED s’est entretenue avec sœur Marie Akl, religieuse de la Congrégation du Bon Pasteur, au sujet de son précieux travail dans un centre de protection pour jeunes vulnérables à Nabaa, au Liban. Grâce à des ateliers, une prise en charge globale et même à des cours d’autodéfense, les filles et adolescentes parviennent à surmonter leurs traumatismes.
A qui s’adresse votre aide ?
Nous venons en aide à des jeunes filles vulnérables, principalement issues de familles pauvres. Ces jeunes filles sont vulnérables en raison de leur exposition à la violencedomestique, aux abus, à la pauvreté, à la traite d’être humain et aux mauvais traitements. Ces problèmes engendrent de la violence, qui a un impact dévastateur sur leur santé mentale et physique. Ces filles grandissent dans un environnement très difficile. Elles ont besoin d’outils pour développer des dynamiques saines, ainsi que de protection et de soutien psychologique. Cependant, l’accès aux services de santé mentale est vraiment compliqué. Nous organisons des séances de sensibilisation à leurs droits, afin de leur montrer qu’elles sont des personnes fortes. Nous organisons aussi des rencontres avec les familles, pour aider les parents à mieux protéger leurs enfants.
Pourquoi votre travail dans ce domaine est-il si important ?
Notre travail est non seulement important, mais crucial, car ces jeunes filles viennent de milieux défavorisés, marqués par une pauvreté extrême et des abus à tous les niveaux. Elles n’ont souvent pas accès à l’éducation. Pourtant, c’est précisément l’accès à l’éducation qui leur permettrait d’échapper à leur situation de pauvreté et de devenir des femmes indépendantes, épanouies et responsables.
Lors des cours d’autodéfense, elles apprennent des techniques pour se défendre en cas d’agression, tandis que la danse et la peinture les aident à développer leur estime de soi. Elles adorent danser.
Que deviendraient ces filles si elles n’avaient pas accès à ce centre ?
Sans soutien, elles seraient exposées aux drogues, à la délinquance, à la prostitution ou aux groupes criminels. Elles ont subi de nombreux traumatismes, souffrent d’anxiété, de dépression, de troubles de l’attachement et ont du mal à faire confiance aux autres. Ces traumatismes sont profondément ancrés et affectent de nombreux aspects de leur vie, comme leur apprentissage. Leur offrir de tels espaces est crucial pour leur permettre de se reconstruire et devenir des femmes fortes et stables. Pour le moment, elles manquent de stabilité. La plupart d’entre elles ne disposent pas d’un espace sûr et calme, et il est essentiel de leur en offrir un.
Comment financer ce projet dans un contexte de crise économique ?
Malheureusement, les services de santé mentale sont très limités et coûteux. Les ONG jouent un rôle essentiel dans le soutien de cette population vulnérable : il s’agit de jeunes filles confrontées quotidiennement à la criminalité. C’est pourquoi nous les aidons, afin de réduire les risques qu’elles soient entraînées dans cette voie également. Très peu de personnes travaillent sur ce sujet. En théorie, c’est au gouvernement de s’occuper de ces jeunes filles vulnérables, mais malheureusement, de nombreux centres ont fermé leurs portes en raison de la crise économique, tandis que le nombre de ces jeunes filles vulnérables augmente. Cette mission nous tient beaucoup à cœur, ainsi qu’au cœur de Jésus.
Rien de tout cela n’aurait été possible sans le soutien de l’AED surtout ces deux dernières années. Nous savons qu’ils ont fait une exception pour soutenir cette mission, et nous leur en sommes profondément reconnaissants. Nous remercions l’AED pour son aide, en particulier dans cette région.
Quel est votre rôle en tant que religieuses et éducatrices et en quoi est-ce si particulier ?
Notre rôle en tant que thérapeutes et religieuses est d’aider ces filles à prendre leurs responsabilités, de leur montrer qu’elles peuvent se confier en toute sécurité et exprimer leurs émotions. Nous ne pouvons pas changer leur environnement, mais nous pouvons les aider à grandir en estime de soi et à briser le cycle du traumatisme.
Notre approche est holistique, basée sur l’écoute, le soutien, l’accompagnement, et également sur la protection. Au moins, ces filles bénéficient d’un environnement protégé l’après-midi. Elles peuvent rencontrer des psychologues, un orthophoniste, un travailleur social et recevoir de l’aide pour leurs devoirs. L’accompagnement spirituel est aussi d’une grande aide. Notre centre offre un lieu de confort et de confiance, où ces jeunes filles peuvent s’exprimer librement et prendre les bonnes décisions pour leur avenir. Nous essayons de leur donner les outils nécessaires pour qu’elles puissent devenir des modèles de changement pour d’autres dans le futur.
Quelles différences constatez-vous chez les filles entre le moment où elles ont intégré le projet et celui où elles l’ont quitté ? Avez-vous remarqué un impact sur elles et leur famille ?
Il est difficile de parler d’un taux de réussite complet, mais nous essayons toujours de nous améliorer. Nous avons vu une amélioration considérable chez ces filles. Elles trouvent un sens à leur vie et peuvent faire face aux défis que la vie leur réserve. Certaines ont obtenu leur diplôme et sont à l’université avec d’excellentes notes. Je travaille avec elles, et j’aimerais partager un exemple : pendant un an, j’ai accompagné l’une d’elles. Elle avait 14 ans lorsque je l’ai rencontrée. Elle subissait de terribles abus de la part de son père, et elle n’était pas la seule dans la famille… J’ai travaillé avec cette jeune fille pendant un an, et vous ne pouvez pas imaginer combien elle a changé en si peu de temps. Elle et sa mère ont fui leur maison, car son père voulait tuer sa mère. En fait, sa mère avait changé le prénom de sa fille par peur que le père ne les retrouve et leur fasse du mal. Cette jeune fille ne pouvait même pas se regarder dans un miroir. Elle ne sortait jamais de chez elle, etc. Aujourd’hui, elle se tient devant le miroir, elle n’a plus peur, elle sort, se fait des amis… Elle se sent en sécurité. Le soutien et la thérapie sont vraiment remarquables, et nous sommes ravis des résultats que nous observons. C’est un lieu de confiance et de chaleur où ces filles se sentent à l’aise et en sécurité.
En 2024, dans le monde entier, l’AED a soutenu 936 projets avec des religieuses pour plus de 10,4 millions d’euros. L’aide a principalement concerné des projets de construction (3 M €), des véhicules (1,4 M €), la formation religieuse (2,9 M €) et l’aide à la subsistance (2,5 M €). Une aide d’urgence a également été apportée à des écoles gérées par des congrégations féminines au Liban, ainsi qu’à des religieuses dans des régions très pauvres et abandonnées d’Amérique latine.
Charlotte Halle & Lucia Ballester