Pierre Goursat est vénérable (15 août 1914 - 25 mars 1991) © Francis Kohn

Pierre Goursat est vénérable (15 août 1914 - 25 mars 1991) © Francis Kohn

Interview : Le vénérable Pierre Goursat, un humble fondateur

Zenit a interrogé Mgr Francis Kohn, postulateur de la cause de béatification de Pierre Goursat 

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Le serviteur de Dieu français Pierre Goursat a été déclaré vénérable par le pape François ce mercredi 18 décembre. Fondateur de la communauté internationale de l’Emmanuel, sa vie est un témoignage de foi et de prière, de compassion envers les plus pauvres et d’une grande passion pour l’évangélisation.

Zenit a interrogé Mgr Francis Kohn, postulateur de la cause de béatification et auteur du livre « Pierre Goursat, Une vie dans le souffle de l’Esprit Saint ». Mgr Kohn publiera en mars prochain une biographie complète du vénérable Pierre Goursat.

 

Zenit : Comment la cause de canonisation de Pierre Goursat a-t-elle été introduite ?

Mgr Francis Kohn : Fin 2008, alors que je terminais ma mission au Vatican au service des jeunes et des Journées mondiales de la jeunesse, le modérateur de la communauté de l’Emmanuel m’a demandé si j’acceptais d’être postulateur de la cause de Pierre Goursat. Et j’ai accepté.

La postulateur de la cause, Mgr Francis Kohn © Francis Kohn

La postulateur de la cause, Mgr Francis Kohn © Francis Kohn

Une cause de canonisation est un processus très long et complexe. Cela fait plus de 15 ans que je suis sur ce travail ! La phase diocésaine a été introduite officiellement à Paris début janvier 2010 par le cardinal André Vingt-Trois, alors archevêque de Paris, et a duré jusqu’à fin 2015. Le cardinal a nommé un tribunal ecclésiastique et une commission historique, et il a fallu ensuite faire de nombreuses recherches.

Ayant été à nouveau nommé postulateur pour la seconde étape, la phase romaine, j’ai emmené à Rome début janvier 2016 un dossier de 12 000 pages. Il y a eu ensuite tout un processus qui a duré jusqu’à maintenant. Il a fallu notamment que je rédige un rapport de synthèse très précis, appelé Positio, qui fait près de 1 000 pages.

Cette dernière phase avait deux objectifs. Permettre au Dicastère pour les Causes des saints, tout d’abord de reconnaître l’héroïcité des vertus de Pierre Goursat, c’est-à-dire qu’il a vécu les vertus chrétiennes de façon extraordinaire, à un degré très élevé. Et ensuite la réputation de sainteté du Serviteur de Dieu, son rayonnement tout au long de sa vie, au moment de sa mort et après. J’ai recueilli des centaines de témoignages de grâces reçues par l’intercession de Pierre.

On entre maintenant dans une nouvelle phase, qui va consister à présenter des « miracles présumés » dûs à son intercession, afin qu’ils puissent être reconnus, l’un pour sa béatification, le second pour sa canonisation. C’est le travail qui reste à faire dans les années à venir pour que Pierre puisse éventuellement être déclaré un jour bienheureux, puis saint.

Zenit : Vous qui avez bien connu Pierre Goursat, que se dégage t-il de sa personnalité ?

Mgr F. Kohn : Je suis en effet l’un des quelques membres de la communauté de l’Emmanuel à l’avoir connu avant qu’il la fonde en 1972, et j’ai été l’un de ses proches collaborateurs. Quand je l’ai rencontré en 1969, il avait 55 ans et avait déjà derrière lui une longue vie professionnelle dans le monde de la culture et du cinéma.

Un fondateur humble et discret © Francis Kohn

Un fondateur humble et discret © Archives de la communauté de l’Emmanuel

Ces dernières années, les vertus de Pierre ont été étudiées à la loupe, notamment les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité. La foi et l’espérance, c’est très clair, qu’il les a exercées à un degré très élevé. Dans une époque troublée de l’Église, il a toujours été de l’avant et ne s’est jamais découragé, malgré les difficultés qu’il a pu rencontrer, que ce soit dans sa vie personnelle ou comme responsable de la communauté de l’Emmanuel.

Pierre était un homme très sensible, d’une grande charité envers tous et envers les pauvres en particulier. Il était également très énergique et doté d’une grande force d’âme malgré sa santé précaire. À 19 ans, il a failli mourir de tuberculose. Au cours de sa vie, il a dû faire plusieurs longs séjours dans des sanatoriums, mais il a toujours survécu.

Enfin, la vertu qui est très largement attestée par ceux qui l’ont connu et qui enveloppe toutes les autres vertus, c’est l’humilité de Pierre, qui n’a jamais voulu se mettre en avant ou se faire valoir, et n’a jamais recherché de privilèges.

Zenit : Et que pouvez-vous partager sur sa spiritualité ?

Mgr F. Kohn : C’était un homme de prière et un adorateur. Il a été l’un des pionniers de la redécouverte de l’adoration eucharistique à une époque où l’adoration du Saint-Sacrement avait pratiquement disparu en France. Pierre Goursat avait beaucoup d’intuitions spirituelles parce qu’il passait chaque jour de longues heures en prière, cherchant à faire la volonté de Dieu.

Le pape Jean-Paul II et Pierre Goursat le 2 octobre 1980 © Osservatore Romano

Le pape Jean-Paul II et Pierre Goursat le 2 octobre 1980 © Osservatore Romano

Par sa vie, il a montré que prier et s’engager dans le monde n’est pas contradictoire, mais complémentaire. C’est parce qu’il a été un grand adorateur qu’il a été aussi un grand évangélisateur. Pierre Goursat a voulu résumer la vocation de la communauté de l’Emmanuel par ces trois mots « adoration, compassion, évangélisation ». La compassion, expliquait-il, est la conséquence directe de l’adoration, et conduit nécessairement à l’évangélisation. Il s’agissait pour lui d’une dynamique spirituelle, fruit de son expérience personnelle. 

Pierre était très proche de la « petite voie » de l’enfance spirituelle de sainte Thérèse de Lisieux, la voie de ceux qui font confiance à Dieu, et qui ayant pris conscience de leur faiblesse, s’en remettent à Dieu, qui lui peut tout faire. À la suite de la petite Thérèse, et de façon très moderne, il a montré que la sainteté est non seulement possible pour tous, mais qu’elle est à vivre au cœur de la vie quotidienne.

Pierre était également proche de François de Sales, un saint du 17e siècle, qui a montré lui aussi que la sainteté n’est pas réservée aux clercs et religieux, mais que tout baptisé est appelé à devenir saint, quels que soient sa condition et son activité professionnelle.

Zenit : En fondant la communauté de l’Emmanuel, qu’est-ce que Pierre Goursat a apporté à l’Église catholique ?

Mgr F. Kohn : Pierre Goursat avait un amour immense pour l’Église. Il a cherché à enraciner la communauté de l’Emmanuel dans l’Église catholique et a contribué à son renouveau spirituel, bien au-delà du Renouveau charismatique. Il a été un témoin de l’espérance : il n’a pas baissé les bras à une période troublée, dans un contexte ecclésial et sociétal marqué par la contestation et la remise en cause de la foi chrétienne.

En 1975, Pierre Goursat a eu l’intuition de proposer aux autres communautés et aux groupes de prière du Renouveau charismatique de se rassembler à Paray-le-Monial, à une époque où le culte du Sacré-Cœur était délaissé. Grâce à l’amour qu’il avait pour l’Église et le Cœur de Jésus, il a remis en valeur et dépoussiéré le culte du Sacré-Cœur en mettant l’accent sur la tendresse et la miséricorde, selon le message que Jésus avait adressé à sainte Marguerite-Marie au 17e siècle.

Son apport a été également de mettre en œuvre les grandes intuitions du Concile Vatican II. En fondant la communauté de l’Emmanuel, il a été l’un des premiers à mettre en œuvre concrètement une vie fraternelle réunissant à la fois des laïcs, des « consacrés » pour le Royaume et des prêtres, pouvant s’appuyer les uns sur les autres, afin de se mettre ensemble au service de l’Église et de l’évangélisation.

Zenit : Une petite anecdote ou un fait marquant sur Pierre?
Petit livre de Mgr Francis Kohn sorti le 24 mai 2023 © librairie-emmanuel.fr

Livre de Mgr Francis Kohn sorti le 24 mai 2023 © librairie-emmanuel.fr

Mgr F. Kohn : Pierre Goursat vivait très pauvrement et était toujours habillé de la même façon. Les gens qui découvraient la communauté pensaient rencontrer un fondateur bien visible sur l’estrade, mais il était le plus souvent au fond de la salle, ne disait rien, et certains le prenaient pour un clochard ou un marginal que l’on accueillait !

Pierre avait une personnalité très originale. Il avait une grande liberté intérieure, il était totalement détaché du regard des autres. Comme il mangeait très peu à cause de sa santé, il avait souvent besoin de picorer une biscotte, avec un bout de fromage et de la confiture. Et il ne s’embarrassait jamais ! Un jour, par exemple, alors que nous arrivions dans le bureau d’un évêque, il était en train de manger son yaourt qu’il a remis tout naturellement dans sa poche lorsque celui-ci lui a tendu la main pour l’accueillir ! Ainsi, Pierre était le même avec tous, les « petits » ou les « grands ».

 

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Anne van Merris

Anne van Merris est journaliste, formée à l’Institut de journalisme européen Robert Schuman à Bruxelles. Elle est mariée et mère de quatre enfants.

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