Le pape François lors de l’audience du 6 mars 2024 © Vatican Media

Le pape François lors de l’audience du 6 mars 2024 © Vatican Media

Santé, diplomatie et œcuménisme : les problèmes du Saint-Père

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Résumé de la semaine du 4 au 10 mars 2024

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Ce 13 mars, le pape François fête les 11 ans de son élection en tant que 266e successeur de saint Pierre. Tout au long de ce pontificat, il y a eu des photos et des vidéos emblématiques. L’une d’entre elles date du 6 mars 2024 : le Pape sort de son fauteuil roulant pour monter dans la papamobile, mais il n’y parvient pas.

Ces dernières semaines nous ont montré un pape à une nouvelle étape de sa vie. Une étape marquée par la maladie et l’effort. Il est vrai que la charge de travail assumée par François à 87 ans est impressionnante. Cependant, cet agenda rend visibles les limites que le Pontife reconnaît lui-même : non seulement il a renoncé au cours des quinze derniers jours à prononcer lui-même ses discours (Monseigneur Filippo Ciampanelli ou Pierluigi Giroli les ont lus en son nom) mais il a également tenu à dire, au début des audiences, ce qu’il ressent et pourquoi il ne les lit pas lui-même.

Outre ses problèmes de santé, le pape a dû faire face à deux autres crises la semaine dernière : une crise diplomatique d’une part, et une crise œcuménique d’autre part.

La crise diplomatique a été provoquée par une interview qui, avant même d’être rendue publique a déjà déclenché une polémique. Début février 2024, le pape a accordé une interview à la Radio Televisione Svizzera. L’interview sera diffusée le 20 mars. Cependant, quelques extraits ayant déjà été publiés en avant-première, une réponse du pape a été divulguée. Elle n’a pas été du goût du gouvernement ukrainien. 

L’intervieweur (Lorenzo Buccella) demande à François : « En Ukraine, certains appellent au courage de la reddition, du drapeau blanc. Mais d’autres disent que cela légitimerait les plus forts, qu’en pensez-vous ? » 

Et la réponse du Saint-Père est : « C’est une interprétation. Mais je crois que le plus fort est celui qui voit la situation, qui pense au peuple et qui a le courage de hisser le drapeau blanc et de négocier. Et aujourd’hui, on peut négocier avec l’aide des puissances internationales. Elles sont là. Le mot « négocier » est un mot courageux. Quand vous voyez que vous êtes vaincus, que les choses ne vont pas bien, ayez le courage de négocier. Et vous avez honte, mais si vous continuez comme ça, combien de morts y aura-t-il ? Et cela finira encore plus mal. Négociez à temps, cherchez un pays médiateur. Aujourd’hui, par exemple, avec la guerre en Ukraine, nombreux sont ceux qui veulent servir de médiateurs. La Turquie, par exemple… N’ayez pas honte de négocier avant que la situation ne s’aggrave ».

Le journaliste insiste encore et lui demande : « Avez-vous vous-même proposé de négocier ? »

Et le pape François de préciser : « Je suis ici, point final. J’ai envoyé une lettre aux Juifs d’Israël, pour réfléchir à cette situation. Négocier n’est jamais se rendre. C’est le courage de ne pas conduire le pays au suicide. Les Ukrainiens, avec l’histoire qu’ils ont, les pauvres, les Ukrainiens à l’époque de Staline, combien ils ont souffert... ». Le journaliste lui demande à nouveau : « Est-ce le blanc du courage ? » Ce à quoi le pape répond : « Bien sûr, c’est le blanc du courage. Mais parfois, la rage qui conduit au courage n’est pas blanche... ». 

C’est le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmitry Kubela, qui a répondu publiquement au pape le dimanche 10 mars sur les médias sociaux : « Le plus fort est celui qui, dans la bataille entre le Bien et le Mal, prend le parti du Bien au lieu d’essayer de les mettre sur un pied d’égalité et d’appeler cela des « négociations ». »

 « En ce qui concerne le drapeau blanc, a ajouté le ministre, nous connaissons la stratégie du Vatican depuis la première moitié du XXe siècle. Je demande instamment de ne pas répéter les erreurs du passé et de soutenir l’Ukraine et son peuple dans leur juste lutte pour la vie (…) Notre drapeau est jaune et bleu. C’est pour ce drapeau que nous vivons, mourrons et vaincrons. Nous ne brandirons jamais un autre drapeau. »

L’ambassadeur ukrainien auprès du Saint-Siège s’est également exprimé sur les médias sociaux : « Il est très important d’être cohérent ! Lorsque l’on parle de la troisième guerre mondiale, celle que nous connaissons actuellement, il est nécessaire de tirer les leçons de la deuxième guerre mondiale : quelqu’un a-t-il alors sérieusement parlé de négociations de paix avec Hitler et du drapeau blanc pour le satisfaire ? Il n’y a donc qu’une seule leçon : si l’on veut mettre fin à la guerre, il faut tout faire pour tuer le Dragon ! »

La salle de presse du Saint-Siège a dû se manifester pour « clarifier » la pensée du Pape. Le porte-parole Matteo Bruni a déclaré à la presse accréditée (traduction de ZENIT) : « Le pape utilise le terme de drapeau blanc, et répond en reprenant l’image proposée par l’intervieweur, pour indiquer la cessation des hostilités, la trêve obtenue avec le courage de la négociation. A un autre moment de l’interview, parlant d’une autre situation de conflit, mais se référant à toute situation de guerre, le Pape affirme clairement : « la négociation n’est jamais une reddition ». Le souhait du pape reste le même que celui qu’il a toujours répété ces dernières années, et qu’il a répété récemment à l’occasion du deuxième anniversaire du conflit : « En renouvelant ma profonde affection pour le peuple ukrainien martyr et en priant pour tous, en particulier pour les innombrables victimes innocentes, j’implore que nous puissions trouver ce brin d’humanité qui permettra de créer les conditions d’une solution diplomatique dans la recherche d’une paix juste et durable’’. »

À la crise diplomatique s’ajoute une crise œcuménique : la déclaration Fiducia Supplicans, qui autorise les « bénédictions pastorales » pour les couples de même sexe, a été accueillie défavorablement par la plus grande communauté orthodoxe du monde (les orthodoxes russes). Une autre communauté orthodoxe, les coptes égyptiens, ont également fait connaitre leur réprobation. Jusqu’alors l’Église catholique entretenait de très bonnes relations avec les coptes. À tel point qu’en mai 2023, le patriarche Tawadros (qu’ils appellent le pape) avait coprésidé l’audience générale avec le pape François sur la place Saint-Pierre, tous deux avaient inclus le catalogue des coptes martyrs en Libye et ils avaient même été autorisés à célébrer la messe dans la cathédrale de Rome. Mais alors que les orthodoxes russes se contentent d’indiquer que la Fiducia Supplicans s’éloigne de l’enseignement moral chrétien, les coptes orthodoxes vont plus loin dans leur désapprobation.

Après avoir étudié la Fiducia Supplicans, les coptes orthodoxes ont décidé de prendre trois mesures :

  1. suspendre le dialogue théologique avec l’Église catholique
  2. réévaluer les résultats obtenus par le dialogue depuis ses débuts il y a vingt ans
  3. établir de nouvelles règles et de nouveaux mécanismes pour que le dialogue se poursuive à l’avenir

En résumé : Fiducia Supplicans fait reculer de vingt ans le cheminement œcuménique avec les coptes.

Dans ce contexte, une lueur d’amélioration de l’état de santé du Pape a pu être constatée le vendredi 8 mars : le pape François s’est rendu dans une paroisse romaine pour présider la liturgie pénitentielle dans le cadre de l’événement annuel  » 24 heures pour le Seigneur « . Il a pu lire seul l’intégralité de l’homélie, signe d’un début de rétablissement. 

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Rédaction

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