Les vierges folles séduites par le Tentateur (cathédrale de Strasbourg)

Les vierges folles séduites par le Tentateur (cathédrale de Strasbourg)

La vie est « attente » et « pèlerinage », par Mgr Francesco Follo

Êtres prêts pour la rencontre

Share this Entry

Avec le souhait de comprendre qu’un cœur pur est toujours prêt même quand le corps dort

 

Rite Romain

XXXII Dimanche du Temps ordinaire – Année A – 12 Novembre 2023

Sag 6,12-16; Ps 62; 1 Ts 4,13-18 [4,13-14]; Mt 25,1-13

 

1) La vraie vigilance est prudente.

C’est être réaliste que de reconnaitre que notre vie sur terre est fragile. Comment ne ne pas nous reconnaître dans e bref poème du poète italien « On est là comme sur les arbres les feuilles d’automne ». Si nous avons la grâce de croire, nous vivons cette caducité non comme une frustration à éviter en cherchant à savourer l’instant présent. Pour le chrétien, la vie, aussi fragile soit-elle, est « vigilance », attente d’une rencontre et un pèlerinage vers la vraie Vie, la Vie éternelle. Sans la perspective d’une rencontre pleine de sens et porteuse d’éternité, le sens de la vie est bouleversé : il cède à la frénésie pour cacher le désespoir. 

               Pour nous aider à vivre cette vigilance qui se fait pèlerinage, l’évangile d’aujourd’hui nous propose la parabole des dix vierges. Parabole qui illustre bien  le dicton de Mt 24,42 : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient ».

Si d’un côté, l’accent est mis sur la nécessité d’être prêts pour ne pas être exclus de la fête nuptiale, de l’autre il est rappelé que l’attente vigilante et prudente concerne la venue du Christ glorieux, appliquant sur lui l’image de l’Epoux que l’Ancien Testament utilise pour Dieu.

En divisant le groupe des dix vierges en deux catégories, cinq prévoyantes et cinq insouciantes, comme ces personnes qui construisent sur la roche ou sur le sable (cf. Mt 25, 1-13), Saint Matthieu décrit la façon dont se passaient les noces entre Juifs à l’époque de Jésus. Celles-ci impliquaient aussi un cortège de jeunes filles (c’est le sens donné au mot « vierge »), qui accompagnait les époux, généralement vers le soir (d’où l’utilisation des lampes).

L’époux se rendait dans la maison paternelle de la future épouse pour l’amener dans la sienne, mais il devait d’abord conclure des accords avec le père, un contrat nuptial. Il pouvait arriver qu’ils doivent encore à discuter et que les choses s’étirent à la longue. Les cinq vierges prévoyantes montrent qu’elles sont prêtes à toute éventualité, portant avec elles de l’huile pour alimenter leurs lampes, au cas où l’attente devenait plus longue que prévue.

Ce qui distingue les deux groupes de jeunes filles n’est pas la vigilance, mais la prudence face à l’imprévu : en effet le passage de l’évangile nous raconte qu’elles s’assoupirent toutes et s’endormirent, quand l’éventualité du retard se vérifia.

Pourquoi certaines furent prudentes et d’autres pas ? Ce n’était pas seulement une question de bon sens, mais d’amour.

L’amour est la vertu avec laquelle on vit l’attente vigilante et prudente. Si on attend intensément, ardemment, celui qu’on aime, on se prépare à tout et on prend toutes les précautions nécessaires, on pense à tous les détails qui permettront à cette attente de se dérouler le mieux possible et à la rencontre avec l’Epoux de se réaliser.

A l’image de ces vierges prudentes et prévoyantes qui attendent l’époux avec les lampes allumées, après avoir pris la précaution de se faire une réserve d’huile. Contrairement aux cinq jeunes filles insouciantes, celles-ci ont été prévoyantes, car éprises de l’époux qu’elles attendent. Même si le sommeil les surprend, elles ont eu la prudence d’acheter de l’huile pour ne pas risquer de ne pas rencontrer l’Epoux, ajoutant leur lumière à celle du Christ et marchant avec lui vers la fête nuptiale. Sans l’amour pour les motiver elles n’auraient pas pensé à devoir se fournir en huile et seraient restées sans la lumière de l’amour. Seul l’amour pour le Christ, l’Epoux qui vient pour nous faire entrer dans son Royaume nous motive à attendre avec prudence, de manière active et assidue, sans crainte, car même si le corps est endormi, le cœur veille.

2) L’huile de la lampe est l’amour.

Il est à noter que l’Epoux est le premier à aimer, l’attente n’est pas la cause de la rencontre mais celle-ci ne se réalise pas sans l’attente entretenue par le cœur vigilant. Sachons également présenter cette attente en priant : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. Je t’ai contemplé au sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire. Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres ! Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. Comme par un festin je serai rassasié ; la joie sur les lèvres, je dirai ta louange. Dans la nuit, je me souviens de toi et je reste des heures à te parler. Oui, tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes » (Ps 62 – Psaume responsorial de la Messe d’aujourd’hui)

Mais pourquoi le cœur des jeunes filles prudentes, pourtant si ouvert dans l’attente de l’Epoux, est-il fermé au partage de l’huile avec les autres jeunes filles, qui le leur demande avec insistance et préoccupation ? 

Je vous propose une interprétation spirituelle : « La lampe appartient à toutes les vierges, l’huile que les unes refondent est un don qu’elles ont reçu de Celui qui l’accroît. Chaque jeune fille doit alimenter amoureusement sa relation avec celui qui vient, avant que l’huile ne commence à manquer. C’est pourquoi il ne peut pas passer de l’une à l’autre, ne peut être reçu que de celui qui peut le donner à tous. L’huile de la relation d’amour ne peut être acheté et vécu par personne interposée. L’Epoux qui est sa réserve le donne et le verse dans de petites bocaux. L’important n’est pas d’en avoir beaucoup, mais veiller à ce qu’il n’en manque pas et que la lampe reste allumée jusqu’ l’arrivée de l’époux » (D. Mongillo, Per lo Spirito in Cristo al Padre, Bose, Ed. Qiqajon, 2005 pag. 16-19).

Naturellement la phrase de l’Evangile d’aujourd’hui : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient », ne s’adresse pas qu’aux personnes appelées à la virginité. Elle vaut pour tous les chrétiens et pour tous les temps. La vigilance doit être comprise comme une attitude vitale générale faite de désir et d’attention, d’amour actif et d’espérance.

Les vierges sages sont ces personnes qui ont saisi le moment favorable de leur permanence sur Terre pour faire de bonnes actions, et se sont préparées à la venue du Seigneur. Les vierges insouciantes sont ces personnes, inattentives et obtuses qui ne se préoccupent que des choses présentes et oublient les promesses de Dieu, n’entretiennent pas la flamme de l’espérance de la résurrection. 

Un exemple de comment vivre l’existence quotidienne, chez soi ou au travail, nous vient des vierges consacrées.

En se donnant totalement au Christ-Epoux, ces femmes montrent que l’on peut vivre la vie comme une attente, en faisant de la journée, du travail, des occupations, un pas vers l’infini, c’est-à-dire avec le corps sur terre mais l’âme au ciel. Ces consacrées témoignent que l’on peut ne se « préoccuper » que du Christ, et leur unique « préoccupation » est d’être des femmes de prière qui regardent en Haut, là où règne la joie. 

  C’est le propre de leur vocation comme le rappelle la prière de l’évêque le jour de leur consécration : « Ecoute Seigneur ton Eglise en prière : dans ton amour, prends pitié de celle que tu as appelée ; conduis-la dans la voie du salut et pour qu’elle désire ce qui te plaît et soit toujours vigilante pour l’accomplir. Par Jésus, le Christ notre Seigneur » (Rituel de consécration des Vierges, n 34) 

Lecture Patristique

Saint Grégoire de Nazianze (320 – 389)
Discours 40, 46

PG 36, 425

Aussitôt après ton baptême, tu te tiendras debout devant le grand sanctuaire, pour signifier la gloire du monde à venir. Le chant des psaumes qui t’accueillera est le prélude des louanges célestes. Les lampes que tu allumeras préfigurent ce cortège des lumières qui conduira au-devant de l’Époux nos âmes resplendissantes et vierges, munies des lampes étincelantes de la foi.

Prenons garde à ne pas nous abandonner au sommeil, par insouciance, de peur que celui que nous attendons ne se présente à l’improviste, sans que nous l’ayons vu venir. Ne restons pas sans provision d’huile et de bonnes oeuvres, de crainte d’être exclus de la salle des noces.

Je vois, en effet, ce que sera ce malheur si affligeant. L’Époux arrivera. Une voix puissante nous appellera à nous présenter devant lui. Toutes les âmes prudentes iront à sa rencontre avec leur lampe allumée et une réserve d’huile très abondante. Les autres, pleines d’inquiétude, chercheront bien tardivement à en obtenir auprès de celles qui en seront pourvues.

L’Époux fera son entrée en grande hâte. Les premières entreront avec lui. Les autres, tout occupées à préparer leurs lampes, ne trouveront pas le temps d’entrer et seront laissées d ehors au milieu des lamentations. Elles se rendront compte trop tard de ce qu’elles auront perdu par leur insouciance. Alors, malgré toutes leurs supplications, elles ne pourront plus pénétrer dans la salle des noces dont elles se seront exclues par leur propre faute.

Elles ressembleront aussi à des invités aux noces qu’un noble père célèbre en l’honneur d’un noble époux, et qui s’abstiennent d’y prendre part. L’un, parce qu’il vient de prendre femme; un autre, parce qu’il vient d’acheter un champ; un troisième, parce qu’il a acquis une paire de boeufs (cf. Lc 14,18-20). Ce qu’ils ont obtenu ainsi leur a été bien dommageable, puisqu’ils se sont privés d’un excellent profit pour des avantages médiocres.

Car il n’y a pas de place dans le ciel pour l’orgueilleux et l’insouciant, pour l’homme sans habit convenable, qui ne porte pas le vêtement de noce (cf. Mt 22,11), même s’il s’est cru, sur terre, digne de la splendeur céleste, et s’est introduit furtivement dans le groupe des fidèles en se berçant de faux espoirs.

Qu’adviendra-t-il ensuite? L’Époux connaît ce qu’il nous enseignera quand nous serons au ciel, et il sait quelles relations il entretiendra avec les âmes qui y seront entrées avec lui. Je crois qu’il vivra en leur compagnie, et qu’il leur enseignera les mystères les plus parfaits et les plus purs.

Nous qui vous donnons cet enseignement et vous qui nous écoutez, puissions-nous y avoir part dans le Christ notre Seigneur, à qui soient la gloire et la puissance dans les siècles. Amen.

Share this Entry

Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel