Allocution rédigée par le Saint-Père
Chers frères,
Je vous salue et vous souhaite une cordiale bienvenue. Je vous remercie de votre visite, que j’apprécie. Par le passé, j’ai eu l’occasion de rencontrer ici, au Vatican, votre organisation, la voix des rabbins en Europe. Je suis heureux que nous ayons pu renforcer nos relations au fil du temps, en particulier ces dernières années.
Ma première pensée et ma première prière vont avant tout à tout ce qui s’est passé ces dernières semaines. Une fois de plus, la violence et la guerre ont éclaté sur cette terre bénie par le Très-Haut, qui semble continuellement assaillie par la violence de la haine et le déchaînement mortel des armes. La propagation des manifestations antisémites, que je condamne fermement, est également très préoccupante.
Chers frères, dans les ténèbres des conflits, nous qui croyons au Dieu unique, nous nous tournons vers celui que le prophète Isaïe appelle « le juge entre les nations et l’arbitre pour des peuples nombreux ». Il ajoute, presque comme une conséquence de son jugement, une merveilleuse prophétie de paix : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs, et leurs lances pour en faire des serpes ; une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre, et on n’apprendra plus la guerre. » (Is 2, 4)
En ces moments où nous assistons à la violence et à la destruction, nous, croyants, sommes appelés à construire la fraternité et à ouvrir des chemins de réconciliation pour tous et devant tous, au nom du Tout-Puissant qui, comme le dit un autre prophète, a « des projets de bien et non de mal » (Jr 29, 11). Ce ne sont ni les armes, ni le terrorisme, ni la guerre, mais la compassion, la justice et le dialogue qui sont les moyens appropriés pour construire la paix.
Je voudrais réfléchir à l’art du dialogue. L’être humain, qui a une nature sociale et qui vit en contact avec les autres, trouve son épanouissement dans le tissage des relations sociales. En ce sens, l’humanité est non seulement capable de dialogue, mais elle est elle-même dialogue. Entre ciel et terre, ce n’est que dans le dialogue avec Dieu et avec nos frères et sœurs qui nous accompagnent que nous pouvons comprendre et mûrir. Le mot « dialogue » signifie étymologiquement « par la parole ». La Parole du Très-Haut est la lumière qui éclaire les chemins de la vie (cf. Ps 119, 105) : elle oriente nos propres pas vers la recherche du prochain, vers l’accueil et vers la patience ; certainement pas vers la passion brusque de la vengeance et vers la folie de la haine amère. Combien il est donc important pour nous, croyants, d’être des témoins du dialogue !
Si nous appliquons ces observations au contexte du dialogue judéo-chrétien, nous pouvons dire que nous nous rapprochons les uns des autres par la rencontre, l’écoute et l’échange fraternel, en nous reconnaissant serviteurs et disciples de cette Parole divine, canal vivant d’où jaillissent nos paroles. Ainsi, pour devenir des bâtisseurs de paix, nous sommes appelés à être des bâtisseurs de dialogue, non seulement avec nos propres forces et capacités, mais avec l’aide du Tout-Puissant. En effet, « Si le Seigneur ne bâtit la maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain. » (Ps 127, 1)
Le dialogue avec le judaïsme est particulièrement important pour nous, chrétiens, car nous avons des racines juives. Jésus est né et a vécu en tant que Juif ; il est lui-même le premier garant de l’héritage juif au centre du christianisme et nous, chrétiens, avons besoin de vous, chers frères. Nous avons besoin du judaïsme pour mieux nous comprendre. Il est donc important que le dialogue judéo-chrétien garde vivante sa dimension théologique, tout en continuant à affronter les questions sociales, culturelles et politiques.
Nos traditions religieuses sont étroitement liées : nous ne sommes pas deux croyances étrangères, développées indépendamment à des époques et dans des lieux différents, sans influence l’une sur l’autre. Lors de sa visite à la Synagogue de Rome, le pape Jean-Paul II a observé que la religion juive n’est pas extrinsèque, « mais d’une certaine manière, elle est ‘intrinsèque’ à notre religion ». Il vous a appelés « nos frères bien-aimés », « nos frères aînés » (Discours du 13 avril 1986). On pourrait donc dire que notre dialogue est plus qu’un dialogue interreligieux. C’est un dialogue familial. Lorsque je me suis rendu à la Synagogue de Rome, j’ai dit que « nous appartenons tous à une seule famille, la famille de Dieu, qui nous accompagne et nous protège en tant que son peuple » (Discours du 17 janvier 2016).
Chers frères, nous sommes liés les uns aux autres devant le Dieu unique ; ensemble, nous sommes appelés à témoigner de sa parole par notre dialogue et de sa paix par nos actions. Que le Seigneur de l’histoire et de la vie nous donne le courage et la patience de le manifester. Shalom !