Mercredi 25 octobre dernier, lors de la 18e Congrégation générale de la 16e Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, le Saint-Père a prononcé un discours dont nous publions le texte ci-dessous.
J’aime penser à l’Église comme au peuple fidèle de Dieu, saint et pécheur, un peuple appelé et convoqué avec la force des béatitudes et de Matthieu 25.
Jésus, pour son Église, n’a repris aucun des schémas politiques de son temps : ni les pharisiens, ni les sadducéens, ni esséniens, ni zélotes. Pas de « corporation fermée », il reprend simplement la tradition d’Israël : « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ».
J’aime à considérer l’Église comme ce peuple simple et humble qui marche en présence du Seigneur (le peuple fidèle de Dieu). C’est le sens religieux de notre peuple fidèle. Et je dis peuple fidèle pour ne pas tomber dans les nombreuses approches et schémas idéologiques par lesquels on « réduit » la réalité du peuple de Dieu. Simplement le peuple fidèle, ou encore « le saint peuple fidèle de Dieu » en chemin, saint et pécheur. Et c’est cela l’Église.
L’une des caractéristiques de ce peuple fidèle est son infaillibilité ; oui, il est infaillible à croire. (Il ne peut manquer de croire dit LG 9) Infallibilitas in credendo (infaillibilité dans la foi, ndlr). Et je l’explique ainsi : « quand vous voulez savoir ce que croit la Sainte Mère l’Église, allez au Magistère, parce qu’il est chargé de vous l’enseigner, mais quand vous voulez savoir ce que croit l’Église, allez au peuple fidèle ».
Une image me vient à l’esprit : le peuple fidèle rassemblé à l’entrée de la cathédrale d’Éphèse. L’histoire (ou la légende) raconte que les gens se tenaient des deux côtés de la route menant à la cathédrale lorsque les évêques en procession faisaient leur entrée, et qu’ils répétaient en chœur : « Mère de Dieu », demandant à la hiérarchie de déclarer dogme la vérité qu’ils possédaient déjà en tant que peuple de Dieu. (Certains disent qu’ils tenaient des bâtons à la main et les montraient aux évêques). Je ne sais pas si c’est de l’histoire ou de la légende, mais l’image est valable.
Le peuple fidèle, le saint peuple fidèle de Dieu, a une âme, et parce que nous pouvons parler de l’âme d’un peuple, nous pouvons parler d’une herméneutique, d’une façon de voir la réalité, d’une conscience. Notre peuple fidèle est conscient de sa dignité, il baptise ses enfants, il enterre ses morts.
Nous, membres de la hiérarchie, sommes issus de ce peuple et nous avons reçu la foi de ce peuple, généralement de nos mères et de nos grands-mères, « ta mère et ta grand-mère » dit Paul à Timothée, une foi transmise dans un dialecte féminin, comme la Mère des Maccabées qui parlait « en dialecte » à ses enfants. Je voudrais souligner ici que, parmi le peuple saint et fidèle de Dieu, la foi est transmise en dialecte, et généralement en dialecte féminin. Non seulement parce que l’Église est Mère et que ce sont précisément les femmes qui la reflètent le mieux (l’Église est une femme), mais aussi parce que ce sont les femmes qui savent attendre, qui savent découvrir les ressources de l’Église, du peuple fidèle, qui risquent au-delà de la limite, peut-être avec peur, mais avec courage, et dans la lumière et l’ombre d’un jour qui commence, elles s’approchent d’une tombe avec l’intuition (pas encore l’espérance) qu’il peut y avoir un peu de vie.
La femme du peuple saint et fidèle de Dieu est le reflet de l’Église. L’Église est féminine, c’est une épouse, c’est une mère.
Lorsque les ministres vont trop loin dans leur service et maltraitent le peuple de Dieu, ils défigurent le visage de l’Église par des attitudes machistes et dictatoriales (il suffit de rappeler l’intervention de Sœur Liliana Franco). Il est pénible de trouver dans certains bureaux paroissiaux la « liste des prix » des services sacramentels à la manière d’un supermarché. Ou bien l’Église est le peuple fidèle de Dieu en chemin, saint et pécheur, ou bien elle finit par être une entreprise de services divers. Et lorsque les agents pastoraux empruntent cette seconde voie, l’Église devient le supermarché du salut et les prêtres de simples employés d’une multinationale. C’est la grande défaite à laquelle nous conduit le cléricalisme. Et cela avec beaucoup de honte et de scandale – il suffit d’aller dans les ateliers de tailleurs ecclésiastiques à Rome pour voir le scandale des jeunes prêtres qui essaient des soutanes et des chapeaux ou des aubes et des robes en dentelle.
Le cléricalisme est un fouet, un fléau, une forme de mondanité qui souille et abîme le visage de l’épouse du Seigneur ; il asservit le peuple saint et fidèle de Dieu.
Et le peuple de Dieu, le peuple saint et fidèle de Dieu, continue patiemment et humblement à supporter le mépris, les mauvais traitements et la marginalisation du cléricalisme institutionnalisé. Et comme nous parlons naturellement des princes de l’Église, ou des promotions épiscopales comme d’un avancement de carrière ! Les horreurs du monde, la mondanité qui maltraite le peuple saint et fidèle de Dieu.