Le pape François lors de la messe d'ouverture du Synode © Vatican Media

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Laudate Deum : le pape François salue « l’effort des ménages pour polluer moins »

Il déplore l’idéologie du « sans limite »

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Le pape François salue et encourage « l’effort des ménages pour polluer moins », dans son exhortation apostolique « Laudate Deum ». Il met les décideurs devant leur responsabilités et déplore un « paradigme technocratique », poussant l’être humain à s’affranchir de ses limites, et qui paralyse les décisions nationales et internationales dans la bonne direction.

En cette fête de saint François d’Assise, le pape François publie “Laudate Deum”, une brève exhortation apostolique de 73 paragraphes : Laudato Si’, du 24 mai 2015, et dont ce nouveau document est une “suite”, en compte 246.

C’est au n. 71, après avoir pointé les responsabilités nationales et internationales que le pape rend hommage à ceux qui, de l’intérieur, au quotidien, en arrivent à changer la culture de la pollution et du gaspillage : « L’effort des ménages pour polluer moins, réduire les déchets, consommer avec retenue, crée une nouvelle culture. »

Pour le pape cette “indignation” concrète, cet engagement des citoyens, des familles, n’est pas sans influence sur le mentalité des décideurs et les structures en place : « Ce seul fait de modifier les habitudes personnelles, familiales et communautaires nourrit l’inquiétude face aux responsabilités non prises des secteurs politiques et l’indignation face au désintérêt des puissants. »

De “grands processus” sont ainsi mis en marche : « Nous remarquons donc que, même si cela n’a pas immédiatement un effet quantitatif notable, cela aide à mettre en place de grands processus de transformation qui opèrent depuis les profondeurs de la société. »

Quand on “prétend prendre la place de Dieu”

Le document lance un appel à un « changement de mode de vie » en Occident : « Si nous considérons que les émissions par habitant aux États-Unis sont environ le double de celles d’un habitant de la Chine, et environ sept fois supérieures à la moyenne des pays les plus pauvres, nous pouvons affirmer qu’un changement généralisé du mode de vie irresponsable du modèle occidental auraient un impact significatif à long terme » (§ 72).

Et des décisions au plus haut niveau doivent suivre : « De la sorte, avec les décisions politiques indispensables, nous serions sur la voie de l’attention mutuelle » (§ 72).

Le pape déplore la course au pouvoir qui paralyse les efforts de changements et en appelle à un retour à Dieu, et c’est là la clef de cette exhortation apostolique “sociale”, qui condense l’analyse d’un pasteur et d’un père spirituel : « Louez Dieu » est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même » (§ 73). C’est le paragraphe qui conclut le document.

Mais c’est dès les premiers paragraphes, que le pape situe son discours dans la ligne des encycliques sociales : « Il s’agit d’un problème social global qui est intimement lié à la dignité de la vie humaine ».

L’approche ne saurait être « purement écologique », avertit le pape, comme certaines conférences épiscopales l’ont pour leur part fait observer : « Les évêques des États-Unis ont très bien exprimé le sens social de notre préoccupation à l’égard du changement climatique, qui va au-delà d’une approche purement écologique parce que « l’attention que nous portons les uns aux autres et l’attention que nous portons à la terre sont intimement liées » (§ 3).

Le pape cite aussi l’inquiétude des pasteurs du continent africain : « Pour exprimer de manière convaincante qu’il ne s’agit plus d’une question secondaire ou idéologique mais d’un drame qui nuit à tout le monde, les évêques africains ont affirmé que le changement climatique met en lumière « un exemple frappant de péché́ structurel » (§ 3).

Le refus de la limite

Le « paradigme technocratique » à l’origine de ce “péché” était déjà analysé par le pape François dans Laudato Si’, mais il constate qu’il est toujours le principal obstacle aux changements en faveur de la sauvegarde de la planète, c’est pourquoi il y revient dans Laudate Deum.

S’appuyant sur des rapports scientifiques sérieux, le pape constate les phénomènes extrêmes, les chaleurs inhabituelles, les sécheresse, mais aussi les pluies diluviennes, les inondations (§ 5), et l’accélération inhabituelle du réchauffement (§ 6), l’accélération de l’augmentation des gaz à effet de serre (§ 11).

Pour le pape, il n’y a plus de doute sur « l’origine humaine » du changement climatique (§ 11) et la responsabilité du “paradigme technocratique” selon lequel l’être humain se pense illimité : « L’intelligence artificielle et les dernières innovations technologiques partent de l’idée d’un être humain sans aucune limite, dont les capacités et les possibilités pourraient être entendues à l’infini grâce à la technologie. Le paradigme technocratique s’alimente ainsi lui-même de façon monstrueuse » (§ 21).

Un constat sans concession. Le paragraphe suivant évoque même une « obsession » de franchir la limite : « Les ressources naturelles nécessaires à la technologie, comme le lithium, le silicium et bien d’autres, ne sont certes pas illimitées, mais le plus grand problème est l’idéologie qui sous-tend une obsession : accroitre au-delà de l’imaginable le pouvoir de l’homme, face auquel la réalité́ non humaine est une simple ressource à son service. Tout ce qui existe cesse d’être un don qu’il faut apprécier, valoriser et protéger, et devient l’esclave, la victime de tous les caprices de l’esprit humain et de ses capacités » (§ 22).

Pour le pape cette course à l’au-delà des limites est dangereuse et inquiétante : « Il est effrayant de constater que les capacités accrues de la technologie donnent « à ceux qui ont la connaissance, et surtout le pouvoir économique d’en faire usage, une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité et sur le monde entier. Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira bien, surtout si l’on considère la manière dont elle est en train de l’utiliser […]. En quelles mains se trouve et pourrait se trouver tant de pouvoir ? Il est terriblement risqué qu’il réside en une petite partie de l’humanité »” (§ 23).

Ce qui est illimité, inépuisable, en revanche, c’est ce dont témoigne la beauté de la Création, œuvre de Dieu : l’ensemble de l’univers montre la richesse inépuisable de Dieu lui-même (§ 63).

Prédation et inaction

Le pape déplore que, dans cette optique technocratique, l’être humain traite le monde en objet d’exploitation, d’utilisation effrénée, d’ambition illimitée (§ 25), et en même temps, le manque d’efficacité, d’opportunités et de progrès durables dans les accords multilatéraux entre États (§ 34), l’absence d’organisations dotées d’une autorité réelle pour atteindre des objectifs auxquels on ne peut renoncer (§ 35). Les procédures décisionnelles efficaces antérieures n’ont pas été suffisantes (§ 43) et les dernières Conférences internationales sur le climat ont eu un faible niveau de mise en œuvre, les intérêts particuliers étant privilégiés par rapport au bien commun (§ 52).

Le remède serait donc, selon le pape François « d’établir des règles globales et efficaces pour “assurer” cette protection mondiale » (§ 42).

Le pape prend le contre-pied du « paradigme technocratique » : « Contrairement à ce paradigme technocratique, nous affirmons que le monde qui nous entoure n’est pas un objet d’exploitation, d’utilisation débridée, d’ambitions illimitées. Nous ne pouvons même pas dire que la nature serait un simple “cadre” où nous développerions nos vies et nos projets, car « nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtres avec elle »,[18] de sorte que « le monde ne se contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur »” (§25).

Pour le pape, « la situation est en train de devenir encore plus urgente » (§ 4), car, depuis la publication de Laudato si’ la lenteur des mesures prises fait craindre le pire : « Nos réactions sont insuffisantes alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture (…). L’impact du changement climatique sera de plus en plus préjudiciable à la vie et aux familles de nombreuses personnes. Nous en ressentirons les effets dans les domaines de la santé, de l’emploi, de l’accès aux ressources, du logement, des migrations forcées, etc.” (§ 2).

Face au danger, repenser le pouvoir

« Nous devons tous repenser la question du pouvoir humain, de sa signification et de ses limites, recommande le pape François. En effet, notre pouvoir s’est accru de manière effrénée en peu de décennies. Nous avons fait des progrès technologiques impressionnants et stupéfiants, et nous ne nous rendons pas compte que, dans le même temps, nous sommes devenus extrêmement dangereux, capables de mettre en danger la vie de beaucoup d’êtres ainsi que notre propre survie. Il y a lieu de répéter aujourd’hui l’ironie de Soloviev : un siècle tellement avancé qu’il a des chances d’être le dernier. Lucidié et honnêtetéé sont nécessaires pour reconnaître à temps que notre pouvoir et le progrès que nous générons se retournent contre nous-mêmes » (§ 28).

Car le pape constate ce qu’il appelle « la décadence éthique du pouvoir réel » qui est « déguisée par le marketing et les fausses informations, qui sont des mécanismes utiles aux mains de ceux qui disposent de plus de ressources afin d’influencer l’opinion publique » (§ 29).

Il propose cette illustration : « Grâce à ces mécanismes, lorsqu’il est prévu de lancer un projet à fort impact environnemental et aux effets polluants importants, on illusionne les habitants de la région en leur parlant du progrès local qui pourra être généré, ou des opportunités économiques en matière d’emploi et de promotion humaine que cela signifiera pour leurs enfants. Mais en réalité, on ne semble pas s’intéresser vraiment à l’avenir de ces personnes, car on ne leur dit pas clairement qu’à la suite de tel projet, il résultera une terre dévastée, des conditions beaucoup plus défavorables pour vivre et prospérer, une région désolée, moins habitable, sans vie et sans la joie de la coexistence et de l’espérance, sans compter les dommages globaux qui finiront par nuire à beaucoup d’autres » (idib.).

Le pape remet aussi en cause une certaine conception de l’économie : « La logique du profit maximum au moindre coût, déguisée en rationalité, en progrès et en promesses illusoires, rend impossible tout souci sincère de la Maison commune et toute préoccupation pour la promotion des laissés-pour-compte de la société. Nous avons constaté ces dernières années que, étourdis et enchantés par les promesses de si nombreux faux prophètes, les pauvres eux-mêmes tombent parfois dans la tromperie d’un monde qui ne se construit pas pour eux » (§ 31).

Faire de la COP28 un événement “historique”

Dans Laudate Deum, le pape propose aussi un bilan – mitigé – des conférences internationales sur le climat, avec un hommage particulier à celle de Paris. Mais alors que la COP28 organisée par l’ONU se tiendra à Dubaï (Émirats arabes unis) du 30 novembre au 12 décembre 2023, le pape espère qu’elle deviendra « un tournant » pour réagir et montrer que ce qui a déjà été fait en valait la peine (§ 54), qu’elle puisse aider à mieux opérer la transition énergétique (§ 59) et à sortir de la logique du rafistolage pour rechercher le bien commun et assurer l’avenir des nouvelles générations (§ 58 et 60).

En somme, le pape invite à ne pas rater le rendez-vous de Dubaï, et même à faire cette rencontre un événement “historique”: « Si l’on veut sincèrement que la COP28 soit historique, qu’elle nous honore et nous ennoblisse en tant qu’êtres humains, on ne peut qu’attendre des formes contraignantes de transition énergétique qui présentent trois caractéristiques : efficaces, contraignantes et facilement contrôlables ; cela pour parvenir à initier un nouveau processus radical, intense et qui compte sur l’engagement de tous. Cela n’est pas advenu sur le chemin parcouru jusqu’à présent, mais ce n’est que par un tel processus que la crédibilité de la politique internationale pourra être rétablie, car ce n’est que de cette manière concrète qu’il sera possible de réduire notablement le dioxyde de carbone et éviter à temps les pires maux. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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