La création d'Adan de Michel-Ange Chapelle Sixtine

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Aimer Dieu, ce n’est pas aller contre l’homme, par Mgr Follo

Quel plus beau cadeau peut-on obtenir de Dieu que Dieu lui-même ?

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Rite Romain

2 R 4, 8-11.14-16a ;  Ps 88 ;  Rm 6, 3-4. 8-11 ;  Mt 10, 37-42.

 

1°) La primauté de l’amour du Christ – Aimer son prochain en Dieu

Le début de l’Évangile d’aujourd’hui : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi » (Mt 10, 37) semble incompréhensible pour ne pas dire inhumain. Et aussi les deux versets suivants : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 10, 38-39) ne sont pas non plus facilement compréhensibles. Si nous raisonnions comme les Juifs et les Grecs d’il y a deux mille ans, nous considérerions ces paroles du Christ comme insensées et scandaleuses.

Essayons d’en comprendre la sagesse pleine de bon sens, en tenant compte de ce que Saint Paul affirme : « Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens ; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Cor 1, 22-25).

En premier lieu, pour avoir cette capacité de compréhension, nous devons demander au Christ de nous envoyer son Esprit afin qu’il nous aide à lire les Écritures avec la même intelligence et le même amour qu’il a eus quand il les expliquait aux disciples sur la route d’Emmaüs. A la lumière des Saintes Écritures, le Christ aida les deux disciples d’Emmaüs à découvrir la présence de Dieu dans les événements choquants de sa condamnation et de sa mort. Ainsi la croix qui semblait être la fin de toute espérance, a finalement été comprise par eux comme source de vie et de résurrection.

En second lieu, gardons présent que l’Évangile d’aujourd’hui nous dit que :

  • l’amour envers Jésus doit surpasser l’amour envers le père et la mère ainsi qu’envers les enfants (Mt 10, 37);
  • la croix fait partie de la vie des disciples de Jésus (Mt 10, 38);
  • il faut perdre sa vie pour pouvoir la posséder (Mt 10, 39);
  • Jésus s’identifie au missionnaire et au disciple (Mt 10, 40-41) ;
  • le plus petit des gestes fait au plus petit des plus petits (par exemple offrir un verre d’eau) obtient la récompense la plus grande : le Christ lui-même.

A la lumière de cela, nous pouvons comprendre que l’amour du Christ ne s’oppose pas à l’amour de nos proches. Jésus ne nous demande pas tant de les aimer moins que de les aimer en lui.

En résumé : le Christ nous demande de ne pas placer devant Dieu ce que Dieu nous a donné. Regardons par exemple le témoignage d’Abraham à qui il fut ordonné de tuer son fils unique et qui, entre son fils et Dieu, choisit Dieu. « Parce que même ce que Dieu te donne de plus grand, tu ne dois pas le mettre devant Celui qui te l’a donné. Et quand Dieu voudra te l’enlever, ne te laisse pas abattre, parce qu’il faut aimer Dieu gratuitement. Quel plus beau cadeau peut-on obtenir de Dieu que Dieu lui-même ? » (Saint Augustin, Discours 2, 4). Et en même temps que son Alliance, Dieu « redonna » à Abraham son fils. En effet, c’est seulement rapporté à lui que nos liens et nos affections humaines trouvent fondement et protection.

Le Rédempteur assainit et sanctifie l’amour humain en l’élevant dans son cœur. En donnant la primauté à l’amour que nous avons pour Lui, nos relations sont converties, guéries et rendues vraies.

Dans la croix pascale de sa mort et de sa résurrection, tout renaît saintement, même l’amour entre le père et le fils, entre le mari et la femme. La primauté demandée par le Seigneur est le principe garant de toute relation libérée de toute déviation idolâtrique : seul Dieu est Dieu.

 

2°) La primauté de l’amour du Christ en famille

Quand le Messie dit de lui-même que nous devons l’aimer plus que notre père et que notre mère, il n’entend pas annuler le quatrième commandement qui est le premier grand commandement à l’égard des personnes.(1) Et nous ne devons pas non plus penser qu’après avoir accompli un miracle pour les époux de Cana, après avoir consacré le lien conjugal entre l’homme et la femme, après avoir ressuscité le fils d’une veuve et la fille d’un centurion en les rendant à la vie familiale, le Seigneur nous demande de nous détacher de ces liens.

Au contraire, quand le rédempteur affirme la primauté de la foi et de l’amour de Dieu, il ne trouve pas une comparaison plus significative que celle des affections humaines.

L’invitation à mettre les liens familiaux dans le domaine de l’obéissance de la foi et de l’alliance avec le Seigneur ne les gêne pas ; au contraire, elle les protège, les libère de l’égoïsme, les met à l’abri de la dégradation, les sauve pour la vie qui ne meurt pas.

« Quand les sentiments familiaux se laissent convertir au témoignage de l’Évangile, ils deviennent capables de choses impensables, qui font toucher du doigt les œuvres de Dieu, ces œuvres que Dieu accomplit dans l’histoire, comme celles que Jésus a accomplies pour les hommes, les femmes, les enfants qu’il a rencontrés. Un seul sourire miraculeusement arraché au désespoir d’un enfant abandonné, qui recommence à vivre, nous explique mieux que mille traités théologiques l’action de Dieu dans le monde. Un seul homme et une seule femme, capables de risquer et de se sacrifier pour le fils de quelqu’un d’autre et pas seulement pour le leur, nous expliquent des choses de l’amour que beaucoup de scientifiques ne comprennent plus. Et là où il y a ces sentiments familiaux, naissent ces gestes du cœur qui sont plus éloquents que les mots. Le geste de l’amour… Cela fait réfléchir » (Pape François).

Enfin, en plus de nous demander d’aimer nos proches en Dieu, c’est à dire de vivre l’amour dans l’Amour, le Christ dans l’Évangile d’aujourd’hui nous enseigne qu’il suffit de peu pour accomplir un geste d’amour : « Celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces simples petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non il ne perdra pas sa récompense. » Tout geste d’amour, d’accueil, même le plus simple, le moins engageant, celui qui apparemment ne compte pas, comme un verre d’eau donné à qui le demande, n’est pas évalué selon les critères de l’économie moderne, de l’utilité, du rendement ; s’il est fait avec amour et par amour, il ne perdra pas sa récompense devant Dieu.

 

3°) La primauté de l’amour chez les vierges consacrées

L’enseignement du Christ qui est présenté aujourd’hui dans l’Évangile peut être résumé ainsi :

  1. a) Si l’on aime en donnant la primauté à Dieu, rien ne peut nous en séparer.
  2. b) Toute chose a un sens dans l’amour, même un verre d’eau, quand Dieu est à la première place.

A ce point, il est juste de proposer les vierges consacrées comme les témoins particuliers de cette primauté à donner à Dieu. Elles offrent le témoignage privilégié d’une recherche constante de Dieu, d’un amour unique et indivisible pour le Christ, d’un dévouement absolu à la croissance de son règne. Sans ce signe concret de la virginité consacrée, le feu de la charité qui anime l’Église entière risquerait de se refroidir, le paradoxe de l’Évangile de la croix courrait le risque de s’émousser. Ces femmes rendent témoignage que la virginité permet une vie heureuse et vraie, faite de simplicité et d’humilité, de spontanéité et de ténacité, de douceur et de force dans la certitude d’une foi laborieuse dans la charité.

A une humanité égarée sans vrai point de référence, les vierges consacrées uniquement à l’amour de Dieu, témoignent que leur adhésion vitale à leur propre fin, c’est à dire au Dieu vivant, par l’alliance de toutes leurs facultés, par la purification de leurs pensées et par la spiritualisation de leurs sens, a réellement unifié et développé la profondeur et la persévérance de leur vie en Dieu.

En bref, elles témoignent d’une façon lumineuse et singulière que le monde peut être transfiguré et offert à Dieu dans l’esprit des béatitudes.

 

(1) Les trois premiers commandements se rapportent à Dieu, le quatrième et les six autres qui suivent concernent l’être humain.

 

Lecture Patristique

Saint Hilaire de Poitiers (+ 367)

Homélie

Le Seigneur, ayant commandé à ses Apôtres de quitter ce qu’ils avaient de plus cher dans le monde, ajouta: Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi (Mt 10,38); car ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur corps avec ses péchés et ses convoitises (cf. Ga 5,24). Nul n’est digne du Christ s’il ne porte pas sa croix, par laquelle nous partageons la passion, la mort, la sépulture et la résurrection du Seigneur. Nul n’est digne de lui s’il ne suit pas le Seigneur afin de vivre de la nouveauté de l’Esprit dans ce mystère de foi.
Qui veut garder sa vie pour soi la perdra ; qui perdra sa vie à cause de moi la gardera (Mt 10,39). Comprenons que, par la puissance du Verbe et le rejet des fautes passées, ce que la vie gagne se transformera en mort, et ce qu’elle perd en salut. Il faut donc assumer la mort dans une vie nouvelle et clouer ses péchés à la croix du Seigneur ; il faut sauvegarder la liberté de proclamer glorieusement la foi en répondant aux persécuteurs par le mépris des choses présentes ; et il faut refuser tout gain funeste à l’âme. Nous devons savoir que personne n’a de droit sur notre âme, et que le bénéfice de l’immortalité s’acquiert moyennant le préjudice subi dans cette courte vie.
Qui vous accueille, m’accueille ; et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé (Mt 10,40). Le Christ prodigue à tous les hommes l’amour de la doctrine et son attachement aux commandements. Après avoir signalé le danger que couraient ceux qui n’accueillaient pas les Apôtres, en demandant à ceux-ci de secouer la poussière de leurs pieds en témoignage contre eux, il loue le mérite de ceux qui les accueillent. Leur récompense sera plus grande que pour un service escompté. Puis il nous apprend qu’il a aussi un rôle de médiateur si bien que, lorsque nous recevons le Christ, Dieu se répand en nous par lui, parce qu’il est sorti de Dieu.
Et ainsi, celui qui reçoit les Apôtres, reçoit le Christ. Or, celui qui reçoit le Christ, reçoit Dieu son Père, car dans les Apôtres il ne reçoit rien d’autre que ce qui est dans le Christ, et il n’y a rien d’autre dans le Christ que ce qui est en Dieu. Et en raison de cet enchaînement de grâces, recevoir les Apôtres n’est pas autre chose que recevoir Dieu, puisque le Christ habite en eux et que Dieu habite dans le Christ.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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