Don Milani à l'Ecole de Barbiana © donlorenzomilani.it

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Ecoles catholiques : lettres aux personnes impliquées dans la mission éducative

C’est à partir de situations effrayantes que Dieu tire ses œuvres les plus étonnantes

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Nous publions ci-dessous la lettre conjointe du Dicastère pour les Instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique et du Dicastère pour la culture et l’éducation, adressée à ceux qui sont impliqués dans la mission éducative des écoles catholiques (texte intégral).

 

Chers amis,

Le 22 mai dernier, le Dicastère pour la Culture et l’Éducation et le Dicastère pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique ont invité au Vatican plusieurs protagonistes du réseau mondial des écoles catholiques, pour qu’ils puissent parler eux-mêmes des potentialités et des défis de la mission éducative, en ce moment de l’histoire décrit par le pape François non pas tant comme « une époque de changements, mais un changement d’époque ». [1]

Pourquoi l’invitation à ce moment d’écoute a-t-elle été lancée non seulement par le Dicastère dédié à l’éducation, mais aussi par le Dicastère qui s’occupe de la vie consacrée ? Parce qu’une part très importante des plus de 240 000 écoles catholiques qui font de l’Église l’un des principaux acteurs mondiaux de l’enseignement primaire et secondaire est dirigée par des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique. L’initiative commune n’était pas seulement stratégique, mais visait avant tout à honorer ce que recommande la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, qui invite à « l’écoute mutuelle dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre » (n° 4). À cette occasion, en tant qu’organes du Saint-Siège au service du Saint-Père, nous avons appris de ceux qui travaillent en première ligne dans le domaine de l’éducation ; en outre, chacun des deux Dicastères a appris de l’autre. Car deux yeux voient mieux qu’un seul et deux oreilles entendent mieux qu’une seule.

Nous tenons à remercier tous ceux qui consacrent les meilleures ressources de leur vie à l’importante mission éducative à laquelle ils sont appelés. Merci aux enseignants et à tout le personnel administratif et de service qui forment la communauté éducative dans son ensemble, fils de différentes couleurs tissés en une seule tapisserie. Merci à toutes les familles qui, se prévalant de la compétence formative de la communauté chrétienne, élèvent leurs fils et leurs filles dans une alliance éducative avec les écoles catholiques. Merci aux évêques, aux diocèses du monde entier, aux instituts de vie consacrée et aux sociétés de vie apostolique qui investissent des énergies humaines et des ressources financières considérables pour maintenir des écoles anciennes et en créer de nouvelles. Vus d’en haut, les gestes de ces acteurs – chacun avec sa touche et son charisme – composent une chorégraphie grandiose, désireuse que personne ne soit exclu de la danse de la vie.

Bien sûr, de graves difficultés sont également apparues lors de la réunion de mai dernier. Certaines sont communes au monde entier, d’autres pèsent sur certains contextes : la récente pandémie fait encore sentir ses effets, la crise économique mondiale, la dénatalité, la grande pauvreté, l’accès inégal à la nourriture, à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’information, à la culture et à l’internet. À cela s’ajoute, du moins dans certains pays, un manque de reconnaissance de la part du système législatif, de l’égalité économique des écoles non publiques. De plus, plusieurs diocèses dans le monde, instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique connaissent une baisse significative des vocations. Et, au moins dans le monde occidental, la foi en Dieu reste fortement marginalisée dans la vie publique et, plus généralement, dans la vie des hommes et des femmes de notre temps. Ce fait a certainement des effets pratiques complexes qui conduisent même à la fermeture ou à l’aliénation de certaines écoles, avec une énorme perte de  » personnalité  » dans le système scolaire. En effet, là où une école diocésaine ou religieuse ferme, les empreintes de l’histoire de cette unique Église locale, du charisme incomparable de cette famille religieuse, sont effacées de l’environnement éducatif. Lorsque l’on assiste à la fermeture douloureuse d’une école, s’éteint un lieu qui identifie et garde une part d’espérance. Enfin, il a été remarqué que des circonstances, des opportunités et des questions inédites rendent parfois plus difficile l’expression de l’identité chrétienne et catholique d’une manière qui soit à la fois dialoguante mais ferme, forte mais aimable.

La situation pourrait effrayer, notamment en raison de la rapidité de ses effets. Mais rappelons-nous que c’est précisément à partir de situations effrayantes – comme le chaos précédant la Création (Gn 1, 2) – que Dieu tire ses œuvres les plus étonnantes. La lecture de certaines données décrivant la réalité pourrait inhiber l’espérance. Pourtant, ce qui, à première vue, bloque le courage, peut en fait se révéler comme un « starting block » qui favorise un nouvel élan vers l’avant. Par exemple, le contexte complexe dans lequel nous sommes appelés à travailler en tant qu’écoles catholiques pourrait favoriser une plus grande volonté de  » former un chœur « , comme le Saint-Père l’a récemment demandé aux institutions académiques pontificales romaines (Audience du 25 février 2023). Malheureusement, parfois, les écoles catholiques œuvrent sur un même territoire non pas comme des solistes qui, grâce à leur timbre vocal unique, enrichissent tout le chœur, mais comme des voix en dehors du chœur, isolées, sans contexte ; dans certains cas même, en concurrence dissonante. Il est nécessaire et urgent de faire chœur entre les différents instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique engagés dans l’éducation ; de faire chœur entre les évêques, les curés, toute la pastorale diocésaine et la richesse des charismes éducatifs fournie par les écoles appartenant aux instituts de vie consacrée et aux sociétés de vie apostolique. Il est indispensable que le clergé, les religieux, les religieuses et les laïcs forment un chœur et que ces derniers soient assurés de pouvoir faire écho à la voix éducative d’un diocèse et même au timbre unique d’un charisme religieux. À cet égard, nous exhortons à mettre en œuvre des initiatives, même expérimentales, pleines d’imagination et de créativité, capables de partage et d’avenir, précises dans leur diagnostic et ouvertes dans leur vision. La peur du risque ne doit pas éteindre l’audace, car le moment de crise n’est pas celui de faire l’autruche, mais de regarder les étoiles, comme Abraham (Gn 15, 5).

Dans les dernières lignes de cette lettre, nous voulons insister sur le « Tu dois« . Oui, nous devons tous, de manière plus décisive, « faire chœur« . Et nous devons le faire sûrs du potentiel et de la beauté de la mission éducative, un « droit inaliénable » qui promeut la dignité de la personne humaine (Gravissimum Educationis, n. 1). En tant qu’organes appelés à aider le Saint-Père dans l’exercice de son ministère pétrinien, nous souhaitons avant tout vous encourager. Nous aurons donc recours à des formes anciennes et nouvelles d’écoute, en parcourant un chemin commun, afin que la réalité soit prise en compte de manière urgente et que des solutions pour l’avenir émergent du corps ecclésial, même dans des contextes exigeants. Que l’Esprit du Christ éclaire nos sens, les rendant capables de discerner, d’imaginer et de prendre des risques. Nous vous saluons avec une estime reconnaissante et partagée.

 

João Braz Card. de Aviz                                      José Tolentino Card. Calaça de Mendonça

Préfet                                                                                          Préfet

DIVCSVA                                                                                       DCE

 

José Rodríguez Carballo, O.F.M.                    Mons. Giovanni Cesare Pagazzi

Archevêque Secrétaire                                                         Secrétaire

DIVCSVA                                                                                DCE

 

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[1] Cf. Pape François, Vœux à la Curie romaine, 21 décembre 2019.

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Rédaction

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