Par Amy Balog
Selon des sources ecclésiastiques locales, les violences actuelles dans l’État indien de Manipur s’inscrivent dans un plan plus vaste visant à « déstabiliser l’harmonie interreligieuse » et à accroître le soutien au parti nationaliste Hindutva au pouvoir.
Les extrémistes « veulent terroriser » les chrétiens et les musulmans pour tenter de « rallier les hindous » au Bharatiya Janata Party (BJP) avant les élections générales d’avril prochain, a déclaré un évêque de la région à l’organisation caritative catholique Aide à l’Église en détresse (AED).
L’évêque, qui a demandé à ne pas être nommé pour des raisons de sécurité, a été en contact direct avec des chrétiens à Imphal et dans les environs, la capitale de Manipur, dans le nord-est de l’Inde, où le conflit fait rage depuis des semaines.
L’évêque a déclaré : « De nombreuses vies ont été perdues. Les journaux font état des cas confirmés, mais il y a beaucoup plus de morts que ce qui est officiellement publié. », a déclaré l’évêque, précisant que « Les activités violentes en dehors de la capitale sont très peu rapportées. »
Un rapport envoyé à l’AED par l’archidiocèse d’Imphal affirme que plus de 50 000 personnes ont été déplacées depuis le début des violences.
L’évêque a également déclaré que « La véritable raison du problème est la taille de la population chrétienne. Les Kukis et les Nagas [groupes ethniques] occupent ensemble une grande partie du territoire de l’État. Les hindous, ou les Meiteis [groupe ethnique], estiment qu’ils devraient être autorisés à aller occuper les terres appartenant aux tribus. C’est là le véritable problème. Le BJP dirige à la fois le gouvernement fédéral et le Manipur, il y a donc une autorisation tacite pour aller de l’avant. »
Bien qu’il soit largement rapporté que la violence est causée par un conflit ethnique sur la propriété des terres, l’évêque a déclaré que la religion joue un rôle important.
Toujours selon cet évêque, « Il y a des chrétiens parmi les Meiteis, et beaucoup de leurs églises ont également été détruites, ce qui prouve clairement qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de terre. » Et il a ajouté, « La fin de cette situation n’est pas en vue. La méfiance créée entre les deux groupes ne s’éteindra pas facilement. »
Selon des rapports locaux obtenus par l’AED, 249 églises chrétiennes meitei ont été détruites depuis le début du conflit. Les extrémistes ont également attaqué plus de 200 villages kuki et ravagé d’innombrables maisons.
Le rapport de l’archidiocèse d’Imphal remet également en question le rôle joué par les forces de sécurité de l’État : « Il est difficile de dire si les forces de l’État étaient en infériorité numérique débordées par les appels à l’aide, ou si elles étaient complices. L’absence du personnel de sécurité dans les endroits où il était le plus nécessaire soulève des questions. Comment se fait-il que des lieux vulnérables aient été laissés sans surveillance même après des tentatives d’attentat ? »
L’évêque, dont le nom n’a pas été révélé, a insisté sur la nécessité de ne pas généraliser les hindous : « La grande majorité d’entre eux n’est pas d’accord avec ce qui se passe, mais ils ont peur de le dire parce que cela leur causerait des ennuis. »