Synode des jeunes réseaux sociaux © facebook Synod2018

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L’engagement sur les réseaux sociaux

Réflexions du Dicastère pour la communication

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Pour la 57e Journée mondiale des communications sociales, le 24 janvier dernier (voir ZENIT), le pape François avait proposé une réflexion sur ‘Parler avec le cœur’, se référant à la parole « Selon la vérité, dans la charité » (Ep 4, 15). Dans un contexte où le numérique prend de plus en plus d’ampleur, le dicastère pour la communication vient de publier une longue réflexion sur la place du numérique dans nos réalités ecclésiales.

Nous publions ci-dessous l’intégralité du texte tel que présenté par le Dicastère de la Communication.

 

Vers une présence totale

Une réflexion pastorale à propos de l’engagement sur les réseaux sociaux

1) De grands progrès ont été réalisés à l’ère du numérique, mais l’une des questions urgentes qui restent à traiter est de savoir comment nous, en tant qu’individus et en tant que communauté ecclésiale, devons vivre dans le monde numérique en tant que “proches aimants”, véritablement présents et attentifs les uns aux autres dans notre voyage ensemble le long des “autoroutes numériques”.

Les progrès technologiques ont rendu possibles de nouveaux types d’interactions humaines. En fait, la question n’est plus de savoir s’il faut collaborer avec le monde numérique, mais comment. Les réseaux sociaux, en particulier, sont un environnement où les gens interagissent, partagent des expériences et cultivent des relations comme jamais auparavant. Dans le même temps, cependant, alors que la communication est de plus en plus influencée par l’intelligence artificielle, apparaît le besoin de redécouvrir la rencontre humaine en son cœur même. Au cours des deux dernières décennies, notre relation avec les plateformes numériques a subi une transformation irréversible. On a pris conscience du fait que ces plateformes peuvent évoluer pour devenir des espaces co-créés, pas seulement quelque chose que nous utilisons passivement. Les jeunes – comme les générations plus âgées – demandent à être rencontrés là où ils se trouvent, y compris sur les réseaux sociaux, parce que le monde numérique participe “de manière significative à la construction de l’identité d’un jeune et à sa manière de vivre”.[1]

2) Beaucoup de chrétiens demandent de l’inspiration et des conseils parce que les réseaux sociaux, qui sont une expression de la culture numérique, ont eu un impact profond à la fois sur nos communautés de foi et sur nos parcours spirituels individuels.

Les exemples d’engagement fidèle et créatif sur les réseaux sociaux abondent dans le monde entier, tant de la part de communautés locales que d’individus qui témoignent de leur foi sur ces plateformes, souvent de manière plus omniprésente que l’Église institutionnelle. De nombreuses initiatives pastorales et éducatives ont été prises par des Églises locales, des mouvements, des communautés, des congrégations, des universités et des individus.

3) L’Église universelle s’est aussi penchée sur la réalité numérique. Depuis 1967, par exemple, les messages annuels de la Journée Mondiale pour les Communications Sociales proposent une réflexion en constante évolution sur le sujet. À partir des années 1990, ces messages ont abordé l’utilisation de l’ordinateur et, depuis le début des années 2000, ils ont constamment contenu une réflexion à propos d’aspects de la culture numérique et de la communication sociale. Soulevant des questions fondamentales pour la culture numérique, le Pape Benoît XVI a abordé en 2009 les changements dans les modes de communication, affirmant que les médias ne devraient pas seulement favoriser les liens entre les personnes, mais aussi encourager celles-ci à s’engager dans des relations qui promeuvent “une culture du respect, du dialogue, de l’amitié”.[2] Par la suite, l’Église a consolidé l’image des réseaux sociaux comme des “espaces”, pas seulement des “instruments”, demandant que la Bonne Nouvelle soit également proclamée dans les environnements numériques[3]. De son côté, le Pape François a reconnu qu’on ne peut distinguer le monde numérique “de la sphère de la vie quotidienne”, et que celui-ci modifie la manière dont l’humanité accumule des connaissances, diffuse des informations et développe des relations.[4]

4) En plus de ces réflexions, l’implication pratique de l’Église dans les réseaux sociaux a également été efficace.[5] Récemment on a pu constater que les médias numériques sont un outil puissant pour le ministère de l’Église. Le 27 mars 2020, alors que la pandémie de COVID-19 en était encore à ses débuts, la place Saint-Pierre était vide mais pleine de présence. Une transmission télévisée et diffusée en direct a permis au Pape François de mener une expérience mondiale transformatrice : une prière et un message adressés à un monde en confinement. Au milieu d’une crise sanitaire qui a coûté la vie à des millions de personnes, des gens du monde entier, mis en quarantaine et isolés, se sont retrouvés profondément unis les uns aux autres et au successeur de Pierre.[6]

Grâce aux médias traditionnels et à la technologie numérique, la prière du Pape a atteint les foyers et touché la vie de gens partout dans le monde. Les bras ouverts que la colonnade du Bernin forme autour de la place Saint-Pierre ont pu étreindre des millions de personnes. Bien que physiquement éloignés les uns des autres, ceux qui se sont associés au Pape à ce moment-là étaient présents les uns aux autres et ils ont pu vivre un moment d’unité et de communion.

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5) Les pages qui suivent sont le fruit d’une réflexion impliquant des experts, des enseignants, des jeunes professionnels et leaders, des laïcs, des membres du clergé et des religieux. L’objectif est d’aborder certaines des principales questions concernant la manière dont les chrétiens devraient aborder les réseaux sociaux. Elles ne sont pas censées être des “lignes directrices” précises pour le ministère pastoral dans ce domaine. On espère plutôt promouvoir une réflexion commune sur nos expériences numériques, en encourageant les individus et les communautés à adopter une approche créative et constructive qui peut favoriser une culture de bon voisinage.

Favoriser des relations pacifiques, significatives et bienveillantes sur les réseaux sociaux constitue un défi susceptible de générer une discussion dans les milieux académiques et professionnels, ainsi que dans les milieux ecclésiaux. Quel genre d’humanité se reflète dans notre présence dans les environnements numériques ? Dans quelle mesure nos relations numériques sont-elles le fruit d’une communication profonde et véridique, et dans quelle mesure sont-elles simplement façonnées par des opinions incontestées et des réactions passionnées ? Quelle part de notre foi trouve des expressions numériques vivantes et réconfortantes ? Et qui est mon “prochain” sur les réseaux sociaux ?

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6) La parabole du Bon Samaritain[7], par laquelle Jésus nous fait répondre à la question : “Qui est mon prochain ?”, est suscitée par la question d’un expert en droit. “Que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ?”, demande-t-il. Le verbe “hériter” nous rappelle l’héritage de la terre promise, qui n’est pas tant un territoire géographique qu’un symbole de quelque chose de plus profond et plus durable, quelque chose que chaque génération doit redécouvrir et qui peut nous aider à réimaginer notre rôle dans le monde numérique.

 

  1. Attention aux écueils des autoroutes numériques
    Apprendre à voir du point de vue de celui qui est tombé entre les mains des brigands (cf. Lc 10 :36).

Une terre promise à redécouvrir ?

7) Les réseaux sociaux ne sont qu’une branche du phénomène, beaucoup plus vaste et plus complexe, de la numérisation, qui est le processus de transfert de nombreuses tâches et dimensions de la vie humaine vers des plateformes numériques. Les technologies numériques peuvent accroître notre efficacité, stimuler notre économie et nous aider à résoudre des problèmes auparavant insurmontables. La révolution numérique a accru notre accès à l’information et notre capacité à nous connecter les uns aux autres au-delà des limites de l’espace physique. Un processus qui était déjà en cours pendant les trois dernières décennies a été accéléré par la pandémie. Des activités telles que l’éducation et le travail, qui étaient normalement effectuées en personne, peuvent désormais être effectuées à distance. Les pays ont également apporté des changements importants à leurs systèmes juridiques et législatifs, adoptant les sessions et le vote en ligne comme alternatives aux réunions en personne. Le rythme rapide auquel l’information se propage modifie également le fonctionnement de la politique.

8) Avec l’avènement du Web 5.0 et d’autres avancées en matière de communication, le rôle de l’intelligence artificielle dans les années à venir aura de plus en plus d’impact sur notre expérience de la réalité. Nous assistons au développement de machines qui travaillent et prennent des décisions à notre place ; qui peuvent apprendre et prédire nos comportements; de capteurs sur notre peau qui peuvent mesurer nos émotions; de machines qui répondent à nos questions et apprennent de nos réponses ou qui utilisent les registres de l’ironie et parlent avec la voix et les expressions de personnes décédées. Dans cette réalité en constante évolution, de nombreuses questions restent sans réponse.[8]

9) Les changements remarquables que le monde a connus depuis l’émergence d’Internet ont également suscité de nouvelles tensions. Certains sont nés dans cette culture et sont des “enfants du numérique”; d’autres essaient encore de s’y habituer en tant qu’“immigrants numériques”. En tout cas, notre culture est désormais une culture numérique. Pour dépasser la vieille dichotomie entre “numérique” versus “en face à face”, certains ne parlent plus de “online” opposé à “offline” mais uniquement de “onlife”, intégrant la vie humaine et sociale dans ses diverses expressions, qu’elles soient dans des espaces numériques ou physiques.

10) Dans le contexte de la communication intégrée, consistant en la convergence des processus de communication, les réseaux sociaux jouent un rôle décisif en tant que forum où nos valeurs, nos croyances, notre langage et nos hypothèses sur la vie quotidienne sont façonnés. De plus, pour de nombreuses personnes, en particulier celles qui vivent dans des pays en développement, le seul contact avec la communication numérique passe par les réseaux sociaux. Bien au-delà de l’acte d’utiliser les réseaux sociaux comme outil, nous vivons dans un écosystème façonné en son cœur par l’expérience du partage social. Alors que nous utilisons encore le web pour rechercher des informations ou des divertissements, nous nous tournons vers les réseaux sociaux pour éprouver un sentiment d’appartenance et d’affirmation, le transformant en un espace vital où a lieu la communication des valeurs et des croyances fondamentales.

Dans cet écosystème, les gens sont invités à faire confiance à l’authenticité des déclarations de mission des entreprises de réseaux sociaux, qui promettent, par exemple, de rapprocher le monde, de donner à chacun le pouvoir de créer et de partager des idées, ou de donner à chacun une voix. Bien que nous soyons conscients du fait que ces slogans publicitaires ne sont presque jamais mis en pratique puisque les entreprises sont beaucoup plus soucieuses de leurs profits, nous avons tout de même tendance à croire les promesses.

11) En effet, lorsque les gens ont commencé à utiliser Internet il y a quelques décennies, ils partageaient déjà une version de ce rêve : l’espoir que le monde numérique serait un espace heureux de compréhension commune, d’information gratuite et de collaboration. Internet devait être une “terre promise” où les gens pourraient compter sur des informations partagées sur la base de la transparence, de la confiance et de l’expertise.

Des écueils à éviter

12) Ces attentes, cependant, n’ont pas été tout à fait satisfaites.

Tout d’abord, nous sommes toujours confrontés à une “fracture numérique”. Alors que cette évolution va plus vite que nos capacités à la comprendre correctement, beaucoup de gens sont encore privés d’accès non seulement aux besoins de base, tels que la nourriture, l’eau, l’habillement, le logement et les soins de santé, mais aussi aux technologies de communication de l’information. Cela laisse un grand nombre de gens marginalisés qui sont bloqués sur le bord de la route.

En outre, une “fracture des réseaux sociaux” devient de plus en plus aiguë. Les plateformes qui promettent de construire une communauté et de rapprocher les gens du monde entier ont au contraire approfondi diverses formes de division.

13) Il y a sur “l’autoroute numérique” quelques écueils à connaître, parce qu’ils permettent de mieux comprendre comment cela a pu se passer.

Aujourd’hui, on ne peut pas parler de “réseaux sociaux” sans considérer leur valeur commerciale, c’est-à-dire sans prendre conscience que la véritable révolution s’est produite lorsque les marques et les institutions ont réalisé le potentiel stratégique des plateformes sociales, contribuant à une consolidation rapide des langages et des pratiques qui, au fil des ans, a transformé les utilisateurs en consommateurs. De plus, les individus sont à la fois des consommateurs et des marchandises : en tant que consommateurs, ils reçoivent de la publicité basée sur les données et du contenu sponsorisé élaboré sur mesure. En tant que marchandises, leurs profils et leurs données sont vendus à d’autres entreprises dans le même but. En adhérant aux déclarations de mission des entreprises de réseaux sociaux, les gens acceptent également des “termes de l’accord” qu’ils ne lisent ou ne comprennent généralement pas. Il est devenu populaire de comprendre ces “termes de l’accord” selon un vieil adage qui dit : “Si vous ne payez pas pour cela, vous êtes le produit”. En d’autres termes, ce n’est pas gratuit : nous payons avec des minutes de notre attention et des octets de nos données.

14) L’importance croissante accordée à la diffusion et au commerce des connaissances, des données et des informations, a généré un paradoxe : dans une société où l’information joue un rôle aussi essentiel, il est de plus en plus difficile de vérifier les sources et l’exactitude des informations qui circulent numériquement. La surcharge de contenu est résolue par des algorithmes d’intelligence artificielle qui déterminent constamment ce qu’il faut nous montrer en fonction de facteurs que nous percevons ou réalisons à peine : non seulement nos choix, goûts, réactions ou préférences précédents, mais aussi nos absences et distractions, pauses et durées d’attention. L’environnement numérique que chaque personne voit – et même les résultats d’une recherche en ligne – n’est jamais le même que celui de quelqu’un d’autre. En recherchant des informations sur les navigateurs, ou en les recevant dans notre flux pour différentes plates-formes et applications, nous ne sommes généralement pas conscients des filtres qui conditionnent les résultats. La conséquence de cette personnalisation de plus en plus sophistiquée des résultats est une exposition forcée à des informations partielles, qui corroborent nos propres idées, renforcent nos croyances, et nous entraînent ainsi dans un isolement lié aux “bulles de filtres”.

15) Les communautés en ligne sur les réseaux sociaux sont des “points de rencontre”, généralement formés autour des intérêts communs des “individus en réseau”. Les personnes présentes sur les réseaux sociaux sont ciblées en fonction de leurs caractéristiques particulières, de leurs origines, de leurs goûts et de leurs préférences, car les algorithmes des plateformes en ligne et des moteurs de recherche tendent à rapprocher les “similaires”, à les regrouper et à attirer leur attention afin de les garder en ligne. Par conséquent, les plateformes de réseaux sociaux peuvent courir le risque d’empêcher leurs utilisateurs de rencontrer réellement “l’autre” qui est différent.

16) Nous avons tous été témoins de systèmes automatisés qui risquent de créer ces “espaces” individualistes et parfois d’encourager des comportements extrêmes. Les discours agressifs et négatifs se propagent facilement et rapidement, offrant un terrain fertile à la violence, aux abus et à la désinformation. Sur les réseaux sociaux, différents acteurs, souvent enhardis par l’utilisation d’un pseudonyme, ne cessent de réagir les uns aux autres. Ces interactions sont généralement très différentes de celles des espaces physiques, où nos actions sont influencées par les commentaires verbaux et non verbaux d’autrui.

17) Être conscient de ces écueils nous aide à discerner et à démasquer la logique qui pollue l’environnement des réseaux sociaux et à chercher une solution à ce mécontentement numérique. Il est important d’apprécier le monde numérique et de le reconnaître comme faisant partie de notre vie. C’est pourtant dans la complémentarité des expériences numériques et physiques que se construisent une vie et un parcours humain.

18) Le long des “autoroutes numériques”, de nombreuses personnes sont blessées par la division et la haine. Nous ne pouvons pas faire comme si cela n’existait pas. Nous ne pouvons pas être de simples passants silencieux. Pour humaniser les environnements numériques, il ne faut pas oublier ceux qui sont “laissés pour compte”. Nous ne pouvons voir ce qui se passe que si nous adoptons le point de vue de l’homme blessé dans la parabole du Bon Samaritain. Comme dans la parabole, où nous sommes informés de ce que l’homme blessé a vu, le point de vue des marginalisés et des blessés numériques nous aide à mieux comprendre le monde de plus en plus complexe d’aujourd’hui.

Tisser des relations

19) À une époque où nous sommes de plus en plus divisés, où chacun se retire dans sa propre bulle de filtres, les réseaux sociaux deviennent une voie menant beaucoup de gens vers l’indifférence, la polarisation et l’extrémisme. Lorsque les gens ne se traitent pas mutuellement comme des êtres humains mais comme de simples expressions d’un certain point de vue qu’ils ne partagent pas, on assiste à une autre manifestation de la “culture du rebut” qui prolifère : la “mondialisation” – et la normalisation – “de l’indifférence”. Se replier dans l’isolement de ses propres intérêts ne peut pas être le moyen de redonner espoir. Au contraire, la voie à suivre est de pratiquer une “culture de la rencontre”, qui promeut l’amitié et la paix entre les différentes personnes.[9]

20) Par conséquent, il est de plus en plus urgent de recourir aux plateformes de réseaux sociaux de façon à aller au-delà de ses propres silos, en sortant du groupe de ses “semblables” pour rencontrer les autres.

Accueillir “l’autre”, quelqu’un qui prend des positions opposées aux miennes ou qui semble “différent”, n’est certainement pas une tâche facile. « Pourquoi devrais-je m’en soucier ? » pourrait bien être notre première réaction. On retrouve même cette attitude dans la Bible, en commençant par le refus de Caïn d’être le gardien de son frère (cf. Gn 4 :9) et en continuant avec le docteur de la Loi qui demande à Jésus : “Qui est mon prochain ?” (Lc 10 :29). Le docteur de la Loi a voulu fixer une limite quant à qui est et qui n’est pas mon prochain. Il semble que nous voudrions trouver une justification à notre propre indifférence ; nous essayons toujours de tracer une ligne entre “nous” et “eux”, entre “quelqu’un que je dois traiter avec respect” et “quelqu’un à qui je peux ne pas prêter attention”. De cette façon, presque imperceptiblement, nous devenons incapables de ressentir de la compassion pour les autres, comme si leurs souffrances étaient de leur propre responsabilité et ne nous concernaient pas.[10]

21) La parabole du Bon Samaritain, au contraire, nous met au défi d’affronter la “culture du rebut” du numérique et de nous entraider pour sortir de notre zone de confort en faisant un effort volontaire pour tendre la main à l’autre. Cela n’est possible que si nous nous vidons, en comprenant que chacun de nous fait partie de l’humanité blessée et en nous rappelant que quelqu’un nous a regardés et a eu de la compassion pour nous.

22) Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons – et devons – être ceux qui font le premier pas pour vaincre l’indifférence, car nous croyons en un “Dieu qui n’est pas indifférent”.[11] Nous pouvons et devons être ceux qui cessent de demander: “Jusqu’à quel point dois-je vraiment prendre soin des autres?”, et qui commencent plutôt à agir en proches, en rejetant la logique d’exclusion et en reconstruisant une logique de communauté[12]. Nous pouvons et devons être ceux qui passent d’une compréhension des médias numériques en tant qu’expérience individuelle à une expérience fondée sur la rencontre mutuelle, qui favorise la construction d’une communauté.

23) Au lieu d’agir en tant qu’individus, de produire du contenu ou de réagir aux informations, idées et images partagées par d’autres, nous devons nous demander : comment pouvons-nous co-créer des expériences en ligne plus saines où les gens peuvent engager des conversations et surmonter les désaccords dans un esprit d’écoute mutuelle?

Comment pouvons-nous donner aux communautés la possibilité de trouver des façons de surmonter les divisions et de promouvoir le dialogue et le respect sur les plateformes de réseaux sociaux ?

Comment redonner à l’environnement en ligne la place qu’il peut et doit occuper, celle d’un lieu de partage, de collaboration et d’appartenance, basé sur la confiance mutuelle ?

24) Chacun peut participer à ce changement en engageant le dialogue avec les autres et en se défiant soi-même dans ses rencontres avec les autres. En tant que croyants, nous sommes appelés à être des communicateurs qui se dirigent intentionnellement vers la rencontre. De cette façon, nous pouvons rechercher des rencontres significatives et durables, plutôt que superficielles et éphémères. En effet, en orientant les connexions numériques vers la rencontre de vraies personnes, la formation de vraies relations et la construction d’une vraie communauté, nous nourrissons en fait notre relation avec Dieu. Cela dit, notre relation avec Dieu doit aussi être nourrie par la prière et la vie sacramentelle de l’Église, qui, de par leur essence, ne peuvent jamais être réduites simplement au royaume “numérique”.

 

  1. De la prise de conscience à la vraie rencontre
    Apprendre de celui qui a eu de la compassion (cf. Lc 10 :33).

Auditeurs intentionnels

25) La réflexion sur notre rapport avec les réseaux sociaux a commencé par une prise de conscience du fonctionnement de ces réseaux et des opportunités et défis auxquels nous sommes confrontés. Si les réseaux sociaux en ligne portent en eux une tendance intrinsèque à l’individualisme et à l’autoglorification, telle qu’elle a été décrite dans le chapitre précédent, nous ne sommes pas condamnés, bon gré mal gré, à tomber dans ces attitudes. Le disciple qui a rencontré le regard miséricordieux du Christ a vécu autre chose. Il ou elle sait qu’une bonne communication commence par l’écoute et la prise de conscience qu’une autre personne est devant moi. L’écoute et la prise de conscience visent à favoriser la rencontre et à surmonter les obstacles existants, y compris celui de l’indifférence. Écouter de cette manière est une étape essentielle pour engager le dialogue avec les autres ; c’est un premier ingrédient indispensable à la communication et une condition d’un véritable dialogue[13].

26) Dans la parabole du Bon Samaritain, l’homme qui a été battu et laissé pour mort a été aidé par la personne la moins attendue : au temps de Jésus, les peuples juif et samaritain étaient souvent en désaccord. Au contraire, l’hostilité aurait été le comportement attendu. Le Samaritain, cependant, n’a pas vu cet homme battu comme un “autre”, mais simplement comme quelqu’un qui avait besoin d’aide. Il a ressenti de la compassion, se mettant à la place de l’autre ; et il a donné de lui-même, de son temps et de ses ressources pour écouter et accompagner quelqu’un qu’il avait rencontré.[14]

27) La parabole peut inspirer les relations sur les réseaux sociaux parce qu’elle montre la possibilité d’une rencontre profondément significative entre deux parfaits inconnus. Le Samaritain brise la “fracture sociale”: il dépasse les frontières de l’accord et du désaccord. Tandis que le prêtre et le lévite passent à côté du blessé, le voyageur samaritain le voit et éprouve de la compassion (cf. Lc 10 :33). La compassion signifie que je sens que l’autre fait partie de moi-même. Le Samaritain écoute l’histoire de l’homme ; il s’approche parce qu’il ressent en lui-même de l’émotion.

28) L’évangile de Luc ne comporte aucun dialogue entre les deux hommes. On peut imaginer le Samaritain trouvant le blessé et, peut-être, lui demandant : “Que t’est-il arrivé ?” Mais même sans paroles, par son attitude d’ouverture et d’hospitalité, une rencontre commence. Ce premier geste est une expression de soin et c’est crucial. La capacité d’écouter et d’être prêt à recevoir l’histoire d’autrui sans se soucier des préjugés culturels de l’époque a empêché que le blessé ne soit laissé pour mort.

29) L’interaction entre les deux hommes nous incite à faire le premier pas dans le monde numérique. Nous sommes invités à voir la valeur et la dignité de ceux dont nous sommes différents. Nous sommes également invités à regarder au-delà de notre filet de sécurité, de nos silos et de nos bulles. Devenir un proche dans l’environnement des réseaux sociaux nécessite de l’intentionnalité. Et cela commence par la capacité de bien écouter, de se laisser toucher par la réalité de l’autre.

Voler notre attention

30) L’écoute est une compétence fondamentale qui nous permet d’entrer en relation avec les autres et pas seulement d’échanger des informations. Nos appareils, cependant, regorgent d’informations. Nous nous retrouvons intégrés dans un réseau d’information, nous connectant avec les autres par le partage de textes, d’images et de sons. Les plateformes de réseaux sociaux nous permettent de faire défiler à l’infini au fur et à mesure que nous explorons ce contexte. Alors que la vidéo et le son ont certainement augmenté la richesse médiatique de la communication numérique, nos interactions médiatisées les uns avec les autres restent encore limitées. Nous découvrons souvent des informations rapidement et sans le contexte complet et nécessaire. Nous pouvons réagir facilement et rapidement à une information sur un écran sans en rechercher toute l’histoire.

31) Cette abondance d’informations présente de nombreux avantages : lorsque nous faisons partie du réseau, les informations sont rapidement et largement accessibles et personnalisées en fonction de nos intérêts. Nous pouvons obtenir des informations pratiques, maintenir des liens sociaux, explorer des ressources et approfondir et élargir nos connaissances. La facilité d’accès à l’information et à la communication a également le potentiel de créer des espaces inclusifs qui donnent la parole à ceux de nos communautés qui sont marginalisés par l’injustice sociale ou économique.

32) Dans le même temps, la disponibilité infinie d’informations a également créé des défis. Nous subissons une surcharge d’informations : notre capacité cognitive à les traiter souffre de la quantité excessive d’informations disponibles. Dans le même ordre d’idées, nous subissons une surcharge d’interactions sociales car nous sommes soumis à un niveau élevé de sollicitations sociales. Différents sites web, applications et plates-formes sont programmés pour s’attaquer à notre désir humain de reconnaissance, et ils se battent constamment pour attirer l’attention des gens. L’attention elle-même est devenue l’atout et la marchandise la plus précieuse.

33) Dans cet environnement, notre attention n’est pas concentrée, alors que nous essayons de naviguer dans cet écrasant réseau d’information et d’interaction sociale. Au lieu de se concentrer sur une question à la fois, notre attention partielle continue passe rapidement d’un sujet à l’autre. Dans notre état “toujours actif”, nous sommes confrontés à la tentation de publier instantanément puisque nous sommes physiologiquement “accro” à la stimulation numérique, voulant toujours plus de contenu dans un défilement sans fin et frustrés par tout manque de mises à jour. Un défi cognitif important de la culture numérique est la perte de notre capacité à penser profondément et de manière ciblée. Nous scrutons la surface et restons dans les eaux peu profondes, au lieu de réfléchir profondément aux réalités.

34) Nous devons être plus attentifs à cet égard. Sans le silence et l’espace pour penser lentement, profondément et de manière ciblée, nous risquons de perdre non seulement nos capacités cognitives, mais aussi la profondeur de nos interactions, tant humaines que divines. L’espace pour l’écoute délibérée, pour l’attention et pour le discernement de la vérité devient rare.

Le processus appelé attention-intérêt-désir-action, bien connu des publicitaires, s’apparente au processus par lequel toute tentation entre dans le cœur humain et détourne notre attention de la seule parole véritablement signifiante et vivifiante, la Parole de Dieu. D’une manière ou d’une autre, nous prêtons encore attention au vieux serpent qui nous montre chaque jour de nouveaux fruits. Ils semblent “savoureux et agréables à l’œil, et aussi désirables pour acquérir l’intelligence” (Gn 3 :6). Comme des graines le long du chemin, là où la Parole est semée, nous permettons au Malin de venir enlever la parole qui a été semée en nous (cf. Mc 4 :14-15).

35) Avec cette surcharge de stimuli et de données que nous recevons, le silence est une denrée précieuse, car il assure un espace pour la concentration et le discernement.[15] L’impulsion à rechercher le silence dans la culture numérique élève l’importance de la concentration et de l’écoute. Dans les environnements éducatifs ou de travail ainsi que dans les familles et les communautés, il y a un besoin croissant de se détacher des appareils numériques. Le “silence” dans ce cas peut être comparé à une “désintoxication numérique”, qui n’est pas simplement une abstinence, mais plutôt un moyen d’établir un contact plus profond avec Dieu et avec les autres.

36) L’écoute émerge du silence et elle est fondamentale pour se soucier des autres. En écoutant, nous accueillons quelqu’un, nous lui offrons l’hospitalité et nous lui montrons du respect. Écouter est aussi un acte d’humilité de notre part, car nous reconnaissons la vérité, la sagesse et la valeur au-delà de notre propre perspective limitée. Sans une disposition d’écoute, nous ne sommes pas en mesure de recevoir le don de l’autre.

Avec l’oreille du cœur

37) Avec la rapidité et l’immédiateté de la culture numérique, qui teste notre attention et notre capacité de concentration, l’écoute devient d’autant plus importante dans notre vie spirituelle. Une approche contemplative est contre-culturelle, voire prophétique, et peut être formatrice non seulement pour les personnes mais aussi pour la culture dans son ensemble.

Un engagement à l’écoute sur les réseaux sociaux est un point de départ fondamental pour évoluer vers un réseau qui ne concerne pas tant les octets, les avatars et les “j’aime” que les personnes.[16] De cette façon, nous passons de réactions rapides, d’hypothèses trompeuses et de commentaires impulsifs à la création d’opportunités de dialogue, posant des questions pour en savoir plus, faisant preuve d’attention et de compassion, et reconnaissant la dignité de ceux que nous rencontrons.

38) La culture numérique a considérablement accru notre accès aux autres. Cela nous offre aussi la possibilité d’écouter beaucoup plus. Souvent, lorsqu’on parle d’“écoute” dans les réseaux sociaux, on fait référence à des processus de surveillance des données, à des statistiques d’engagement et à des actions destinées à une analyse marketing des comportements sociaux présents sur les réseaux. Cela, bien sûr, ne suffit pas pour que les réseaux sociaux soient un environnement d’écoute et de dialogue. L’écoute intentionnelle dans le contexte numérique appelle à une écoute avec “l’oreille du cœur”. Écouter avec “l’oreille du cœur” va au-delà de la capacité physique à entendre des sons. Au contraire, elle nous incite à nous ouvrir à l’autre avec tout notre être : une ouverture du cœur qui rend possible la proximité[17]. C’est une posture d’attention et d’hospitalité qui est fondamentale pour établir la communication. Cette sagesse s’applique non seulement à la prière contemplative mais aussi aux personnes qui recherchent des relations authentiques et des communautés authentiques. Le désir d’être en relation avec les autres et avec l’Autre – Dieu – reste un besoin humain fondamental, qui se manifeste également dans le désir de connectivité dans la culture numérique.[18]

39) Un dialogue intérieur et une relation avec Dieu, rendus possibles par le don divin de la foi, sont essentiels pour nous permettre de grandir dans notre capacité d’écoute. La Parole de Dieu a aussi un rôle fondamental dans ce dialogue intérieur. L’écoute priante de la Parole dans l’Écriture à travers la pratique de la lecture spirituelle des textes bibliques, comme dans la lectio divina, peut être profondément formatrice car elle permet une expérience lente, délibérée et contemplative.[19]

40) La “Parole du Jour” ou “l’Évangile du Jour” figurent parmi les sujets les plus recherchés par les chrétiens sur Google, et on peut affirmer sans risque d’erreur que l’environnement numérique nous a offert de nombreuses possibilités, nouvelles et plus faciles, pour une “rencontre” régulière avec la Parole divine. Notre rencontre avec la Parole du Dieu vivant, même en ligne, fait passer notre approche de la visualisation d’informations à l’écran à la rencontre d’une autre personne racontant une histoire. Si nous gardons à l’esprit que nous nous connectons avec d’autres personnes derrière l’écran, l’exercice d’écoute peut étendre l’hospitalité aux histoires des autres et commencer à forger des relations.

Discerner notre présence sur les réseaux sociaux

41) Du point de vue de la foi, que communiquer et comment communiquer est une question non seulement pratique mais aussi spirituelle. Être présent sur les plateformes de réseaux sociaux incite au discernement. Bien communiquer dans ces contextes est un exercice de prudence et demande une réflexion dans la prière sur la manière d’établir des contacts avec les autres. Aborder cette question à travers le prisme de la question du docteur de la Loi, “Qui est mon prochain ?”, appelle au discernement concernant la présence de Dieu dans et à travers la façon dont nous interagissons les uns avec les autres sur les plateformes de réseaux sociaux.

42) Sur les réseaux sociaux, la proximité est un concept complexe. Les “prochains” des réseaux sociaux sont très clairement ceux avec qui nous entretenons des liens. En même temps, nos prochains sont aussi, bien souvent, ceux que nous ne pouvons pas voir, soit parce que les plateformes nous empêchent de les voir, soit parce qu’ils ne sont tout simplement pas là. Les environnements numériques sont également partagés par d’autres participants tels que les “bots informatiques” et les “deepfakes” (“hyper-trucages”), des programmes informatiques automatisés qui fonctionnent en ligne avec des tâches assignées, simulant souvent une action humaine ou collectant des données.

De plus, les plateformes de réseaux sociaux sont contrôlées par une “autorité” externe, généralement une organisation à but lucratif qui développe, gère et promeut les changements dans la façon dont la plateforme est programmée pour fonctionner. Dans un sens plus large, tous “vivent” ou contribuent au “voisinage” en ligne.

43) Reconnaître son “prochain” numérique signifie reconnaître que la vie de chaque personne nous concerne, même lorsque sa présence (ou son absence) est médiatisée par des moyens numériques. “Les médias d’aujourd’hui nous permettent de communiquer et de partager nos connaissances et nos affections”, comme le dit le Pape François dans Laudato si’, “cependant, ils nous empêchent aussi parfois d’entrer en contact direct avec la détresse, l’inquiétude, la joie de l’autre et avec la complexité de son expérience personnelle”.[20] Être proche sur les réseaux sociaux, c’est être présent aux histoires des autres, en particulier de ceux qui souffrent. En d’autres termes, plaider pour de meilleurs environnements numériques ne signifie pas détourner l’attention des problèmes concrets rencontrés par beaucoup de gens – par exemple, la faim, la pauvreté, la migration forcée, la guerre, la maladie et la solitude. Cela signifie plutôt plaider pour une vision intégrale de la vie humaine qui, aujourd’hui, inclut le domaine numérique. En fait, les réseaux sociaux peuvent être un moyen d’attirer davantage l’attention sur ces réalités et de renforcer la solidarité entre les personnes proches et éloignées.

44) Si l’on considère les réseaux sociaux comme un espace non seulement de connexions, mais en fin de compte de relations, un véritable “examen de conscience” concernant notre présence sur les réseaux sociaux devrait inclure trois relations vitales: avec Dieu, avec notre prochain et avec l’environnement qui nous entoure.[21] Nos relations avec les autres et avec notre environnement devraient nourrir notre relation avec Dieu, et notre relation avec Dieu, qui est la plus importante, doit être visible dans nos relations avec les autres et avec notre environnement.

 

III. De la rencontre à la communauté
“Prends soin de lui” (cf. Lc 10 :35) – étendre le processus de guérison aux autres.

Face à face

45) La communication commence par la connexion et évolue vers les relations, la communauté et la communion.[22] Il n’y a pas de communication sans la vérité d’une rencontre. Communiquer, c’est établir des relations ; c’est “être avec”. Être communauté, c’est partager avec les autres des vérités fondamentales sur ce que l’on a et sur ce que l’on est. Bien au-delà de la simple proximité géographique-territoriale ou ethnico-culturelle, ce qui constitue une communauté, c’est un partage commun de la vérité ainsi qu’un sentiment d’appartenance, de réciprocité et de solidarité, dans les différentes sphères de la vie sociale. Quand on considère ces derniers éléments, il est important de se rappeler que la construction de l’unité communautaire par des pratiques communicatives, qui maintiennent les liens sociaux à travers le temps et l’espace, sera toujours secondaire par rapport à l’adhésion à la vérité elle-même.

46) Comment construire, au moyen de pratiques de communication, une communauté même parmi des gens qui ne sont pas physiquement proches les uns des autres, est en fait une très vieille question. Nous pouvons déjà détecter dans les lettres des Apôtres une tension entre présence médiatisée et désir de rencontre en personne. L’évangéliste Jean, par exemple, conclut ses deuxième et troisième lettres en disant : “J’ai beaucoup à vous écrire, mais je ne veux pas utiliser de papier ni d’encre. Au lieu de cela, j’espère vous rendre visite et vous parler face à face, afin que notre joie soit complète” (2 Jn 12). Il en va de même pour l’apôtre Paul qui, même quand il était absent et ressentait le “désir de voir” les gens en personne (1 Th 2 :17), était présent, par ses lettres, dans la vie de chacune des communautés qu’il avait fondées (cf. 1 Co 5:3). Ses écrits ont également servi à “interconnecter” les différentes communautés (cf. Col 4 :15-16). La capacité de construction communautaire de Paul s’est transmise jusqu’à nos jours à travers ses nombreuses lettres, dans lesquelles nous apprenons que pour lui il n’y avait pas de dichotomie entre présence physique et présence à travers sa parole écrite lue par la communauté (cf. 2 Co 10 :9-11).

47) Dans la réalité de plus en plus vivante du monde d’aujourd’hui, il est nécessaire de dépasser une logique “soit-ou bien”, qui pense les relations humaines dans une logique dichotomique (numérique vs. réel-physique-en personne), et assume une logique “à la fois-et”, fondée sur la complémentarité et la plénitude de la vie humaine et sociale. Les relations communautaires sur les réseaux sociaux doivent renforcer les communautés locales et vice versa. “L’utilisation du web social est complémentaire d’une rencontre en chair et en os qui s’anime à travers le corps, le cœur, les yeux, le regard et le souffle de l’autre. Si le Net est utilisé comme une extension ou une attente d’une telle rencontre, alors le concept de réseau n’est pas trahi et reste une ressource pour la communion”[23]. “Le réseau numérique peut être un lieu plein d’humanité, pas seulement un réseau de fils, mais de personnes humaines”[24], si l’on se rappelle que de l’autre côté de l’écran il n’y a pas de “chiffres” ou de simples “agrégats d’individus”, mais des personnes qui ont des histoires, des rêves, des attentes, des souffrances. Il y a un nom et un visage.

Sur la route de Jéricho

48) Les médias numériques permettent aux gens de se rencontrer au-delà des frontières de l’espace et des cultures. Même si ces rencontres numériques n’apportent pas nécessairement une proximité physique, elles peuvent néanmoins être significatives, percutantes et réelles. Au-delà de simples connexions, ils peuvent être un moyen de s’engager sincèrement avec les autres, d’engager des conversations significatives, d’exprimer la solidarité et de soulager l’isolement et la douleur de quelqu’un.

49) Les réseaux sociaux peuvent être perçus comme un autre “chemin vers Jéricho”, rempli d’occasions de rencontres imprévues comme pour Jésus : un mendiant aveugle qui crie au bord de la route (cf. Lc 18 :35-43), un collecteur d’impôts malhonnête qui se cache dans les branches d’un figuier (cf. Lc 19:1-9) et un blessé laissé à moitié mort par des brigands (cf. Lc 10:30). En même temps, la parabole du Bon Samaritain nous rappelle que ce n’est pas parce qu’une personne est “religieuse” (un prêtre ou un lévite) ou prétend être un disciple de Jésus qu’elle offrira de l’aide ou cherchera la guérison et la réconciliation. L’aveugle a été réprimandé par les disciples de Jésus et ils lui ont dit de se taire ; l’interaction de Zachée avec Jésus a provoqué des grognements de protestation des autres; le prêtre et le lévite ont fait comme si le blessé n’existait pas lorsqu’ils sont passés près de lui.

50) Aux carrefours numériques comme dans les rencontres en face à face, être “chrétien” ne suffit pas. On peut trouver sur les réseaux sociaux de nombreux profils ou comptes qui annoncent un contenu religieux mais qui ne s’engagent pas dans une dynamique relationnelle de manière fidèle. Des interactions hostiles et des paroles violentes et dégradantes, en particulier dans le contexte du partage de contenu chrétien, crient depuis l’écran et sont en contradiction avec l’Évangile lui-même.[25]

Au contraire, le Bon Samaritain, attentif et ouvert à la rencontre du blessé, est incité par la compassion à agir et à prendre soin de lui. Il soigne les blessures de la victime et l’emmène dans une auberge pour lui assurer des soins continus. De même, nos envies de faire des réseaux sociaux un espace plus humain et relationnel doivent se traduire par des attitudes concrètes et des gestes créatifs.

51) Favoriser un sentiment de communauté implique d’être attentif aux valeurs partagées, aux expériences, aux espoirs, aux peines, aux joies, à l’humour et même aux blagues, qui en eux-mêmes peuvent devenir des points de rassemblement pour les personnes dans les espaces numériques. Comme pour l’écoute, le discernement et les rencontres, former une communauté avec les autres demande un engagement personnel. Ce qui est défini comme “amitié” par les plateformes de réseaux sociaux commence simplement par une connexion ou une connaissance. Cependant, là aussi, il est possible de souligner un esprit partagé de soutien et de camaraderie. Devenir une communauté exige un sens de la participation libre et mutuel ; devenir une association souhaitée qui rassemble des membres basés sur la proximité. La liberté et l’entraide ne naissent pas automatiquement. Pour former une communauté, le travail de guérison et de réconciliation est souvent la première étape à parcourir.

52) Même sur les réseaux sociaux, “nous sommes confrontés au choix d’être de bons samaritains ou des voyageurs indifférents qui passent outre. Et si nous étendons notre regard à l’ensemble de notre histoire et au monde de long en large, tous nous sommes ou avons été comme ces personnages : nous avons tous quelque chose d’un homme blessé, quelque chose d’un brigand, quelque chose de ceux qui passent outre et quelque chose du bon Samaritain”.[26]

Nous pouvons tous être des passants sur les autoroutes numériques – simplement “connectés”[27] – ou nous pouvons faire quelque chose comme le Samaritain et permettre aux connexions de se transformer en véritables rencontres. Le passant occasionnel devient un proche lorsqu’il prend soin du blessé en soignant ses blessures. En s’occupant de l’homme, il vise à soigner non seulement les blessures physiques mais aussi les divisions et l’animosité qui existent entre leurs groupes sociaux.

53) Que signifie alors “soigner” les blessures sur les réseaux sociaux ? Comment “lier” ce qui est divisé ? Comment construire des environnements ecclésiaux capables d’accueillir et d’intégrer les “périphéries géographiques et existentielles” des cultures d’aujourd’hui ? Des questions comme celles-là sont essentielles pour discerner notre présence chrétienne sur les autoroutes numériques.

“Aujourd’hui, nous nous trouvons face à la grande opportunité de montrer que, par essence, nous sommes frères, l’opportunité d’être d’autres bons samaritains qui prennent sur eux-mêmes la douleur des échecs, au lieu d’accentuer les haines et les ressentiments. Comme pour le voyageur de notre histoire qui passait par hasard, il suffirait juste d’être animé du désir spontané, pur et simple de vouloir constituer un peuple, d’être constant et infatigable dans le travail d’inclure, d’intégrer et de relever celui qui gît à terre”.[28]

« Allez et faites de même »

54) La relation engendre la relation, la communauté construit la communauté. La grâce de la relation qui est établie entre deux personnes va au-delà de leur interaction. La personne humaine est faite pour la relation et pour la communauté. En même temps, la solitude et l’isolement font du tort à notre réalité culturelle, comme nous en avons fait l’expérience aiguë lors de la pandémie de COVID-19. Ceux qui recherchent de la compagnie, en particulier les marginalisés, se tournent souvent vers les espaces numériques pour trouver une communauté, une inclusion et une solidarité avec les autres. Alors que beaucoup ont trouvé du réconfort dans la connexion avec les autres dans l’espace numérique, d’autres trouvent cela inadéquat. Nous ne parvenons peut-être pas à fournir un espace à ceux qui cherchent à engager un dialogue et à trouver du soutien sans être confrontés à des attitudes de jugement ou défensives.

55) Le passage de la rencontre à la relation puis à la communauté concerne à la fois les dons et les défis de la culture numérique. Parfois, des communautés en ligne se forment lorsque des gens trouvent un terrain d’entente en se rassemblant contre un “autre” externe, un ennemi idéologique commun. Ce type de polarisation donne lieu à un “tribalisme numérique” dans lequel des groupes s’opposent à d’autres groupes dans un esprit de confrontation. Nous ne pouvons pas oublier la présence des autres, frères et sœurs, personnes de dignité à travers ces lignes tribales. “Je ne dois pas cataloguer les autres pour décider qui est mon prochain et qui ne l’est pas. Il dépend de moi d’être ou de ne pas être le prochain – la décision est la mienne – il dépend de moi d’être ou de ne pas être le prochain de la personne que je rencontre et qui a besoin d’aide, même si elle est étrangère ou peut-être hostile”[29]. Malheureusement, les relations brisées, les luttes et les divisions ne sont pas inconnues dans l’Église. Par exemple, lorsque des groupes qui se présentent comme “catholiques” utilisent leur présence sur les réseaux sociaux pour favoriser la division, ils ne se comportent pas comme une communauté chrétienne devrait le faire.[30] Au lieu de capitaliser sur les conflits et les pièges à clics contradictoires, les attitudes hostiles devraient devenir des occasions de conversion, une occasion d’assister à une rencontre, à un dialogue et à une réconciliation autour de questions apparemment conflictuelles.[31]

  1. L’engagement avec les réseaux sociaux doit aller au-delà de l’échange d’opinions personnelles ou de l’émulation de comportements. L’action sociale mobilisée à travers les réseaux sociaux a eu un plus grand impact et est souvent plus efficace pour transformer le monde qu’un débat d’idées superficiel. Les débats sont généralement limités par le nombre de caractères autorisés et la rapidité avec laquelle les gens réagissent aux commentaires, sans parler des arguments émotionnelsad hominem– des attaques dirigées contre la personne qui parle, quel que soit le sujet abordé.

Le partage d’idées est nécessaire, mais les idées seules ne fonctionnent pas ; elles doivent devenir “chair”. Les actions doivent fertiliser le sol jour après jour.[32]

En apprenant du Samaritain, nous sommes appelés à devenir attentifs à cette dynamique. Il ne se limite pas à ressentir de la pitié ; il ne se limite même pas à panser les blessures d’un étranger. Il va plus loin, emmenant le blessé dans une auberge et organisant la poursuite de ses soins[33]. Par cet arrangement, la relation de soin et les germes de communauté établis entre le Samaritain et le blessé sont étendus à l’aubergiste et à sa maison.

Comme le docteur de la Loi, nous aussi, dans notre présence médiatique numérique, nous sommes invités à “aller et faire de même” et à promouvoir ainsi le bien commun. Comment pouvons-nous aider à corriger un environnement numérique toxique ? Comment pouvons-nous promouvoir l’hospitalité et les opportunités de guérison et de réconciliation ?

57) L’hospitalité se construit sur l’ouverture que nous apportons à la rencontre avec l’autre ; à travers elle, nous accueillons le Christ sous les traits de l’étranger (cf. Mt 25 :40). Pour cela, les communautés numériques doivent partager des contenus et des intérêts mais aussi agir ensemble et devenir un témoin de communion. Il existe déjà des expressions puissantes de communautés de soins dans le contexte numérique. Par exemple, il existe des communautés qui se rassemblent pour soutenir les autres en cas de maladie, de perte et de deuil, ainsi que des communautés qui fournissent de l’argent à une personne dans le besoin et celles qui apportent un soutien social et psychologique à leurs membres. Tous ces efforts peuvent être considérés comme des exemples de “proximité numérique”. Des personnes très différentes les unes des autres peuvent s’engager dans un dialogue en ligne pour promouvoir une action sociale. Ils peuvent ou non être inspirés par la foi. Dans tous les cas, les communautés qui se forment pour agir pour le bien des autres sont essentielles pour surmonter l’isolement dans les réseaux sociaux.

58) On peut voir encore plus grand : le web social n’est pas immuable. Nous pouvons le changer. Nous pouvons devenir des moteurs de changement, en imaginant de nouveaux modèles fondés sur la confiance, sur la transparence, l’égalité et l’inclusion. Ensemble, nous pouvons inciter les entreprises de médias à reconsidérer leur rôle et à laisser Internet devenir un véritable espace public. Des espaces publics bien structurés sont capables de promouvoir de meilleurs comportements sociaux. Nous devons donc reconstruire les espaces numériques pour qu’ils deviennent des environnements plus humains et plus sains.

Partager un repas

59) En tant que communauté de foi, l’Église est en pèlerinage vers le Royaume des Cieux. Étant donné que les réseaux sociaux et, plus largement, la réalité numérique sont un aspect crucial de ce cheminement, il est important de réfléchir à la dynamique de communion et de communauté face à la présence de l’Église dans l’environnement numérique.

Pendant la pandémie, dans les périodes de confinement les plus dures, la diffusion de célébrations liturgiques par les réseaux sociaux et d’autres moyens de communication a apporté beaucoup de réconfort à ceux qui ne pouvaient y participer en personne. Toutefois il faut encore beaucoup réfléchir, dans nos communautés de foi, à la façon de tirer parti de l’environnement numérique d’une manière qui complète la vie sacramentelle. Des questions théologiques et pastorales ont été soulevées à propos de divers sujets tels que l’exploitation commerciale de la retransmission de la Sainte Messe.

60) La communauté ecclésiale se forme là où deux ou trois personnes se réunissent au nom de Jésus (cf. Mt 18 :20) indépendamment de leur origine, de leur résidence ou de leur appartenance géographique. Nous pouvons reconnaître que l’Église est entrée dans les foyers des gens à travers la transmission de la messe mais il faut réfléchir à ce que signifie la “participation” à l’Eucharistie[34]. L’émergence de la culture numérique et l’expérience de la pandémie ont révélé combien nos initiatives pastorales ont accordé peu d’attention à “l’Église domestique”, l’Église qui se rassemble dans les maisons et autour de la table. À cet égard, nous avons besoin de redécouvrir le lien entre la liturgie célébrée dans nos églises et la célébration du Seigneur avec les gestes, les paroles et les prières dans la maison familiale. Autrement dit, nous devons reconstruire le pont entre nos tables familiales et l’autel, où nous sommes spirituellement nourris quand nous recevons la Sainte Eucharistie et confirmés dans notre communion en tant que croyants.

61) On ne peut pas partager un repas à travers un écran.[35] Tous nos sens sont sollicités lorsque nous partageons un repas: le goût et l’odorat, les regards qui contemplent les visages des convives, l’écoute des conversations à table. Partager un repas à table est notre première éducation à l’attention envers les autres, un encouragement des relations entre les membres de la famille, les voisins, les amis et les collègues. De même, nous participons avec toute la personne à l’autre : l’attention, l’esprit et le corps sont impliqués. La liturgie est une expérience sensorielle ; nous entrons dans le mystère eucharistique par les portes des sens qui s’éveillent et se nourrissent de leur besoin de beauté, de sens, d’harmonie, de vision, d’interaction et d’émotion. Surtout, l’Eucharistie n’est pas quelque chose que nous pouvons simplement “regarder” ; c’est quelque chose qui nous nourrit vraiment.

62) L’incarnation est importante pour les chrétiens. Le Verbe de Dieu s’est incarné dans un corps, il a souffert et est mort avec son corps, et à la Résurrection il est ressuscité dans son corps. Après son retour vers le Père, tout ce qu’il a vécu dans son corps a coulé dans les sacrements.[36] Il est entré dans le sanctuaire céleste et a laissé ouvert un chemin de pèlerinage. A travers ce chemin le ciel se déverse sur nous.

63) Être connecté au-delà des limites de l’espace n’est pas l’aboutissement de “merveilleuses découvertes technologiques”. C’est quelque chose que nous vivons, même sans le savoir, chaque fois que nous “nous rassemblons au nom de Jésus”, chaque fois que nous participons à la communion universelle du corps du Christ. Là, nous nous « connectons » avec la Jérusalem céleste et rencontrons les saints de tous les temps et nous nous reconnaissons comme faisant partie du même Corps du Christ.

Par conséquent, comme nous le rappelle le Pape François dans son message de la Journée Mondiale pour les Communication Sociales 2019, le web social complète – mais ne remplace pas – une rencontre dans la chair qui prend vie à travers le corps, le cœur, les yeux, le regard et le souffle de l’autre. “Si une famille utilise le réseau pour être plus connectée, pour ensuite se réunir à table et se regarder dans les yeux, alors c’est une ressource. Si une communauté ecclésiale coordonne sa propre activité à travers le réseau, pour ensuite célébrer l’Eucharistie ensemble, alors c’est une ressource (…) L’Église elle-même est un réseau tissé par la communion eucharistique, où l’union n’est pas fondée sur « j’aime« , mais sur la vérité, sur l’“Amen”, avec lequel chacun adhère au Corps du Christ en accueillant les autres”[37].

 

  1. Un style distinctif
    Aimez… et vous vivrez (cf. Lc 10 : 27-28).

Le quoi et le comment : la créativité de l’amour

64) Beaucoup de créateurs de contenu chrétiens se demandent : Quelle est la stratégie la plus efficace pour atteindre plus d’utilisateurs-personnes-âmes ? Quel outil rend mon contenu plus attractif ? Quel style fonctionne le mieux ? Ces questions sont utiles mais nous devons toujours nous rappeler que la communication n’est pas simplement une “stratégie”. C’est beaucoup plus. Un vrai communicant donne tout, se donne tout entier. Nous communiquons avec notre âme et avec notre corps, avec notre esprit, notre cœur, nos mains, avec tout.[38]

En partageant le Pain de Vie, nous apprenons un “style de partage” de Celui qui nous a aimés et s’est donné pour nous (cf. Ga 2 :20). Ce style se reflète dans trois attitudes – “proximité, compassion et tendresse” – que le Pape François reconnaît comme des caractéristiques distinctives du style de Dieu[39]. Jésus lui-même, dans son dîner d’adieu, nous a assuré que le signe distinctif de ses disciples serait de s’aimer comme il les a aimés. Par-là, chacun peut reconnaître une communauté chrétienne (cf. Jn 13 :34-35).

Comment pourrait-on refléter le “style” de Dieu sur les réseaux sociaux ?

65) Tout d’abord, nous devons nous rappeler que tout ce que nous partageons dans nos publications, nos commentaires et nos “j’aime”, oralement ou par écrit, dans des films ou des images animées, doit s’aligner sur le style que nous apprenons du Christ qui a transmis son message non seulement par la parole, mais dans toute sa manière de vivre, révélant que la communication, à son niveau le plus profond, est le don de soi par amour.[40] Par conséquent, la façon dont nous disons quelque chose est tout aussi importante que ce que nous disons. Toute créativité consiste à faire en sorte que le comment corresponde au quoi. Autrement dit, on ne peut que bien communiquer si on “aime bien”.[41]

66) Pour communiquer la vérité, nous devons d’abord nous assurer que nous transmettons des informations véridiques ; non seulement quand nous créons du contenu, mais aussi quand nous le partageons. Nous devons nous assurer que nous sommes une source fiable. Pour communiquer le bien, nous avons besoin d’un contenu de qualité, d’un message qui vise à aider, pas à nuire ; à promouvoir l’action positive, pas à perdre du temps en discussions inutiles. Pour communiquer la beauté, nous devons nous assurer que nous communiquons un message dans son intégralité, ce qui nécessite l’art de la contemplation – un art qui nous permet de voir une réalité ou un événement lié à beaucoup d’autres réalités et événements.

Dans le contexte de la “post-vérité” et des “fausses nouvelles”, Jésus-Christ, “le chemin, la vérité et la vie” (Jn 14:6) représente le principe de notre communion avec Dieu et les uns avec les autres.[42] Comme le Pape François nous l’a rappelé dans le message de la Journée Mondiale pour les Communications sociales 2019, “l’obligation de garder la vérité découle de la nécessité de ne pas nier la relation réciproque de la communion. La vérité, en fait, se révèle dans la communion. Le mensonge au contraire est un refus égoïste de reconnaître la propre appartenance au corps ; c’est le refus de se donner aux autres, perdant ainsi la seule voie de se retrouver soi-même”.[43]

67) Pour cette raison, la deuxième chose à retenir est qu’un message est plus facilement persuasif quand celui qui le communique appartient à une communauté. Il est urgent d’agir non seulement en tant qu’individus, mais en tant que communautés. Le fait que les réseaux sociaux facilitent les initiatives individuelles dans la production de contenu peut sembler une opportunité précieuse, mais cela peut devenir problématique lorsque les activités individuelles sont menées de manière capricieuse et ne reflètent pas l’objectif global et la vision de la communauté ecclésiale. Laisser de côté notre propre agenda et l’affirmation de nos propres capacités et compétences, afin de découvrir que chacun de nous – avec tous ses talents et ses faiblesses – fait partie d’un groupe, est un don qui nous permet de collaborer en tant que “membres les uns des autres”. Nous sommes appelés à témoigner d’un style de communication qui favorise notre appartenance les uns aux autres et qui ravive ce que saint Paul appelle les “ligaments” qui permettent aux membres d’un corps d’agir en synergie (Col 2 :19).

68) Notre créativité ne peut donc être que le résultat d’une communion : elle n’est pas tant l’aboutissement d’un grand génie individuel, mais plutôt le fruit d’une grande amitié. En d’autres termes, c’est le fruit de l’amour. En tant que communicateurs chrétiens, nous sommes appelés à donner le témoignage d’un style de communication qui n’est pas fondé seulement sur l’individu, mais sur un mode de construction communautaire et d’appartenance. La meilleure façon de transmettre du contenu est de rassembler les voix de ceux qui aiment ce contenu. Travailler ensemble en équipe, faire place à des talents, des parcours, des capacités et des rythmes divers, co-créer la beauté dans une “créativité symphonique”, est en fait le plus beau témoignage du fait que nous sommes vraiment des enfants de Dieu, rachetés du fait de ne nous préoccuper que de nous-mêmes et ouverts à la rencontre avec les autres.

Dites-le en racontant une histoire

69) Les belles histoires captent l’attention et font travailler l’imagination. Elles révèlent la vérité et lui offrent l’hospitalité. Les histoires nous donnent un cadre d’interprétation pour comprendre le monde et répondre à nos questions les plus profondes. Les histoires construisent la communauté, car la communauté se construit toujours par la communication.

La narration a acquis une importance renouvelée dans la culture numérique en raison du pouvoir unique qu’ont les histoires d’attirer notre attention et de nous parler directement ; elles fournissent également un contexte de communication plus complet que ce qui est possible dans des publications ou des tweets tronqués. La culture numérique regorge d’informations et ses plateformes sont pour la plupart des environnements chaotiques. Les histoires offrent une structure, une façon de donner du sens à l’expérience numérique. Plus “incarnées” qu’un simple argument et plus complexes que les réactions superficielles et émotionnelles souvent rencontrées sur les plateformes numériques, elles contribuent à restaurer les relations humaines en offrant aux gens la possibilité de transmettre leurs histoires ou de partager celles qui les ont transformés.

70) Une bonne raison de raconter une histoire est de répondre aux personnes qui remettent en question notre message ou notre mission. Pour répondre à un commentaire haineux, créer un contre-récit peut être plus efficace que répondre par un argument.[44] De cette façon, on s’éloigne d’une position de défense pour s’orienter vers la promotion active d’un message positif et vers la culture de la solidarité, comme Jésus l’a fait avec l’histoire du Bon Samaritain. Au lieu de discuter avec le docteur de la Loi pour déterminer qui on doit considérer comme son prochain et qui ont peut laisser de côté ou même haïr, Jésus a simplement raconté une histoire. En tant que maître conteur, Jésus ne met pas le docteur de la Loi à la place du Samaritain, mais à la place du blessé. Pour savoir qui est son prochain, le docteur de la loi doit d’abord comprendre qu’il est à la place du blessé et que quelqu’un a pitié de lui. Ce n’est que lorsqu’il l’a découvert et a fait l’expérience de l’attention que le Samaritain lui porte qu’il peut tirer des conclusions sur sa propre vie et s’approprier l’histoire. Le docteur de la Loi est l’homme qui est tombé entre les mains des voleurs, et le Samaritain qui s’approche de lui est Jésus.

Chacun de nous, quand il écoute cette histoire, est l’homme blessé qui est étendu par terre. Et pour chacun de nous, le Samaritain, c’est Jésus. Car si nous demandons encore : “Qui est mon prochain ?”, c’est que nous n’avons toujours pas découvert que nous sommes aimés et que notre vie est liée à toutes les vies.

71) Dès le début de l’Église, raconter l’histoire de l’expérience profonde que les disciples de Jésus avaient vécue en sa présence a conduit d’autres personnes à devenir des disciples chrétiens. Les Actes des Apôtres regorgent de tels exemples. Par exemple, Pierre a reçu la puissance du Saint-Esprit et a prêché la résurrection du Christ aux pèlerins à la Pentecôte. Cela a conduit à la conversion de trois mille personnes (cf. Actes 2 :14-41). Nous avons là une idée de la manière dont notre narration peut influencer les autres. En même temps, raconter des histoires et des expériences n’est qu’un élément de l’évangélisation. Les explications systématiques de la foi faites à travers la formulation des Symboles de la foi et d’autres ouvrages doctrinaux sont également importants.

Construire une communauté dans un monde fragmenté

72) Les gens recherchent quelqu’un qui puisse leur donner une direction et de l’espoir ; ils ont soif de conseils moraux et spirituels, mais n’en trouvent pas souvent dans les lieux traditionnels. Il est désormais courant de se tourner vers des “influenceurs”, des individus qui gagnent et conservent un large public, qui acquièrent une plus grande visibilité et sont capables d’inspirer et de motiver les autres avec leurs idées ou leurs expériences. Adopté de la théorie de l’opinion publique pour l’approche marketing des réseaux sociaux, le succès d’un influenceur des réseaux sociaux est lié à sa capacité à se démarquer dans l’immensité du réseau en attirant un grand nombre de followers.

73) En soi, devenir “viral” est une action neutre ; cela n’a pas automatiquement un impact positif ou négatif sur la vie des autres. À cet égard, “les réseaux sociaux sont capables de favoriser les relations et de promouvoir le bien de la société, mais ils peuvent aussi conduire plus tard à des polarisations et des divisions entre les personnes et les groupes. Le domaine numérique est une place, un lieu de rencontre, où l’on peut caresser ou blesser, avoir une discussion profitable ou faire un lynchage moral”.[45]

74) Micro et macro-influenceurs

Nous devrions tous prendre notre “influence” au sérieux. Il n’y a pas que des macro-influenceurs à large audience, mais aussi des micro-influenceurs. Tout chrétien est un micro-influenceur. Tout chrétien doit être conscient de son influence potentielle, quel que soit le nombre de ses followers. En même temps, il doit être conscient que la valeur du message véhiculé par “l’influenceur” chrétien ne dépend pas des qualités du messager. Chaque disciple du Christ a le potentiel d’établir un lien, non pas avec lui-même, mais avec le Royaume de Dieu, même pour le plus petit cercle de ses relations. “Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et ta famille” (Actes 16 :31).

Cependant, nous devons reconnaître que notre responsabilité s’accroît avec l’augmentation du nombre de followers. Plus le nombre de followers est grand, plus nous devrions être conscients que nous n’agissons pas en notre propre nom. La responsabilité de servir sa communauté, en particulier pour ceux qui occupent des rôles de leadership public, ne peut pas devenir secondaire par rapport à la promotion de ses opinions personnelles depuis les chaires publiques des médias numériques.[46]

75) Soyez réfléchis, pas réactifs

Le style chrétien sur les réseaux sociaux doit être réfléchi et non réactif. Par conséquent, nous devons tous faire attention à ne pas tomber dans les pièges numériques cachés dans un contenu intentionnellement conçu pour semer le conflit entre les utilisateurs en provoquant l’indignation ou des réactions émotionnelles.

Nous devons prendre garde à la publication et au partage de contenus susceptibles de provoquer des malentendus, d’exacerber les divisions, d’inciter aux conflits et d’approfondir les préjugés. Malheureusement, la tendance à se laisser emporter par des discussions animées et parfois irrespectueuses est courante avec les échanges en ligne. Nous pouvons tous tomber dans la tentation de rechercher la “paille dans l’œil” de nos frères et sœurs (Mt 7 :3) en portant des accusations publiques sur les réseaux sociaux, en attisant les divisions au sein de la communauté ecclésiale ou en nous disputant pour savoir qui d’entre nous est le plus grand, comme l’ont fait les premiers disciples (Lc 9:46). Le problème de la communication polémique et superficielle, et par là même source de division, est particulièrement préoccupant lorsqu’il émane de dirigeants de l’Église : évêques, pasteurs et dirigeants laïcs éminents. Non seulement ceux-ci provoquent des divisions au sein de la communauté, mais ils autorisent et légitiment la promotion de ce type de communication par d’autres personnes.

Face à cette tentation, la meilleure ligne de conduite est souvent de ne pas réagir ou de réagir par le silence pour ne pas donner du poids à cette fausse dynamique. Il est prudent de dire que ce type de dynamique ne construit pas ; au contraire, il cause un grand mal. Ainsi, les chrétiens sont appelés à montrer une autre voie.

76) Soyez actifs, soyez synodaux

Les réseaux sociaux peuvent devenir un moyen de partager des histoires et des expériences de beauté ou de souffrance éloignées de nous physiquement. Ce faisant, nous pouvons alors prier ensemble et rechercher ensemble le bien, en redécouvrant ce qui nous unit.[47] Être actif signifie s’engager dans des projets qui affectent la vie quotidienne des gens: des projets qui promeuvent la dignité humaine et le développement, visent à réduire les inégalités numériques, favorisent l’accès numérique à l’information et à l’alphabétisation, encouragent l’intendance et les initiatives de financement participatif en faveur de ceux qui sont pauvres et marginalisés, et donnent voix aux sans-voix de la société.

Les défis auxquels nous sommes confrontés sont mondiaux et nécessitent donc un effort de collaboration mondial. Il est donc urgent d’apprendre à agir ensemble, en tant que communauté et non en tant qu’individus. Non pas tant comme “influenceurs individuels”, mais comme “tisserands de communion” : mettre en commun nos talents et compétences, partager connaissances et contributions.[48]

Pour cette raison, Jésus a envoyé les disciples “deux par deux” (cf. Mc 6 :7), afin qu’en cheminant ensemble[49] nous puissions révéler, y compris sur les réseaux sociaux, le visage synodal de l’Église. C’est le sens profond de la communion qui unit tous les baptisés du monde entier. En tant que chrétiens, la communion fait partie de notre “ADN”. Ainsi, l’Esprit Saint nous permet d’ouvrir notre cœur aux autres et d’embrasser notre appartenance à une fraternité universelle.

La marque du témoin

77) Notre présence sur les réseaux sociaux se concentre généralement sur la diffusion d’informations. En ce sens, la présentation d’idées, d’enseignements, de pensées, de réflexions spirituelles, etc. sur les réseaux sociaux doit être fidèle à la tradition chrétienne. Mais cela ne suffit pas. En plus de notre capacité à atteindre les autres avec un contenu religieux intéressant, nous, chrétiens, devrions être connus pour notre disponibilité à écouter, à discerner avant d’agir, à traiter tout le monde avec respect, à réagir par une question plutôt que par un jugement, à garder le silence au lieu de déclencher une polémique et à être “prompt à entendre, lent à parler, lent à se mettre en colère” (Jc 1.19). En d’autres termes, tout ce que nous faisons, en paroles et en actes, doit porter la marque du témoignage. Nous ne sommes pas présents sur les réseaux sociaux pour “vendre un produit”. Nous ne faisons pas de publicité, mais nous communiquons la vie, la vie qui nous a été donnée en Christ. Par conséquent, chaque chrétien doit veiller à ne pas faire de prosélytisme, mais à témoigner.

78) Que signifie être témoin ? Le mot grec pour témoin est “martyr”, et on peut dire sans risque que certains des “influenceurs chrétiens” les plus puissants ont été des martyrs. Les martyrs attirent parce qu’ils manifestent leur union avec Dieu par le sacrifice de leur vie même.[50] “Ne savez-vous pas que vos corps sont les temples du Saint-Esprit, qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu? Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes” (1 Co 6 ;19). Les corps des martyrs sont des instruments exemplaires pour la révélation de l’amour de Dieu.

Si le martyre est le signe ultime du témoignage chrétien, tout chrétien est appelé à se sacrifier : la vie chrétienne est une vocation qui consume notre existence même en s’offrant, âme et corps, pour devenir un espace de communication de l’amour de Dieu, un signe qui pointe vers le Fils de Dieu.

C’est dans ce sens que l’on comprend mieux la parole du grand Jean-Baptiste, premier témoin du Christ : “Il faut qu’il croisse ; il faut que je diminue” (Jn 3 :30). Comme le Précurseur, qui exhortait ses disciples à suivre le Christ, nous aussi nous ne recherchons pas des ”followers” pour nous-mêmes, mais pour le Christ. Nous ne pouvons répandre l’Évangile qu’en forgeant une communion qui nous unit dans le Christ. Nous le faisons en imitant la manière d’interagir avec les autres de Jésus.

79) L’attractivité de la foi atteint les gens là où ils se trouvent et tels qu’ils sont ici et maintenant. Jésus, qui était au départ un charpentier inconnu de Nazareth, a rapidement gagné en popularité dans toute la région de Galilée. Regardant avec compassion le peuple, qui était comme des brebis sans berger, Jésus proclama le Royaume de Dieu en guérissant les malades et en enseignant les foules. Pour assurer la “portée” maximale, il parlait souvent aux foules depuis une montagne ou un bateau. Pour favoriser “l’engagement” de certains qui le suivaient, il en choisit douze à qui il expliqua tout. Mais alors, à l’improviste, au sommet de son “succès”, il se retirait dans la solitude avec le Père. Et il demandait à ses disciples de faire de même : lorsqu’ils racontaient le succès de leurs missions, il les invitait à s’éloigner pour se reposer et prier. Et quand ils discutaient pour décider qui parmi eux était le plus grand, il leur annonça ses futures souffrances sur la croix. Son objectif – ils ne le comprendraient que plus tard – n’était pas d’augmenter son audience, mais de révéler l’amour du Père afin que les hommes, tous les hommes, aient la vie et qu’ils l’aient en plénitude (cf. Jn 10 :10).

En suivant les pas de Jésus, nous devons prioritairement donner un espace suffisant pour la conversation personnelle avec le Père et pour rester en harmonie avec l’Esprit Saint, qui nous rappellera toujours que tout a été renversé sur la Croix. Il n’y avait pas du tout de “j’aime” et presque pas de “followers” au moment de la plus grande manifestation de la gloire de Dieu ! Toute mesure humaine du “succès” est relativisée par la logique de l’Évangile.

80) Voici notre témoignage: attester, par nos paroles et nos vies, de ce que quelqu’un d’autre a fait.[51] En ce sens, et seulement en ce sens, nous pouvons être des témoins – et même des missionnaires – du Christ et de son Esprit. Cela inclut notre engagement avec les réseaux sociaux. La foi signifie avant tout témoigner de la joie que le Seigneur nous donne. Et cette joie brille toujours de mille feux sur fond de souvenir reconnaissant. Dire aux autres la raison de notre espérance et le faire avec douceur et respect (1 Pt 3 :15) est un signe de gratitude. C’est la réponse de quelqu’un qui, par gratitude, est rendu docile à l’Esprit et donc libre. Ce fut le cas pour Marie qui, sans l’avoir voulu ni avoir essayé, est devenue la femme la plus influente de l’histoire.[52] C’est la réponse de quelqu’un qui, par la grâce de l’humilité, ne se met pas au premier plan et facilite ainsi la rencontre avec le Christ qui a dit: “Apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur” (Mt 11:29).

Suivant la logique de l’Évangile, tout ce que nous avons à faire, c’est provoquer une question pour éveiller la recherche. Le reste est l’œuvre cachée de Dieu.

***

81) Comme nous l’avons vu, nous parcourons les autoroutes numériques aux côtés d’amis et de parfaits inconnus, en nous efforçant d’éviter de nombreux écueils en cours de route, et nous prenons conscience de la présence de blessés au bord de la route. Ces blessés peuvent être tantôt d’autres personnes, tantôt nous-mêmes. Lorsque cela se produit, nous nous arrêtons, et à travers la vie que nous avons reçue dans les sacrements, qui est en œuvre en nous, cette prise de conscience devient rencontre: à partir de textes ou d’images sur un écran, le blessé prend les contours d’un proche, un frère ou une sœur, et même le Seigneur, qui a dit: “Tout ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits… c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25:40). Et si parfois c’est nous aussi qui sommes les blessés, le Samaritain qui est penché sur nous avec compassion a aussi le visage du Seigneur, qui est devenu notre prochain, penché sur l’humanité souffrante pour panser nos blessures.

Dans les deux cas, ce qui aurait pu commencer comme une rencontre fortuite ou une présence distraite sur les plateformes de réseaux sociaux réunit des gens présents les uns aux autres dans une rencontre pleine de miséricorde. Cette miséricorde nous permet de goûter, dès maintenant, au Royaume de Dieu et à la communion qui trouve son origine dans la Sainte Trinité : la véritable “terre promise”.

 

82) Il est donc possible qu’à partir de notre présence aimante et authentique dans ces sphères numériques de la vie humaine, un chemin puisse s’ouvrir vers ce à quoi saint Jean et saint Paul aspiraient dans leurs lettres : la rencontre face à face de toute personne blessée avec le Corps du Seigneur, l’Église, afin que dans une rencontre personnelle, cœur à cœur, ses blessures et les nôtres soient guéries et que “notre joie soit complète” (2 Jn 12).

***

Que l’image du Bon Samaritain, qui a soigné les blessures du blessé en y versant de l’huile et du vin, soit notre inspiration. Que notre communication soit un baume qui soulage la douleur et un bon vin qui réjouisse les cœurs. Que la lumière que nous apportons aux autres ne soit pas le résultat de cosmétiques ou d’effets spéciaux, mais plutôt celui d’être des “proches” aimants et miséricordieux envers ceux qui sont blessés et laissés sur le bord de la route.[53]

Cité du Vatican, 28 mai 2023, Solennité de la Pentecôte

 

Paolo Ruffini
Préfet

Lucio A. Ruiz
Secrétaire

 

Traduction de l’original anglais par le Saint-Siège

 

[1] Synode des évêques, Document final de la réunion présynodale en préparation de la XV Assemblée Générale Ordinaire, “Les Jeunes, la Foi et le Discernement Vocationnel”, Rome (19-24 mars 2018), N° 4.

[2] Message du Pape Benoît XVI pour la 43ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Nouvelles technologies, nouvelles relations. Promouvoir une culture de respect, de dialogue, d’amitié” (24 mai 2009). Dès 1992, l’Instruction pastorale Aetatis Novae parlait des technologies numériques. Puis, les documents Ethique en Internet et L’Eglise et Internet publiés simultanément en 2002 se sont concentrés plus en détails sur les effets culturels d’Internet. Enfin, la Lettre apostolique Le Progrès Rapide de Jean Paul II, adressée aux responsables des communications sociales, offre des réflexions sur les questions soulevées par la communication sociale. Outre les documents qui concernent de façon spécifique la communication sociale, d’autres textes magistériels ont aussi évoqué en partie ce thème au cours des dernières décennies. C’est le cas par exemple des exhortations apostoliques Verbum Domini, 113; Evangelii Gaudium, 62, 70, 87; Gaudete et Exsultate, 115; Christus Vivit, 86-90, 104-106; et des encycliques Laudato si’, 47, 102-114; Fratelli tutti, 42-50.

[3] Message du Pape Benoît XVI pour la 47ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Réseaux sociaux : portes de vérité et de foi ; nouveaux espaces pour l’évangélisation” (24 janvier 2013).

[4] Message du Pape François pour la 53ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Nous sommes membres les uns des autres” (Ép, 4,25)Des communautés de réseaux sociaux à la communauté humaine” (24 janvier 2019).

[5] Le Vatican a ouvert sa première chaîne YouTube en 2008. Depuis 2012, le Saint-Père est actif sur Twitter et depuis 2016, sur Instagram. En parallèle, la présence médiatisée numériquement du Pape est devenue l’une des modalités de son engagement pastoral, à commencer par des messages vidéo au milieu des années 2000, suivis de visioconférences en direct comme la rencontre de 2017 avec les astronautes de la Station spatiale internationale. Le message vidéo du Pape en 2017 au Super Bowl aux États-Unis et ceux envoyés lors des TED Conferences en 2017 et 2020 ne sont que quelques exemples de la présence pastorale numérique du Pape.

[6] La diffusion en direct de la Statio Orbis du 27 mars 2020 a attiré environ six millions de téléspectateurs sur la chaîne YouTube de Vatican News et dix millions sur Facebook. Ces chiffres n’incluent pas les vues ultérieures de l’enregistrement de l’événement ou les vues à travers d’autres canaux médiatiques. Le soir même de l’événement, 200.000 nouveaux abonnés ont rejoint @Franciscus sur Instagram, et les publications sur l’événement restent parmi les contenus les plus commentés de l’histoire du compte.

[7] Parmi les nombreuses images de l’Evangile pouvant servir de source d’inspiration pour ce texte, c’est la parabole du Bon Samaritain qui a été choisie, considérée par le Pape François comme “une parabole du communicateur”. Cf. Message du Pape François pour la 48ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “La communication au service d’une authentique culture de la rencontre” (24 janvier 2014).

[8] Par exemple : qui définira les sources auxquelles ont recours les systèmes d’intelligence artificielle? Qui finance ces nouveaux créateurs d’opinion publique ? Comment pouvons-nous nous assurer que ceux qui conçoivent les algorithmes sont guidés par des principes éthiques et contribuent à diffuser à l’échelle mondiale une nouvelle prise de conscience et une pensée critique pour limiter les dégâts sur les nouvelles plateformes d’information? La formation aux nouveaux médias devrait inclure les compétences qui permettent aux personnes non seulement de s’impliquer de manière critique et efficace dans l’information, mais aussi de discerner l’utilisation de technologies qui réduisent de plus en plus le fossé entre l’humain et le non-humain.

[9] Cf. Fratelli tutti 30; Evangelii Gaudium 220; voir aussi Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune” (4 février 2019) : “Nous nous adressons (…) aux opérateurs des médias (…) en toute partie du monde, afin qu’ils retrouvent les valeurs de la paix, de la justice, du bien, de la beauté, de la fraternité humaine et de la coexistence commune, pour confirmer l’importance de ces valeurs comme ancre de salut pour tous et chercher à les répandre partout”.

[10] “Certaines personnes préfèrent ne pas chercher, ne pas s’informer, et vivent leur bien-être et leur confort, sourdes au cri de douleur de l’humanité souffrante. Presque sans nous en apercevoir, nous sommes devenus incapables d’éprouver de la compassion pour les autres, pour leurs drames ; prendre soin d’eux ne nous intéresse pas, comme si ce qui leur arrive était d’une responsabilité extérieure à nous, qui ne nous revient pas”. Message du Pape Francois pour la 49ème Journée Mondiale de la Paix, “Gagne sur l’indifférence et remporte la paix”(1er janvier 2016) ; Evangelii Gaudium, 54.

[11] Message du Pape Francois pour la 49ème Journée Mondiale de la Paix, “Gagne sur l’indifférence et remporte la paix” (1er janvier 2016).

[12] Cf. Fratelli tutti, 67.

[13] Message du Pape François pour la 56ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Écouter avec l’oreille du cœur” (24 janvier 2022).

[14] Fratelli tutti, 63.

[15] “Le silence est précieux pour favoriser le nécessaire discernement parmi tant de sollicitations et tant de réponses que nous recevons, précisément pour reconnaître et focaliser les questions vraiment importantes”. Message du Pape Benoît XVI pour la 46ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Silence et Parole : chemin d’évangélisation” (24 janvier 2012).

[16] Message du Pape François pour la 48ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “La communication au service d’une authentique culture de la rencontre” (24 janvier 2014).

[17] Message du Pape François pour la 56ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Écouter avec l’oreille du cœur” (24 janvier 2022); Evangelii Gaudium, 171.

[18] “Ainsi, la première écoute à redécouvrir lorsqu’on recherche une communication réelle est l’écoute de soi, de nos besoins les plus réels, ceux inscrits au plus profond de chaque personne. Et nous ne pouvons que repartir de l’écoute de ce qui nous rend uniques dans la création : le désir d’être en relation avec les autres et avec l’Autre. Nous ne sommes pas faits pour vivre comme des atomes, mais pour vivre ensemble”. Message du Pape François pour la 56ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Écouter avec l’oreille du cœur” (24 janvier 2022).

[19] Verbum Domini, 86-87.

[20] Laudato si’, 47.

[21] Cf. Laudato si’, 66.

[22] Communio et Progressio, 12.

[23] Message du Pape François pour la 53ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Nous sommes membres les uns des autres” (Ép, 4,25). Des communautés de réseaux sociaux à la communauté humaine” (24 janvier 2019).

[24] Message du Pape François pour la 48ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “La communication au service d’une authentique culture de la rencontre” (24 janvier 2014).

[25] Cf. Fratelli tutti, 49.

[26] Fratelli tutti, 69.

[27] Cf. Message du Pape François pour la 48ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “La communication au service d’une authentique culture de la rencontre” (24 janvier 2014).

[28] Fratelli tutti, 77.

[29] Pape François, Angélus, 10 juillet 2016.

[30] Cf. Gaudete et Exsultate, 115.

[31] Sur la question de la polarisation et son lien avec la construction d’un consensus, voir en particulier Fratelli tutti, 206-214.

[32] Cf. Discours à l’occasion de la manifestation “Economy of Francesco”, 24 Septembre 2022.

[33] “Le lendemain, il sortit deux pièces d’argent, et les donna à l’aubergiste, en lui disant : ‘Prends soin de lui; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai’” (Luc 10:35).

[34] Une enquête menée aux États-Unis par le Barna Research Center en 2020 a révélé que si la moitié des “fidèles” habituels a déclaré ne pas avoir “participé à une célébration religieuse, que ce soit en présence ou en ligne”, pendant une période de six mois, cette même moitié a affirmé en revanche avoir “regardé un service religieux en ligne” au cours de cette même période. Il est donc possible de reconnaître avoir regardé une célébration religieuse sans se considérer pour autant comme un participant.

[35] Il semble y avoir des substituts artificiels pour presque tout dans la réalité virtuelle; nous pouvons partager toutes sortes d’informations grâce au numérique, mais partager un repas ne semble pas possible même dans le métavers.

[36] Cf. Lettre apostolique Desiderio desideravi, n° 9, renvoi au “Sermo LXXIV: De ascensione Domini II,1 de Léon le Grand: “quod […] Redemptoris nostri conspicuum fuit, in sacramenta transivit”.

[37] Message du Pape François pour la 53ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Nous sommes membres les uns des autres” (Ép, 4,25). Des communautés de réseaux sociaux à la communauté humaine” (24 janvier 2019). Il peut être utile d’envisager d’autres formes de pratique spirituelle, telles que la Liturgie des Heures et la lectio divina, qui pourraient être plus adaptées au partage en ligne, que la Messe.

[38] Cf. Pape François, Discours aux participants à l’Assemblée plénière du Dicastère pour la Communication, 23 septembre 2019.

[39] Le Pape François a parlé du mode de communication de Dieu comme étant marqué par “la proximité, la compassion et la tendresse” à de nombreuses reprises (Audiences générales, Angélus, Homélies, Conférences de presse, etc.).

[40] Communio et Progressio, 11.

[41] “Il suffit d’aimer bien pour bien s’exprimer » (saint François de Sales). Cf Message du Pape François pour la 57ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Parler avec le cœur. Selon la vérité, dans la charité” (24 janvier 2023).

[42] Message du Pape François pour la 52ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “La vérité vous rendra libres” (Jn 8, 32). Fausses nouvelles et journalisme de paix” (24 janvier 2018).

[43] Message du Pape François pour la 53ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Nous sommes membres les uns des autres ” (Ép, 4,25). Des communautés de réseaux sociaux à la communauté humaine” (24 janvier 2019).

[44] Il est important néanmoins que lorsqu’un faux récit commence à se propager, il soit corrigé avec respect et rapidité. “Il faut lutter contre les fake news, mais les personnes qui y adhèrent, souvent sans être pleinement averties et responsables, doivent toujours être respectées”. Discours du Pape François aux participants à la rencontre promue par le Consortium national des médias catholiques “Catholic Fact-Checking”, 28 janvier 2022.

[45] Message du Pape François pour la 50ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Communication et miséricorde: une rencontre féconde” (24 janvier 2016).

[46] Cela concerne aussi la formation des prêtres. Comme nous le lisons dans la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis (8 décembre 2016), les mass media et les réseaux sociaux représentent “un univers que les futurs pasteurs ne peuvent ignorer, que ce soit pendant leur formation ou dans leur ministère futur” (n° 97). Ils doivent également être prudents devant les risques inévitables liés à la fréquentation du monde numérique, notamment les différentes formes d’addiction (n° 99). Sur cet aspect, voir aussi le Discours du Pape François aux Séminaristes et Prêtres Étudiant à Rome (24 octobre 2022).

[47] Cf. Message du Pape François pour la 53ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “Nous sommes membres les uns des autres” (Ép, 4, 25). Des communautés de réseaux sociaux à la communauté humaine” (24 janvier 2019).

[48] Il pourrait donc être utile que les initiatives individuelles sur les réseaux sociaux, en particulier celles qui émanent des religieux et du clergé, trouvent un moyen de renforcer la communion dans l’Église. En tant que communauté chrétienne, il pourrait également être utile de tendre la main aux “influenceurs” qui se trouvent en marge de nos milieux ecclésiaux.

[49] Être synodal (de syn odòs) signifie marcher sur le même chemin, marcher ensemble, avancer ensemble.

[50] Cela a déjà été décrit par les anciens Pères de l’Église. Tertullien, par exemple, parlait du martyre comme d’un attrait. Dans son Apologétique, il explique que les persécutions sont non seulement injustes, mais aussi inutiles: “Et néanmoins vos cruautés les plus raffinées n’avancent rien; elles sont une amorce pour notre Religion. Nous augmentons toutes les fois que vous nous moissonnez. Le sang des chrétiens est une semence. (…) Cette même obstination que vous nous reprochez est la maîtresse des hommes. Car quel est celui qui à sa vue n’est pas poussé à rechercher ce que la chose est en elle-même ? Quel est celui qui, après l’avoir approfondie, n’embrasse pas notre doctrine ? » Tertullien, Apologétique, n. 50 (traduction adaptée).

[51] Ce paragraphe est en partie inspiré du Message du Pape François aux Œuvres Pontificales Missionnaires (21 mai 2020).

[52] Voyage Apostolique du Pape François au Panama: Veillée avec les Jeunes (Campo San Juan Pablo II – Metro Park, 26 janvier 2019).

[53] Message du Pape François pour la 48ème Journée Mondiale des Communications Sociales, “La communication au service d’une authentique culture de la rencontre” (24 janvier 2014).

 

Source : https://www.vatican.va/roman_curia/dpc/documents/20230528_dpc-verso-piena-presenza_fr.html

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