Le pape François a rencontré des religieux Barnabites © Vatican Media

Le pape François a rencontré des religieux Barnabites © Vatican Media

Le pape François donne trois conseils spirituels aux religieux : la relation avec le Christ, le zèle apostolique et le courage créatif

Discours aux clercs réguliers de saint Paul et à la famille spirituelle de saint Antoine-Marie Zacharie

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Le matin du lundi 29 mai, le pape François a accueilli en audience les clercs réguliers de Saint-Paul, mieux connus sous le nom de barnabites. En 2011, l’ordre était composé d’environ 403 religieux. Nous proposons ci-dessous le discours que leur a prononcé le pape.

 

Je suis heureux de partager avec vous ce moment de rencontre, à l’occasion du 125e anniversaire de la canonisation de saint Antoine Marie Zacharie et alors que vous vous préparez pour deux chapitres généraux importants. Vous êtes des Pères, des Sœurs et des laïcs, réunis en trois « collèges », comme les appelait votre Fondateur ; tous animés par l’esprit apostolique de saint Paul, qui a inspiré vos origines et sous la protection duquel vous continuez à travailler dans diverses parties du monde.

Je suis guidé par une expression caractéristique de saint Antoine Marie. Il avait l’habitude de dire à ses adeptes : « Vous devez courir comme des fous ! Courez vers Dieu et vers les autres ». Courir comme des fous, ne pas être des fous qui courent, c’est autre chose ! De cette exhortation typiquement paulinienne, je voudrais souligner trois aspects : la relation avec le Christ, le zèle apostolique et la valeur créative.

Dans l’expérience de Zacharie lui-même, la base de la mission est de « courir vers Dieu », c’est-à-dire une relation forte avec le Seigneur Jésus, cultivée depuis sa jeunesse sur un chemin sérieux de croissance, en particulier en méditant la Parole de Dieu avec l’aide de deux bons religieux. C’est ce qui l’a conduit d’abord au compromis catéchétique, puis au sacerdoce et enfin à la fondation religieuse. Ce type de relation avec le Christ est également fondamental pour nous, pour dire à tous, l’ayant vécu personnellement, que la vie n’est pas la même avec ou sans le Seigneur (cf. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 266), pour continuer à « courir vers le but », comme le dit saint Paul, et pour impliquer dans cette course les personnes qui nous ont précédés. Notre annonce missionnaire n’est pas du prosélytisme – je le souligne beaucoup – mais le partage d’une rencontre personnelle qui a changé notre vie. Sans cela, nous n’avons rien à annoncer, ni une destination vers laquelle marcher ensemble.

J’ai eu, en cela, une mauvaise expérience, lors d’une rencontre de jeunes il y a quelques années. Je suis sorti de la sacristie et il y avait une dame, très élégante, on voyait aussi qu’elle était très riche, avec un garçon et une fille. Et cette dame, qui parlait espagnol, m’a dit : « Père, je suis heureuse parce que j’ai converti ces deux-là : celui-ci est d’un tel endroit et celui-ci est d’un tel autre ». Je me suis fâché, tu sais, et je lui ai dit : « Vous n’avez rien converti, vous avez manqué de respect à ces gens : vous ne les avez pas accompagnés, vous leur avez fait du prosélytisme et ce n’est pas évangéliser ». « J’étais fière d’avoir converti !» Attention à distinguer l’action apostolique du prosélytisme : nous ne faisons pas de prosélytisme. Le Seigneur n’a jamais fait de prosélytisme.

« Courir vers les autres » : c’est la deuxième indication. Celle-ci aussi est fondamentale. En effet, si nous perdons de vue, dans notre vie de foi, l’horizon de l’annonce, nous finissons par nous enfermer dans nous-mêmes et nous dessécher dans les landes de l’autoréférentialité (cf. Audience générale du 11 janvier 2023). Cela nous arrive comme un athlète qui continue à se préparer à la grande course de sa vie sans jamais commencer : tôt ou tard, il finit par déprimer et commence à se laisser aller, son enthousiasme s’éteint. Et ainsi on devient un disciple triste. Nous ne voulons pas devenir des disciples tristes. Ici aussi, je pose une question : ce ver de la tristesse est-il en moi ? Parfois en moi, religieux, laïc, est-ce que je laisse entrer ce ver ? Quelqu’un a dit qu’un chrétien triste est un chrétien triste : c’est vrai. Mais en nous, consacrés, la tristesse ne doit pas entrer, et si quelqu’un ressent cette tristesse, allez immédiatement devant le Seigneur et demandez la lumière, et demandez à un frère de l’aider à en sortir.

C’est pourquoi Jésus met dans les racines mêmes de l’Église le commandement : « Allez dans le monde entier et proclamez l’Évangile à toute créature » (Mc 16, 15) ; et saint Paul le confirme lorsqu’il dit, en parlant de son apostolat : « Je ne peux m’en empêcher, et malheur à moi si je n’annonce pas le Christ (cf. 1 Co 9, 16). Il n’y avait pas de place pour la tristesse, je voulais aller de l’avant. Malheur à nous si nous n’annonçons pas le Christ ! C’est pourquoi je vous encourage à aller de l’avant dans la direction indiquée par votre charisme : « Porter partout l’Esprit vivant du Christ ». L’Esprit « vivant » du Christ est celui qui conquiert le cœur, celui qui ne vous fait pas vous asseoir dans votre fauteuil, mais vous fait aller vers les frères, avec un sac à dos léger et un regard plein de charité. Apportez cet Esprit partout, sans exclure personne et en vous ouvrant également à de nouvelles formes d’apostolat, dans un monde en mutation qui a besoin d’esprits flexibles et d’esprits ouverts, de chemins partagés de recherche, pour identifier les bonnes façons de transmettre le seul Évangile de tous les temps.

Et avec cela, nous arrivons au troisième point : « courir comme des fous » – ce qui n’est pas la même chose qu’être des fous qui courent, c’est différent -, c’est-à-dire le courage créatif. Il ne s’agit pas tant d’élaborer des techniques d’évangélisation sophistiquées, mais, comme le dit saint Paul, de se faire « tout à tous, pour sauver quelqu’un à tout prix » (1 Co 9,22), de ne pas s’arrêter devant les difficultés et de regarder au-delà des horizons de l’habitude et de la vie tranquille, du « ça a toujours été fait comme ça ».

Saint Antoine-Marie a eu ce courage, en créant des institutions nouvelles pour son temps : une congrégation de réforme du clergé à une époque où tant de clercs s’étaient habitués à une vie confortable et privilégiée ; une congrégation religieuse féminine non cloîtrée, dédiée à l’évangélisation, à une époque où, pour les femmes, la vie consacrée était cloîtrée ; une congrégation de missionnaires laïcs activement engagés dans l’annonce, à une époque où un certain cléricalisme dominait. Il s’agissait de réalités nouvelles – il était créatif, mais fidèle à l’Évangile. Ces réalités n’existaient pas auparavant : le fondateur a compris qu’elles pouvaient être utiles pour le bien de l’Église et de la société, et donc il les a inventées et défendues devant ceux qui n’en comprenaient pas le sens et l’utilité, jusqu’à venir à Rome pour en rendre compte. Et en cela, il y a un enseignement important, car il n’a pas exercé sa créativité en dehors de l’Église : il l’a fait à l’intérieur, en acceptant les corrections et les reproches, en cherchant à expliquer et à illustrer les raisons de ses choix et en préservant la communion dans l’obéissance.

Je conclus en rappelant une dernière valeur importante pour vos « collèges » : l’importance de faire ensemble. La communion dans la vie et dans l’apostolat est en effet le premier témoignage que vous êtes appelés à donner, surtout dans un monde divisé par les luttes et l’égoïsme. Il est écrit dans l’ADN de la vie chrétienne et de l’apostolat : « Que tous soient un » (Jn 17,21), comme l’a prié le Seigneur. De plus, le même mot « collège » indique précisément ceci : élus pour être ensemble, pour vivre, travailler, prier, souffrir et se réjouir ensemble, en tant que communauté. C’est pourquoi, chers frères et sœurs : « Courez comme des fous, vers Dieu et les uns vers les autres, ensemble ! ». Et que la Vierge, qui s’est précipitée pour aider Élisabeth, vous accompagne. Je vous bénis de tout mon cœur. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

Traduction de l’original en anglais réalisée par ZENIT.

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Rédaction

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