Le Christ nous demande de « nous ouvrir à l’extraordinaire d’un amour gratuit », a déclaré le pape François, dimanche 19 février 2023, avant d’expliquer : « tandis que nous essayons toujours d’équilibrer les comptes », Jésus « n’est pas un bon comptable », il « conduit toujours au déséquilibre de l’amour ».
Selon l’usage, le pape François a commenté l’évangile du jour avant la prière de l’Angelus, dimanche 19 février dernier, de la fenêtre du studio du Palais apostolique du Vatican. Il a souligné d’emblée « l’exigence » des paroles de Jésus lorsqu’il invite ses disciples à « tendre l’autre joue et à aimer même nos ennemis ». D’après les estimations de la Gendarmerie vaticane, quelque 20 000 personnes étaient présentes Place Saint-Pierre pour la prière mariale.
Dieu, « qui nous aime alors que nous sommes pécheurs », a le premier vécu « le déséquilibre de l’amour : « si Dieu ne s’était pas déséquilibré, nous n’aurions jamais été sauvés : c’est le déséquilibre de la croix qui nous a sauvés ! », a souligné le pape. L’amour de Dieu, a-t-il poursuivi, est « un amour toujours en excès, toujours au-delà des calculs, toujours disproportionné ». Et d’ajouter : « Et aujourd’hui, il nous demande à nous aussi de vivre ainsi ».
Dieu ne suit pas la « logique » humaine, a insisté le pontife. C’est pourquoi il « nous propose de sortir de la logique du profit et de ne pas mesurer l’amour sur la balance des calculs et des convenances ». Si « nous essayons de rester dans l’ordinaire des raisonnements utilitaires », « dans l’équilibre entre donner et recevoir, les choses ne changent pas ». Tandis que l’amour gratuit « transforme lentement les conflits », « raccourcit les distances », « dépasse les inimitiés et guérit les blessures de la haine », a rappelé le pape François.
Paroles du pape François avant l’Angelus
Chers frères et sœurs, bonjour !
Les paroles que Jésus nous adresse dans l’évangile de ce dimanche sont exigeantes et semblent paradoxales : il nous invite à tendre l’autre joue et à aimer même nos ennemis (cf. Mt 5, 38-48). Il est normal pour nous d’aimer ceux qui nous aiment et d’être amis avec ceux qui sont nos amis ; pourtant, Jésus nous provoque en disant : si vous agissez ainsi, « que faites-vous d’extraordinaire ? » (v. 47). Que faites-vous d’extraordinaire ? Voilà le point sur lequel je voudrais attirer aujourd’hui votre attention ; sur ces paroles : que faites-vous d’extraordinaire ?
« Extraordinaire », c’est ce qui va au-delà des limites de l’habituel, qui dépasse les pratiques habituelles et les calculs normaux dictés par la prudence. En général, nous cherchons plutôt à tout avoir bien en ordre et sous contrôle, pour que cela corresponde à nos attentes, à notre mesure : craignant de ne pas recevoir le change ou de trop nous exposer et d’être ensuite déçus, nous préférons n’aimer que ceux qui nous aiment pour éviter les déceptions, ne faire du bien qu’à ceux qui sont bons avec nous, n’être généreux qu’à l’égard de ceux qui peuvent nous rendre un service ; et nous répondons à ceux qui nous traitent mal avec la même monnaie, et ainsi nous trouvons l’équilibre. Mais le Seigneur nous avertit : ce n’est pas suffisant ! Nous dirons : cela n’est pas chrétien ! Si nous restons dans l’ordinaire, dans l’équilibre entre donner et recevoir, les choses ne changent pas. Si Dieu suivait cette logique, nous n’aurions pas l’espérance du salut ! Mais heureusement pour nous, l’amour de Dieu est toujours « extraordinaire », il va au-delà, il va au-delà des critères habituels avec lesquels nous, êtres humains, nous vivons nos relations.
Les paroles de Jésus sont donc un défi. Alors que nous essayons de rester dans l’ordinaire des raisonnements utilitaires, Il nous demande de nous ouvrir à l’extraordinaire, à l’extraordinaire d’un amour gratuit ; tandis que nous essayons toujours d’équilibrer les comptes, le Christ nous stimule à vivre le déséquilibre de l’amour. Jésus n’est pas un bon comptable, non ! Il conduit toujours au déséquilibre de l’amour. N’en soyons pas étonnés. Si Dieu ne s’était pas déséquilibré, nous n’aurions jamais été sauvés : c’est le déséquilibre de la croix qui nous a sauvés ! Jésus ne serait pas venu nous chercher alors que nous étions perdus et lointains, il ne nous aurait pas aimés jusqu’au bout, il n’aurait pas embrassé la croix pour nous, qui ne méritions pas tout cela et qui ne pouvions rien lui donner en retour. Comme l’écrit l’apôtre Paul, « accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,7-8). Voilà, Dieu nous aime alors que nous sommes pécheurs et non pas parce que nous sommes bons ou en mesure de lui rendre quelque chose. Frères et sœurs, l’amour de Dieu est un amour toujours en excès, toujours au-delà des calculs, toujours disproportionné. Et aujourd’hui, il nous demande à nous aussi de vivre ainsi, parce que c’est seulement ainsi que nous lui rendrons vraiment témoignage.
Frères et sœurs, le Seigneur nous propose de sortir de la logique du profit et de ne pas mesurer l’amour sur la balance des calculs et des convenances. Il nous invite à ne pas répondre au mal par le mal, à oser dans le bien, à risquer dans le don, même si nous ne recevons rien ou presque en retour. Parce que c’est cet amour qui transforme lentement les conflits, qui raccourcit les distances, qui dépasse les inimitiés et guérit les blessures de la haine. Alors, nous pouvons nous interroger, tous : et moi, dans ma vie, est-ce que je suis la logique du profit ou celle de la gratuité, comme le fait Dieu ? L’amour extraordinaire du Christ n’est pas facile, mais il est possible parce qu’il nous aide lui-même en nous donnant son Esprit, son amour sans mesure.
Prions la Vierge Marie qui, en répondant à Dieu par son « oui » sans calculs, lui a permis de faire d’elle le chef-d’œuvre de sa grâce.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat